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Ce ne sont pas les plus forts qui survivent

Près de cinq ans après la débâcle de Lehman Brothers qui avait provoqué la Grande Crise Financière, les problèmes d’endettement n’ont pas disparu. Les craintes de nouvelles crises continuent également à hanter les esprits des décideurs politiques, des investisseurs et de nombreuses autres personnes. De multiples débats ont porté sur ce qu’il faudrait faire...

Près de cinq ans après la débâcle de Lehman Brothers qui avait provoqué la Grande Crise Financière, les problèmes d’endettement n’ont pas disparu. Les craintes de nouvelles crises continuent également à hanter les esprits des décideurs politiques, des investisseurs et de nombreuses autres personnes. De multiples débats ont porté sur ce qu’il faudrait faire pour résoudre les problèmes d’endettement et sur l’approche d’investissement appropriée dans le contexte actuel d’endettement élevé. L’une des raisons pour lesquelles ceci n’a guère permis de trouver de solutions est que deux éléments clés, pour un processus de décision optimal, font défaut tant chez les décideurs politiques que chez les investisseurs.

Ce contexte – si on exclut le scénario hautement improbable d’une inflation élevée dépassant rapidement l’objectif de la Fed – devrait être plus favorable que néfaste pour les actifs risqués et les actions en particulier. La Fed pourrait être incitée à prolonger son programme d’assouplissement quantitatif non seulement en cas de croissance plus faible ou de détérioration sur le marché mais aussi en cas d’une inflation largement inférieure à l’objectif de la Fed. Compte tenu de la tendance sous-jacente de l’inflation et de ce qui se passe actuellement au niveau des prix des matières premières et des salaires, cette dernière éventualité est plus probable qu’une forte hausse de l’inflation au cours des 6 à 12 prochains mois.

En dépit des développements sans précédent qui ont eu lieu ces dernières années au sein de l’économie mondiale et du système financier, de nombreuses personnes ont toujours du mal à accepter à quel point le contexte actuel est incertain.

Ceci est peut-être lié à l’approche théorique de l’économie et des finances, laquelle ne laisse guère de place à l’incertitude dans la façon dont le monde qui nous entoure est analysé.

L’acceptation de l’incertitude que la réalité apporte par rapport aux modèles que nous utilisons est peut-être inconfortable et/ou une leçon d’humilité pour certains, mais elle nous aide à faire preuve d’ouverture d’esprit et nous évite de rester ancrés dans nos convictions. Ceci contribue également à éviter une confiance excessive ou une prise de risque exagérée sur la base de croyances jamais remises en question.

En dehors d’une véritable compréhension de l’incertitude, un second point faible tant des décideurs politiques que des investisseurs est qu’ils répugnent à reconnaître leurs erreurs.

Ce comportement a été largement observé depuis le début de la crise financière et est probablement responsable du fait que la crise a duré plus longtemps que nécessaire et que certains portefeuilles ont souffert plus que nécessaire.

Trois exemples sont éloquents à cet égard. Le premier concerne le diagnostic de la crise de l’euro. En qualifiant cette dernière de crise souveraine, de nombreuses personnes ont suggéré que les « solutions » devaient être trouvées au niveau des finances publiques et des réformes structurelles. Par conséquent, les conseils sur le plan politique et les stratégies d’investissement sont souvent devenus trop tributaires des développements dans ces domaines.

Ceci ne tient pas compte du fait que l’introduction de l’euro a créé davantage de conséquences non anticipées que ce que même les sceptiques de l’époque suggéraient. En dehors du fait que la zone euro n’est pas une zone monétaire optimale (ce qui limite sa flexibilité de réaction aux chocs externes), l’euro a en réalité contribué aux larges déséquilibres des balances des comptes courants des États membres. Combinés à l’endettement excessif du secteur privé, ces déséquilibres des balances courantes ont davantage été la cause de la crise de l’euro que l’état des finances publiques. Ce dernier s’est détérioré significativement après la crise étant donné que les gouvernements ont été contraints de combler les « trous » qui sont apparus au niveau tant de l’activité que des bilans du secteur privé.

En posant tout d’abord un diagnostic erroné des origines de la crise et en ne changeant jamais de cap par la suite, les décideurs politiques et les investisseurs ont continué à administrer le mauvais traitement (un resserrement budgétaire coordonné) et n’ont pas accordé assez d’attention à des avancées significatives telles que le programme OMT de la BCE ou la volonté de mettre en place une union bancaire.

Ceci a conduit à une croissance beaucoup plus faible que ce que les décideurs politiques avaient prévu et à des marchés beaucoup plus solides que ce que la plupart des investisseurs avaient prédit.

Deux autres exemples d’erreurs analytiques sont l’hypothèse que les mesures d’austérité allaient restaurer la confiance du secteur privé et la supposition simpliste que l’assouplissement quantitatif ferait nécessairement augmenter l’inflation.

Le conte de fée de l’austérité était bancal dès le départ car même la théorie macroéconomique conventionnelle ne soutenait guère l’idée selon laquelle le resserrement budgétaire pourrait avoir un impact expansionniste sur l’économie. En outre, presque toutes les preuves empiriques depuis que l’austérité a été appliquée à grande échelle au sein de la zone euro suggèrent que la confiance du secteur privé est érodée et non soutenue par cette politique.

Le troisième « fait » voulant que l’assouplissement quantitatif ou d’autres types d’assouplissement non conventionnel de la politique monétaire créent toujours de l’inflation ne tient pas compte de la complexité du mécanisme de transmission monétaire dans une économie moderne et du rôle que l’offre et la demande monétaires jouent dans celui-ci. Il fait également fi des preuves émanant du Japon, où une telle politique menée pendant des décennies n’est pas parvenue à éradiquer la déflation.

Enfin, toutes les prévisions d’une accélération de l’inflation depuis que la Fed a entamé sa politique d’assouplissement quantitatif au début de 2009 se sont révélées non fondées et très coûteuses pour les investisseurs qui s’étaient positionnés dans une telle optique.

Aujourd’hui, la faillite de cette conviction est clairement soulignée par le fait que les opposants à l’assouplissement quantitatif ont tout simplement changé la motivation de leur résistance. Ils n’évoquent désormais plus les craintes inflationnistes, mais parlent des risques « d’instabilité financière » pour ne pas devoir admettre leur erreur en ce qui concerne les répercussions d’une politique monétaire souple des banques centrales.

Le fait que les hommes politiques, les économistes et d’autres experts acceptent ou non de reconnaître leurs erreurs dans le domaine susmentionné est très important pour la société car ceci a une grande influence sur les perspectives d’emploi et le bien-être en général. Les investisseurs ne peuvent pas influencer directement ces considérations, qui sont tributaires des élections, de la réputation et du « temps d’antenne » dans les journaux et les autres médias. Ceci n’aide pas non plus les investisseurs à exprimer ce que les décideurs politiques « devraient » faire.

Les gestionnaires d’actifs doivent évaluer ce qui se passera car leur responsabilité est de générer des rendements attrayants pour les portefeuilles qu’ils gèrent. Ce n’est qu’en agissant de la sorte qu’ils pourront prendre soin de l’épargne durement gagnée des personnes et des institutions pour lesquelles ils investissent.

Pour être en mesure de faire ceci, une analyse basée sur la réalité et flexible de l’écologie d’investissement actuelle est indispensable. Tout comme pour l’analyse d’autres systèmes complexes, une évaluation darwinienne du succès futur procure des enseignements cruciaux à cet égard car « ce n’est pas l’espèce la plus forte, ni la plus intelligente qui survit, mais bien celle qui sait le mieux s’adapter aux changements ».

Ce serait de toute évidence une bonne chose que cette conscience, en plus de générer des rendements d’investissement satisfaisants, puisse guider les décideurs politiques dans l’obscurité. Et avec la reconnaissance de l’incertitude qui nous entoure, vient également la prise de conscience que notre scénario central d’une reprise mondiale graduelle s’accompagne non seulement de risques baissiers, mais également de risques haussiers.

Bien qu’il ne faille certainement pas négliger les importants risques baissiers provenant largement des marchés émergents (turbulences sociales et sur les marchés, transformation des modèles de croissance), des surprises positives significatives sont possibles si les décideurs politiques se montrent capables de tirer des leçons de leurs erreurs et de s’adapter. Les perspectives de croissance profiteraient dans ce cas d’une stimulation de la demande dans les marchés développés et de réformes au niveau de l’offre dans les marchés émergents.

Si nous devions observer des signes suggérant une telle évolution, nous augmenterions notre prise de risque et réduirions notre sous-pondération des actifs des marchés émergents.

Puisque ce dernier scénario n’est, par définition, pas notre scénario central, nous n’allons pas (encore) dans cette direction. Actuellement, nous basons notre répartition des actifs sur l’hypothèse d’une reprise plus modeste de la croissance mondiale et d’un glissement graduel des liquidités et des obligations (qui sont sous-pondérées) vers des actifs risqués tels que les actions et les valeurs immobilières (qui sont surpondérées). Lorsque le contexte changera, nous adapterons nos vues et notre répartition des actifs. Espérons que nous ne serons pas seuls à le faire.

Valentijn van Nieuwenhuijzen , Juillet 2013

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