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Arnaud Chrétien et Serge Darolles : « L’objectif de QuantValley est de créer une vitrine de la gestion quantitative française »

Challenges, positionnement et perspectives de la gestion quantitative en France. Respectivement Président et Vice-Président de QuantValley, Arnaud Chrétien et Serge Darolles repondent à nos questions et nous présentent leur projet de Place visant à promouvoir l’image de paris comme cité des quants.

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Créé en juin 2010, QuantValley est une association qui développe un projet entrepreneurial fédèrant des compétences académiques et des expertises de marchés dans l’univers de la gestion quantitative.

Next Finance : Quelles ont été les motivations de la création de QuantValley

Arnaud Chrétien et Serge Darolles : Dans le contexte post-crise, les professionnels de la gestion quantitative ont voulu s’associer en 2010 pour créer QuantValley afin de promouvoir la finance quantitative et ses apports en termes de recherche, de gestion du risque et de création de valeur pour les investisseurs. QuantValley rassemble à ce jour 20 membres fondateurs autour de huit sociétés de gestion, de centres universitaires et de laboratoires de recherche. Deux objectifs principaux sont poursuivis par l’association :

  • Faciliter la croissance de gérants d’actifs indépendants en les rendant plus visibles auprès d’investisseurs français et internationaux afin de créer un écosystème durable et responsable
  • Rassembler les acteurs de la gestion d’actifs autour de sujets de recherche communs et favoriser la mise en place d’une recherche mutualisée

QuantValley a pour vocation de faire émerger des passerelles durables entre les sphères académique et professionnelle, et de mettre en place des modes collaboratifs au service de l’innovation financière. A ce titre, ce projet de place bénéficie du soutien de l’Institut Louis Bachelier et du Pôle de Compétitivité Mondial « FINANCE INNOVATION » sous l’égide de Paris Europlace.

Nous avons la chance d’avoir parmi les partenaires de QuantValley et les sponsors de l’initiative de Recherche de grands acteurs français et étrangers qui peuvent nous proposer des solutions.
Arnaud Chrétien et Serge Darolles

Les sociétés de gestion membres sont, par ordre alphabétique, Aequam Capital, Capital Fund Management, Cogitam, Finaltis, John Locke Investments, Numbers, Seven Capital et Rivoli Fund Management. Les partenaires académiques sont L’ENSAE, l’institut Louis Bachelier et l’Université Paris–Dauphine. Enfin les autres membres fondateurs sont F.Iniciativas, Gide Loyrette Nobel, HedgeGuard, Mathworks, Morningstar, NYSE Liffe, Quanthouse, Teknys et Vae Soli.

La gestion quantitative est souvent assimilée à une gestion alternative par opposition à la gestion traditionnelle. Pourtant un responsable d’activités quantitatives au sein d’une grande banque française nous precisait l’année dernière que l’élément « Quant » etait présent (presque) partout [1]. Qu’en pensez-vous ?

Les sociétés de gestion membres de QuantValley utilisent toutes des stratégies d’investissement quantitatives. C’est une condition sine qua none d’adhésion à l’association. Le quantitatif est donc partout dans QuantValley.

Plus généralement, nous pensons effectivement que l’opposition entre gestion traditionnelle et gestion quantitative est d’un autre âge. Aujourd’hui un gérant traditionnel autant qu’un gérant alternatif, a besoin de suivre et de maîtriser ses risques. Il ne peut le faire efficacement que s’il dispose des outils quantitatifs adaptés.

Une image nous tient à cœur : celle de l’intelligence embarquée…

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Serge Darolles
Le quantitatif est l’ADN de QuantValley

Prenons un exemple concret : pourquoi la majorité des passagers d’un avion de ligne sont-ils si confiants, installés confortablement dans leur siège ? Pourtant, on sait que les risques jusqu’à l’atterrissage sont multiples…Pour une raison simple, le pilote est assisté pendant le voyage : assistance au décollage, pilote automatique et assistance à l’atterrissage. La technologie : intelligence embarquée se met donc au service de l’homme. De même, le gérant de fonds devra maîtriser les risques avec l’aide de modèles quantitatifs « embarqués »

Une étude commandée par l’AFG sur la gestion alternative en france [2] a mis en évidence un déficit d’image, un marché restreint et la forte concurrence des acteurs internationaux. Peut-on faire le même constat pour la finance quantitative ?

La plupart des sociétés de gestion membre de QuantValley ont fait le même constat. Quelles soient très anciennes ou plus récentes, elles font toutes face à des challenges qui aujourd’hui ralentissent leur développement.

Le premier frein est relatif à leur taille. Une société est difficilement visible auprès des investisseurs locaux ou internationaux si elle ne gère pas suffisant d’actifs. De la même manière, les plateformes de comptes gérés s’intéressent en priorité aux fonds qui ont déjà développé leur clientèle. Il est donc primordial pour ces sociétés de construire ensemble une exposition forte autour d’une marque.

A l’image de la Silicon Valley, QuantValley se veut être un foyer d’innovation. Toutefois, autant la notion de brevet existe dans l’univers des technologies, autant la propriété intellectuelle est totalement absente en finance. Comment protéger les idées ? Comment comptez-vous procéder ? Quelles frontières établir avec les attentes de vos partenaires gestionnaires dont le savoir-faire est justement l’argument de vente

La recherche et l’innovation doivent être au centre des préoccupations de la gestion. Le démarchage de nouveaux investisseurs doit passer par la valorisation des ressources naturelles locales. C’est à partir de ce constat que les sociétés de gestion, avec l’aide de deux grands partenaires GFI et UBS, ont décidé de favoriser les échanges entre l’industrie de la gestion d’actifs quantitative et le milieu académique via la création de l’initiative de recherche « Développement de la Gestion Quantitative ».

Le second frein au développement de la gestion quantitative parisienne après la taille est l’accès limité des sociétés de gestion à la recherche académique. Pourtant, cette recherche existe et est même très développée localement.
Arnaud Chrétien et Serge Darolles

Cette initiative de recherche a vocation à être un lieu de rencontre, de réflexion et d’échange où les thèmes de recherche émergent naturellement, et deviennent la motivation de papiers de recherche publiés dans les meilleures revues. Cette communauté de recherche participera directement à la visibilité des sociétés de gestion, à la croissance des actifs et donc des revenus, et par ricochet à l’augmentation des budgets et de la taille des équipes de recherche et développement au cœur de chaque société de gestion.

C’est ce cercle vertueux qui permet de « protéger » les idées et les réalisations faites au sein du projet collaboratif. Le savoir-faire individuel sera toujours l’argument de vente numéro un de chacun de nos partenaires. Il sera mis en valeur par l’appartenance à cet écosystème de la gestion quantitative.

L’écosystème français a donné naissance à de nombreuses figures du monde quantitatif, et la compétence théorique du « quant » français est reconnue à l’étranger. Pourtant, en dehors de la structuration et pricing, la gestion quantitative française semble toujours embryonnaire. Pourquoi le passage de la théorie à l’implémentation est si difficile ?

Notre constat est le suivant. Le second frein au développement de la gestion quantitative parisienne après la taille est l’accès limité des sociétés de gestion à la recherche académique. Pourtant, cette recherche existe et est même très développée localement. Elle se structure même autour d’organisme comme l’’institut Louis Bachelier dont le rôle est de favoriser la visibilité des travaux de recherche et des chercheurs.

Cependant, il est souvent difficile, pour des structures de gestion de taille réduite, d’identifier les partenaires académiques, d’attirer les bons profils - pourtant formés en nombre en France et qui préfèrent le plus souvent s’exporter en nombre à Londres ou à New York. Le modèle à suivre doit être celui des sociétés de gestion quantitatives anglo-saxonnes qui gèrent aujourd’hui plusieurs milliards et qui ont su nouer des partenariats forts avec les grands centres de recherche à Oxford ou à Londres. C’est un des objectifs prioritaires de QuantValley.

A l’inverse, autant les structureurs et quant français en salle de marché ont connu l’âge d’or, autant il semblerait qu’ils subissent actuellement une diabolisation toute particulière et on parle souvent de scientifiques / ingénieurs fous. Quelles sont selon vous les perspectives de ce secteur quantitatif ?

Pas d’amalgame possible. La philosophie d’investissement est différente. Le gérant quantitatif construit un portefeuille adapté à l’ensemble de ses investisseurs avec un objectif de performance absolue. A contrario, la structuration réalise du « sur-mesure » à la demande de l’investisseur [3]. Le risque : des couches superposées de complexités qui rendraient le produit structuré difficilement maîtrisable

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Arnaud Chrétien
Le savoir-faire individuel sera mis encore plus en valeur par l’appartenance à cet écosystème de la gestion quantitative

Les gérants quantitatifs offrent des fonds d’investissement gérés sur des instruments listés sur des marchés organisés et liquides. Au cœur du processus d’investissement, vous trouverez quasi systématiquement une priorité à la modélisation de la gestion des risques….notre fameux « quant embarqué ». C’est l’assurance d’une transparence à la fois des performances et des risques. Le mythe de la boite noire a vécu !

Finalement, la majorité des gérants quantitatifs offre un niveau de transparence permettant aux clients de mieux appréhender les risques de leur investissement et de les agréger avec les autres risques de leur portefeuille.

En ce sens, la gestion quantitative va naturellement poursuivre son déploiement...

Un gérant alternatif quantitatif de la place se plaignait sur notre portail du peu de soutien des institutionnels aux petits gestionnaires [4]. Quelle approche envisagez-vous pour générer une véritable « incubation » dans l’univers quantitatif ? De quels leviers disposez-vous ?

L’objectif de QuantValley est de créer une vitrine de la gestion quantitative française. Et pour être visible, il faut que cette vitrine contienne des produits directement investissables par les clients intéressés, et les institutionnels doivent en faire partie.

Quelques investisseurs institutionnels français sont déjà investis chez nos gérants. Nous voulons en convaincre plus. Ils sont notre priorité. Nous voulons qu’ils soient « confortablement installés » dans la QuantValley. L’incubation se fera naturellement avec l’arrivée des produits labélisés que nous allons prochainement leur proposer : indices, plateforme multi-gérants, fonds de fonds… les partenaires de QuantValley, de grands acteurs français et étrangers, travaillent en ce moment sur la mise en place de ses solutions.

A la suite des crises récentes, on observe une mutation des gestions. Au-delà des arguments classiques de transparence et liquidité, la finance traditionnelle se veut plus socialement responsable et la finance quantitative semble évoluer vers une approche plus comportementale. Du moins d’après nos observations. Qu’en pensez-vous ? Quelles seront selon vous les évolutions de la finance quantitative de demain

La finance comportementale [5] est le sujet à la mode en finance quantitative, avec également l’impact des réseaux sociaux sur les marchés financiers [6]. C’est d’ailleurs l’un des sujets de recherche de l’Initiative de Recherche « Développement de la Gestion Quantitative ».

Les gérants quantitatifs, et les CTA en particulier, font depuis des années de la finance comportementale. Ils construisent des signaux d’achat/vente issus de l’observation de prix qui leur permettent de filtrer le comportement des agents et de capter les grandes tendances acheteuses/vendeuses. Cette expérience pratique permettra de mieux interpréter les résultats récents de la recherche en finance comportementale.

Next Finance , Novembre 2011

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