Actions européennes : Passez à l’approche active

Dans cet article, Éric Chatron Gérant de portefeuille senior, Olivier Ekambi, Gérant de portefeuille senior et Tapiwa Ngwena, Spécialiste de portefeuille chez SSGA nous expliquent pourquoi l’environnement actuel est favorable aux approches d’investissement quantitatives.

La hausse des marchés mondiaux en 2012 et 2013 a permis aux actions de dépasser largement leurs plus bas d’après-crise. Les actions européennes ont aussi participé à cette tendance, mais elles avaient plus de retard à rattraper en raison des circonstances particulières qui touchent la zone euro.

Dans cet article, Éric Chatron Gérant de portefeuille senior, Olivier Ekambi, Gérant de portefeuille senior et Tapiwa Ngwena, Spécialiste de portefeuille chez SSGA étudient les facteurs qui justifient d’investir maintenant dans les actions européennes, et nous expliquent pourquoi l’environnement actuel est favorable aux approches d’investissement quantitatives.

L’Europe est en phase de transition après avoir surmonté le gros d’une crise économique accentuée par des craintes d’éclatement de la zone euro. Pour commencer, soulignons qu’un investissement ne dépend jamais d’un seul facteur, quelle que soit l’importance de celui-ci. Les conditions macroéconomiques s’améliorent en Europe, mais ces progrès sont très lents. Cette évolution n’explique cependant pas à elle seule l’attractivité des valorisations du marché européen à l’heure actuelle et il faut comprendre que c’est, dans une certaine mesure, en dépit de ces perspectives ternes que les actions européennes sont attrayantes.

Nul besoin de chercher très loin pour savoir pourquoi les investisseurs ont une opinion prudente à propos des actifs européens. En 2010 et 2011, les marchés de la zone euro n’étaient pas appréciés parce que la Grèce, l’Irlande et le Portugal ont dû être secourus par des dispositifs extérieurs, et des rumeurs insinuaient que l’Espagne et l’Italie pourraient avoir besoin d’aides similaires. Beaucoup doutaient alors que l’Union Européenne puisse résister à l’apport de ces aides supplémentaires. Deux ans plus tard, l’approche constructive des responsables de l’UE et de la Banque Centrale Européenne ont permis de calmer les craintes de désintégration de la zone euro. Les conditions sont désormais beaucoup plus attrayantes pour les investisseurs, dans la mesure où le facteur « peur » s’est dissipé et révèle le manque de discernement de cette aversion massive que l’on a pu observer envers de larges pans du marché actions de la zone euro.

Pourquoi les actions européennes sont plus attrayantes aujourd’hui :

  • Les spreads souverains se sont resserrés et la courbe des taux s’est pentifiée, ce qui est favorable aux actions de la région
  • Amélioration conjointe de la politique monétaire et des perspectives de croissance
  • Les entreprises européennes sont dotées de valorisations attrayantes et de bilans solides
  • Les perspectives de bénéfices s’améliorent
  • Les actions européennes présentent une décote excessive par rapport au marché américain
  • L’environnement actuel est favorable à une performance régulière, produite par une stratégie systématique active de sélection des valeurs

Environnement de marché

Plusieurs facteurs convergent mettant en évidence un ensemble d’opportunités spécifiques sur le marché européen. Ces opportunités sont principalement liées à la diminution du risque de crise de l’euro qui a frappé les marchés à plusieurs reprises ces cinq dernières années. Nous observons un retour de la confiance des investisseurs alors que les risques de marché se sont résorbés et que les problématiques qui menaçaient précédemment l’intégrité de la zone euro sont désormais passés au second plan. Cette évolution s’explique en partie par l’embellie des conditions économiques. En effet, des indicateurs avancés tels que les indices de directeurs d’achats témoignent d’une amélioration soutenue tout au long de 2013, et même si la reprise est modeste, elle se maintient depuis plusieurs trimestres.

Alors que la zone euro traverse un lent processus de « restauration », on constate une tendance similaire au niveau des rendements souverains, avec un net rétrécissement du spread entre les emprunts d’État des pays « coeur » et ceux des pays périphériques. Dans le même temps, on voit apparaître une pentification de la courbe des taux, puisque les rendements à long terme progressent, concordant avec la reprise balbutiante de la croissance et avec les premières allusions à un durcissement monétaire aux États-Unis, et éventuellement au Royaume-Uni.

Historiquement, les bénéfices des entreprises s’améliorent dans les environnements de pentification de la courbe des taux, tendance invariablement positive pour les marges des banques et globalement favorable aux multiples de valorisation des actions (Graphique 1).

La croissance à un point d’inflexion

Même si la zone euro reste vulnérable sur le plan politique, et donc exposée à d’autres chocs potentiels, les fondamentaux semblent prêts à s’améliorer et l’économie devrait repartir en 2014. Nos économistes tablent en effet sur une croissance proche de 1 % pour l’ensemble de la région. L’inflation de la zone euro devrait demeurer largement sous contrôle, à environ 1 % pendant l’essentiel de l’année, car des tendances déflationnistes continuent à limiter la hausse des prix. Certes, un tel taux d’expansion peut sembler bien modeste, mais le taux réel d’amélioration devrait en réalité dépasser celui des États-Unis et de la Chine. De fait, quand les facteurs macroéconomiques ont beaucoup d’influence, la performance des marchés dépend souvent plus des variations des prévisions de croissance que du véritable niveau du PIB.

L’environnement actuel laisse à la BCE une marge de manoeuvre suffisante pour rester accommodante pendant longtemps et pour mettre en place de nouvelles opérations de refinancement à long terme en 2014, accompagnées, si besoin est, le cas échéant d’autres mesures non conventionnelles. Le profil de la croissance européenne s’améliore légèrement, mais le chômage reste élevé à travers tout le continent. Cela signifie qu’il est peu probable que des tensions salariales s’exercent dans un avenir proche, facteur qui favorisera la compétitivité au niveau des pays et les marges au niveau des entreprises.

Des fondamentaux solides

Les bilans des entreprises européennes sont meilleurs qu’ils ne l’ont été depuis longtemps. Beaucoup de sociétés ont profité de l’environnement de taux d’intérêt faibles pour faire baisser la charge de leur dette, tout en accumulant des liquidités. Dans le même temps, elles ont été très attentives aux coûts d’exploitation, une attitude particulièrement judicieuse lorsqu’il est difficile de faire progresser les chiffres d’affaires. Elles ont ainsi pu alléger les pressions sur leurs résultats et protéger leurs marges bénéficiaires. Certes, celles-ci n’atteignent pas des niveaux historiquement faibles, mais leur potentiel d’amélioration est considérable.

Même si les marges ont été maintenues à des niveaux raisonnables, elles devraient donc bénéficier d’une accélération de la demande dans un contexte de capacités de production excédentaires, ce qui pourrait donner lieu à une forte amélioration par rapport à la base de production faible. Les entreprises ont nettement réduit leurs coûts d’exploitation durant cette période, créant ainsi un fort potentiel de levier opérationnel. Toute hausse des chiffres d’affaires devrait donc apporter une impulsion quasi-immédiate aux bénéfices.

Compte tenu de leur profil d’endettement faible, des taux d’intérêt demeurant bas et de l’embellie des perspectives macroéconomiques, les actions européennes présentent une opportunité d’investissement exceptionnelle, et pas seulement pour les investisseurs particuliers et institutionnels : le marché représente un terrain fertile pour l’activité de fusions-acquisitions, où des entreprises pourraient décider de se développer en réalisant des achats à bon compte. Un environnement de fusions-acquisitions en meilleure santé favorise toujours la performance des actions sous-évaluées.

Un nouvel ordre sur le marché

On a le sentiment que les actions sous-évaluées ont été excessivement pénalisées ces dernières années et qu’elles ont été plus longues à bénéficier de la reprise des marchés mondiaux, jusqu’à une période relativement récente. Cela s’est vérifié en Europe. Les actions européennes se sont bien redressées au second semestre 2013, et pendant cette période, qui pourrait correspondre à la première étape du retour en force du marché européen, les investisseurs ont manifesté une préférence nette pour les actions sous-évaluées. Celles-ci ont ainsi partiellement rattrapé leur retard par rapport aux valeurs de croissance, qui s’étaient encore assez bien comportées ces dernières années.

L’écart entre les ratios cours/bénéfices des styles Value et Growth s’est resserré et se rapproche de ses niveaux moyens à long terme ; toutefois, nous pensons que la seconde phase de cette reprise va se caractériser par une amélioration plus forte des bénéfices dans le segment Value, qui est plus exposé au cycle économique.

Progression des bénéfices

On constate une progression particulièrement forte des ratios cours/bénéfices depuis la mi-2013, correspondant à une réévaluation de l’ordre de 15 % environ. Et c’est dans les secteurs les plus cycliques que cette tendance est la plus prononcée. Ce sont donc les ratios cours/bénéfices des banques, des entreprises des matériaux et de celles de la distribution qui ont le plus augmenté sur la période, même si la plus forte hausse a en fait été enregistrée par le secteur des télécommunications (largement grâce à l’activité de fusions-acquisitions et aux espoirs de bénéfices liés à la consolidation).

L’embellie des perspectives de bénéfices pourrait mettre fin à une tendance prolongée de révisions à la baisse des résultats des entreprises européennes.

Le graphique 3 offre un bon aperçu de l’évolution des bénéfices dans cet environnement. Après une série de révisions à la baisse ces deux dernières années, on observe depuis peu une amélioration notable des bénéfices. À l’heure où nous écrivons, nous pensons que nous sommes en train d’entrer dans le quart situé en haut à gauche du graphique 3. Même si les chiffres ne couvrent que la période comprise entre 1996 et 2013, les résultats sont assez constants : 69 % du temps, le marché enregistre des performances positives à partir de ce point précis du cycle.

Les actions européennes sont bon marché par rapport aux actions américaines

Les perspectives de bénéfices en Europe sont donc appelées à s’améliorer, l’économie se stabilise et l’on constate un écart de valorisation assez net entre les actions européennes et américaines. Sur le plan des ratios cours/valeur comptable, la décote atteint presque 30 % sur la base des indices MSCI Europe et MSCI USA.

Ces disparités ne passent cependant pas inaperçues, et de plus en plus, les investisseurs se montrent rassurés par la stabilisation des conditions en Europe : depuis la mi-2013, les flux de fonds se redirigent donc rapidement vers les actions européennes. Une partie de ces flux provient de fonds auparavant investis sur les marchés émergents et échaudés par les perspectives de « tapering », mais il existe aussi un biais clair en faveur de l’Europe au sein des allocations de ces fonds. Compte tenu des nets redéploiements qui sont opérés en termes d’allocation aux classes d’actifs et au sein des marchés actions internationaux depuis 2007, cette tendance a le potentiel de se prolonger encore largement, et demeure une source continue de soutien pour les actions européennes.

Exploiter l’opportunité européenne

Nous ne sommes pas en train de dire que toutes les actions européennes sont bon marché. Elles sont, dans l’ensemble, moins chères que beaucoup de leurs homologues sur d’autres marchés, mais dans le contexte d’une reprise économique toujours hésitante, il est essentiel d’adopter la bonne approche pour obtenir des performances d’investissement optimales. Selon nous, l’environnement de marché actuel peut être favorablement exploité grâce à une approche quantitative active.

Nous avons analysé les effets des conditions dominantes sur nos modèles d’investissement en actions au cours des 20 dernières années. Nous avons déjà mis en avant les effets positifs d’un début de reprise cyclique et de la pentification de la courbe des taux. Si l’on ajoute la volatilité faible qui caractérise les périodes récentes, on obtient des conditions particulièrement favorables aux approches quantitatives actives.

SSgA emploie un modèle interne de sélection des valeurs multi-factoriel pour évaluer les titres en fonction de critères permettant d’identifier des anomalies de valorisation sur les marchés actions européens. Ce modèle collecte d’importants volumes de données brutes à partir de sources variées, puis les traite et les convertit en scores d’alpha pour chaque valeur de l’univers d’investissement. Les valeurs sont classées en fonction de ces scores, qui sont transposés en prévisions de performance. Les facteurs peuvent être pondérés différemment en fonction des secteurs : cela dépend de l’attrait des valeurs sous-jacentes, attrait qui est déterminé sur les moteurs de performance du modèle. Les familles de facteurs que nous utilisons sont Value, Croissance/Qualité et Momentum.

L’environnement de marché dominant joue un rôle important dans le positionnement et la performance des stratégies quantitatives. Les trois familles de facteurs ont enregistré un parcours positif ces derniers temps, ce qui a permis d’inscrire une performance globale positive pour les stratégies. Depuis 2007, c’est la première fois que ce marché plus synchronisé est en place. En effet, durant les six dernières années, à aucun moment tous les facteurs n’ont surperformé en même temps. Avant 2007, le modèle et sa surperformance présentaient un profil beaucoup plus stable.

Nos modèles sont construits de manière à fonctionner dans tous les environnements de marché, en premier lieu grâce à leur diversification, qui vient de leur exposition à de nombreux facteurs différents. Il peut arriver qu’à certains moments, une des familles de facteurs affiche une performance négative ; le graphique 6 illustre ainsi la performance positive de nos modèles même pendant des phases de sous-performance de certains facteurs individuels.

On peut s’attendre à ce que l’environnement actuel soit particulièrement favorable aux actions plus sensibles au cycle économique : les secteurs des matériaux, de l’industrie et des biens de consommation cyclique devraient donc constituer le principal moteur de l’amélioration du marché, alors que l’attrait des valeurs défensives de la santé et des biens de consommation de première nécessité pourrait continuer à s’estomper.

Comme on peut le voir sur le graphique 6, les facteurs Value et Momentum se comportent bien dans les phases de reprise cyclique, et la conjoncture actuelle est également favorable aux facteurs Croissance/Qualité : les trois familles de facteurs sont donc dans une même tendance.

La volatilité des actions est proche des plus bas historiques et offre un environnement faiblement risqué pour investir sur les marchés européens. Enfin, notre analyse suggère aussi qu’une pentification de la courbe des taux est un facteur de performance solide pour nos trois familles de facteurs.

Facteurs quantitatifs actifs : 3 familles

Value : Notre étude des valorisations (Value) évalue l’attractivité du prix actuel de chaque action par rapport à ses caractéristiques financières fondamentales. Nous recherchons des entreprises bon marché par rapport à leurs homologues, sur la base de facteurs historiques et prospectifs.

Croissance/Qualité : Notre recherche a montré que les entreprises dotées de bilans robustes et d’historiques de croissance à long terme stables sont plus susceptibles de continuer à se développer à l’avenir. Ce sont ces perspectives que nous utilisons dans le cadre de notre facteur croissance/qualité, qui étudie des indicateurs de solidité du bilan et d’améliorations dans la performance opérationnelle de l’entreprise.

De plus, nous essayons d’identifier les entreprises dont les bénéfices publiés ne sont pas tenables par rapport à la performance opérationnelle sous-jacente et qui sont susceptibles de décevoir dans les prochains trimestres.

Momentum : Il existe de nombreux travaux universitaires qui prouvent la persistance du facteur de momentum des cours. Nous utilisons un ensemble de facteurs visant à identifier des tendances en développement au niveau des cours et des prévisions de bénéfices.

Conclusion

Les conditions pour l’approche quantitative active des actions européennes se sont améliorées ces derniers mois. L’environnement présente de plus en plus d’intérêt pour les adeptes de la sélection des valeurs, dans la mesure où les faibles niveaux de volatilité et la baisse des corrélations sont favorables aux approches d’investissement systématiques de type bottom-up. Dans ce contexte, nous pensons que nos modèles quantitatifs permettent de capter de manière optimale le potentiel actuel des actions européennes.

Éric Chatron , Olivier Ekambi , Tapiwa Ngwena , Février 2014

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