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Face à une récession annoncée, comment interpréter la résistance des marchés ?

Le comportement des marchés financiers ne cesse d’étonner les observateurs. L’indice mondial des actions a fini en hausse au cours du mois de mai mais les divergences ont été nombreuses entre les places boursières. De même, les indicateurs économiques publiés ont été assez peu homogènes. De ce fait, il est difficile d’avoir des convictions fortes sur les perspectives des prochains trimestres...

Les évolutions des marchés lors des prochains mois resteront toujours dépendantes des mêmes facteurs : le rythme de la décrue de l’inflation, encore insuffisant aux yeux des banquiers centraux pour baisser la garde, et l’incertitude sur la vitesse du ralentissement de l’activité. Nous ne serons sans doute pas fixés rapidement sur ces deux points. Nous préférons donc maintenir une approche prudente et constructive à court terme : prudente compte tenu d’un risque de déception dans les prochains mois, constructive car il n’y a pas de raison de s’affoler et qu’il y a régulièrement des occasions à saisir en achetant des actions ayant trop baissé pour les portefeuilles moins investis. Les indices nous semblent disposer d’un potentiel de hausse très limité au cours de l’été. Ceci justifie de ne pas augmenter uniformément le poids des actions dans les portefeuilles. Nous restons confiants à moyen terme car la baisse des taux de la FED, lorsqu’elle se produira, pourrait marquer le début d’un nouveau cycle haussier aux Etats-Unis puis en Europe, après un dernier épisode de baisse qui interviendrait d’ici à la fin de l’année. Nous continuerons à profiter des épisodes d’incertitude et de repli plus marqué pour relever le poids des actions au sein des portefeuilles. Dans cet environnement, une approche assez équilibrée entre actions et produits défensifs dans la construction des portefeuilles semble toujours appropriée.

Le mois de mai a été l’occasion d’un rééquilibrage des évolutions des indices boursiers à la faveur de fluctuations monétaires assez marquées. Si les indices européens ont perdu en moyenne 3%, l’indice S&P500 a gagné 0.25% auquel s’ajoutent 3.6% de hausse du dollar. La surperformance des actions européennes depuis le début de l’année a été complétement effacée en un mois. L’indice Nikkei japonais a progressé de 7% dont il faut retrancher 1% de baisse du Yen. Enfin, la hausse des indices émergents a été faible (+1.6% en euros) masquant la hausse de 4% au Brésil et de 6.4% en Inde et la baisse de 5.5% des plus grandes actions chinoises. Les explications de ces mouvements sont multiples.

Aux Etats-Unis, la croissance reste encore soutenue

au vu d’indicateurs comme l’emploi ou la consommation. Inversement, la hausse de la production industrielle et de l’investissement des entreprises est modeste. De plus, des signes de faiblesse apparaissent comme la disparition progressive de l’excédent d’épargne des ménages ou la légère remontée du chômage. Au vu des indicateurs avancés, le ralentissement se mettrait en place mais il n’est pas encore visible. L’analyse de la courbe des taux d’intérêt américain (écart entre les taux à 10 ans et les taux à 3 mois ou à 2 ans) conduit à la même conclusion : une récession interviendrait en fin d’année ou au début de l’année prochaine. Enfin, chaque fois que la FED a mené une politique de remontée des taux d’intérêt, une récession s’en est suivie 9 fois sur 10. Dans ce cas , pourquoi les indices américains progressent-ils ? Nous l’avons maintes fois indiqué, les investisseurs préfèrent jouer un scénario plus optimiste, celui d’un simple ralentissement passager accompagné d’un reflux de l’inflation (qui se constate effectivement) et d’une baisse des taux de la FED. Ce scénario peut effectivement se produire. Ou bien, la prochaine récession est tellement annoncée depuis plusieurs mois qu’elle ne fait plus peur. Théoriquement, les marchés américains font leur point bas à l’approche de la récession, il serait donc trop tôt pour s’inquiéter.

Rappelons les éléments qui pourraient conduire à celle-ci : le durcissement des conditions de crédit consécutif à la hausse des taux, la baisse des liquidités disponibles par la réduction du bilan de la FED, dont les effets sur l’économie sont lents, moindre consommation des ménages après avoir utilisé les excédents d’épargne, stocks excédentaires au sein des entreprises, baisse des marges bénéficiaires par disparition de l’effet d’aubaine de la hausse des prix, enfin remontée du taux de chômage. Certains économistes pensent que plus l’activité reste soutenue, plus la FED maintiendra ses taux élevés longtemps. La récession serait donc inéluctable. Visiblement les investisseurs n’en sont pas convaincus, quoique…L’examen approfondi des performances des actions américaines depuis le début de l’année est révélateur. Seuls les secteurs liés aux grandes valeurs technologiques (y compris Tesla ou Amazon) sont en forte hausse (Nasdaq + 23%), les secteurs défensifs (santé et agroalimentaire) sont stables et tous les autres secteurs sont en baisse sensible de même que les valeurs plus petites.

Cette hiérarchie de performances est quand même le signe d’une incertitude sur la croissance. Plus récemment, c’est l’agitation sur l’intelligence artificielle qui a également frappé les investisseurs comme ce fut le cas avec Internet en l’an 2000, qui a permis aux indices américains de progresser davantage. Tout ceci ajoute encore de la confusion.

En Europe, la situation est plus décevante. La croissance est plus faible, elle ralentit et certains pays sont déjà en récession comme l’Allemagne. L’inflation est plus élevée et la BCE n’a pas fini son durcissement monétaire (deux ou trois hausses de taux supplémentaires sont attendues). Et pourtant, au début du mois, les indices étaient au plus haut, grâce à un nombre restreint de valeurs toutefois, comme aux Etats-Unis, mais plutôt dans le secteur du luxe. Il aura suffi de quelques doutes sur la vigueur de la consommation en Chine ou aux Etats-Unis et d’une légère remontée des taux pour que ces valeurs perdent rapidement presque 10% en moyenne. Paradoxalement, certaines valeurs plus cycliques ont mieux résisté (de quoi y perdre son latin) sans compter le secteur technologique qui a gagné 6.7% entrainé par le mouvement des actions américaines.

Les grands pays émergents, comme le Brésil ou l’Inde, et le Japon semblent mieux lotis en termes d’activité. La croissance au 1er trimestre y a fortement dépassé les attentes et les indicateurs avancés continuent de s’améliorer. Il n’est pas étonnant que les Bourses de ces trois pays aient fait l’objet d’un fort rattrapage après plusieurs mois de baisse. Exception à cette règle, les statistiques économiques en Chine n’ont pas été mauvaises mais les actions ont baissé preuve que l’essoufflement de la reprise économique préoccupe certains investisseurs.

Du côté des produits de taux, les variations ont été assez faibles. L’incertitude sur le relèvement du plafond de la dette américaine a entretenu une remontée de taux longs et une légère baisse des emprunts d’Etat et du Crédit. La conclusion d’un accord bipartisan, le weekend dernier, sur une petite réduction des dépenses publiques et une augmentation du plafond des émissions d’emprunts jusqu’à janvier 2025, n’a d’ailleurs pas provoqué de rechute des taux. Il faut sans doute y voir l’impact d’un discours toujours ferme de la FED sur le maintien de sa politique restrictive. La situation économique plus mitigée a plutôt orienté les taux européens à la baisse, amenant des gains sur les produits obligataires. Cette divergence de part et d’autre de l’Atlantique est aussi la cause du redressement du dollar face à l’Euro. Enfin, il faut signaler que la baisse des cours des matières premières industrielles semble refléter des anticipations de moindre croissance de l’activité mondiale.

Les évolutions des marchés lors des prochains mois resteront toujours dépendantes des mêmes facteurs : en premier lieu, le rythme de la décrue de l’inflation, réel mais assez lent pour l’instant et en tout cas insuffisant aux yeux des banquiers centraux pour baisser la garde, ensuite, l’incertitude sur la vitesse du ralentissement de l’activité. Nous ne serons sans doute pas fixés rapidement sur ces deux points. Dans l’intervalle, il parait assez probable que les indices progressent peu (comme en Europe) sauf ceux qui semblent encore un peu en retard (Etats-Unis, Japon, Brésil, Inde). D’ailleurs, il nous semble que ce comportement touche aussi les valeurs ou les secteurs. Les valeurs les moins chères ou les moins performantes font régulièrement l’objet de rattrapages alors que les valeurs les plus chères ou qui avaient le mieux performé, font plutôt l’objet de prises de profits. Les valeurs technologiques sont une exception et pourraient encore progresser sous l’effet de la spéculation qui les touchent malgré leur beau parcours mais cela n’est guère rassurant…

En conclusion, nous préférons maintenir une approche prudente et constructive à court terme : prudente compte tenu d’un risque de déception dans les prochains mois, constructive car il n’y a pas de raison de s’affoler et qu’il y a régulièrement des occasions à saisir en achetant des actions ayant trop baissé pour les portefeuilles moins investis.

Nous n’avons pas modifié nos objectifs pour les indices actions à fin juin et les avons baissé pour fin décembre, sauf pour le Nikkei dont nous avons acté la progression. Les indices nous semblent disposer d’un potentiel de hausse très limité au cours de l’été.

Ceci justifie de ne pas augmenter uniformément le poids des actions dans les portefeuilles. Nous restons confiants à moyen terme car la baisse des taux de la FED, qui finira par arriver, pourrait marquer le début d’un nouveau cycle haussier aux Etats-Unis puis en Europe, après un dernier épisode de baisse qui interviendrait d’ici à la fin de l’année. Nous continuerons à profiter des épisodes d’incertitude et de repli plus marqué pour relever le poids des actions au sein des portefeuilles.

Nous avons modifié quelques opinions sur les actions. Nous gardons une opinion Neutre à court terme et Surpondérer à moyen terme sur les actions européennes et américaines. Nous avons relevé à Neutre à court terme les actions d’Asie hors Japon et d’Amérique Latine. Nous maintenons une position Neutre à court et moyen terme sur les actions japonaises après leur fort rebond mais nous serions prêts à la remonter en cas de repli des indices. Dans cet environnement, une approche assez équilibrée entre actions et produits défensifs dans la construction des portefeuilles semble toujours appropriée.

Une allocation sectorielle assez neutre entre styles et secteurs semble également adaptée. Nous avons modifié quelques recommandations. Nous ne conservons une opinion Surpondérer, à court terme, que sur deux secteurs (Santé et Tourisme & Loisirs). Nous avons abaissé à Neutre le secteur Biens de consommation non cycliques qui comprend le Luxe dont le comportement est plus hésitant. A moyen terme, nous avons une opinion Surpondérer sur cinq secteurs dont trois que nous avons relevés (Tourisme & Loisirs, Biens et Services Industriels, Technologie). Par ailleurs, l’apaisement des tensions sur les banques nous a amené à relever le secteur à Neutre à court terme.

Nous maintenons une opinion Neutre à court terme et Sous-pondérer à moyen terme sur les produits obligataires. Les produits de taux conservent une tendance globalement neutre à court terme et baissière à moyen terme, à l’exception des obligations convertibles ou à haut rendement qui sont mieux orientées à moyen terme. Nous avons remonté notre opinion à court terme sur les Obligations émergentes à Neutre. Nous avons également relevé notre opinion sur les Sicav monétaire à Surpondérer, compte tenu de la remontée des rendements offerts.

Lors de notre dernier Comité d’Allocation d’Actifs de fin mai, nous avons encore abaissé notre exposition en actions en Europe et dans les pays émergents en la relevant au Japon. Nous avons légèrement réduit le poids des produits de taux (obligations convertibles, produits inflation) tout en remontant celui des liquidités.

Vincent Guenzi , Juin 2023

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