Actions américaines contre actions européennes : Quel gagnant en 2014 ?

Après une année record pour les actions américaines, le consensus parie fortement aujourd’hui sur un scénario à la hausse des actions européennes. Laquelle de ces deux zones privilégier en 2014 ? Faut il arbitrer ses actions américaines vers des actions européennes ?

Béatrice Philippe, gérante du fonds FOURPOINTS America et Michel Raud gérant du fonds FOURPOINTS Euro Global Leaders, se sont affrontés lors d’un match amical.

Béatrice, les actions américaines (S&P 500) ont enregistré une performance de près de 26% en euros en 2013. Peut-on en attendre autant en 2014 ?

Je reste très positive sur le marché américain. Les facteurs de soutien de l’économie sont nombreux, puissants et de long terme. Prenons le secteur de l’immobilier. Nous ne sommes qu’au début d’une reprise forte soutenue par une démographie favorable (arrivée massive de la tranche d’âge des 30-34 ans sur le marché de la primo accession, voir graphique ci-dessous). Nous estimons que cette reprise peut ajouter 0,5 % de croissance au pays en 2014, sans compter les effets induits.

L’énergie : Ce qui est en train de se passer est historique. Grâce à l’exploitation des gaz et huiles de schiste, les Etats Unis seront énergétiquement indépendants l’année prochaine et dès que la loi les y autorisera ils pourront même exporter le pétrole brut excédentaire dans les années suivantes. Les effets sont multiples : réduction du prix de l’essence à la pompe pour le consommateur américain - 10 centimes de réduction du prix redonnent 15 milliards de dollars de pouvoir d’achat aux ménages - ou encore, une facture 30% moins chère pour chauffer sa maison en hiver (ou la climatiser en été) dans le nord-est des Etats-Unis, de Washington à Boston, grâce au gisement de gaz de schiste venant de Marcellus en Pennsylvanie ; intéressant pour une économie tirée par sa consommation intérieure.

Proposer une électricité beaucoup moins chère qu’ailleurs incite de nombreuses industries fortement consommatrices d’énergie à se localiser sur le territoire américain, favorisant, entre autres, la création d’emplois.

En outre le système bancaire est désormais assaini, les dépenses d’investissement – restées faibles en 2013 – reprennent. Le rythme accru des innovations favorise les gains de productivité.

Tous ces effets combinés nous font anticiper un taux de croissance en 2014 de 3,5% au minimum. Nous sommes au-delà du consensus qui anticipe plutôt 2,5%.

Michel, après tout cela, est-ce difficile de défendre les actions européennes ?

Les actions européennes (MSCI EMU) ont progressé de plus de 23% en 2013, ce n’est quand même pas mal…
Cette hausse s’explique majoritairement par la baisse des primes de risque ; les bénéfices ayant terminé l’année stables contrairement aux anticipations de début 2013.
Néanmoins, l’Europe va mieux. Le risque systémique s’estompe. Les pays périphériques se redressent, leurs taux d’intérêt sont revenus en territoire modéré (en dessous de 4%)
La confiance est revenue.

Pour 2014, il semble que la croissance économique reparte mais à un rythme très inférieur à celui des Etats-Unis (1% contre 3%+).

A court terme, l’Europe est bien valorisée puisque le PE des 12 prochains mois s’élève à 90% du PE des marchés américains, un maximum historique.

Cela dit, sur longue période (10 ans), l’Europe n’est pas chère puisque le PE de Schiller [1] est à son plus bas comparé au marché américain, comme le montre le graphique ci-dessous.

Béatrice, quels sont selon vous les facteurs qui pourraient venir ternir ce scénario ?

A court terme, le changement de patron à la tête de la FED pourrait créer un peu de volatilité le temps que les marchés s’acclimatent au nouveau mode de communication de Mme Yellen.
Il faudra également surveiller le rythme de hausse des taux d’intérêt consécutive au "tapering". S’il est trop rapide, cela pourrait freiner la reprise.
Enfin, il faudra être sélectif dans les titres. Les valorisations sont parfois élevées.

Michel, à quoi faudra t-il être vigilant cette année en Europe ?

On ne peut pas dire que les risques systémiques n’existent plus en Europe. Je pense, tout comme Béatrice, qu’il faudra être sélectif dans les titres détenus. Le rallye de 2013 a favorisé des titres décotés et de moindre qualité (Alcatel +242% sur 1 an, EDF +95%, Natixis +94%, Peugeot +73%, Deutsche Post +64%) dans un processus assez classique d’anticipation de redémarrage de cycle. Ce sont surtout les grandes capitalisations qui en ont profité grâce à de gros efforts de réduction de coûts et à des flux massifs sur les indices. Le challenge principal pour 2014 sera la capacité des entreprises à se développer. Seule la progression des bénéfices en 2014 sera récompensée par les marchés.

En conclusion, Béatrice et Michel, que conseillez vous à un investisseur en 2014 ?

Béatrice : Investir dans les actions américaines bien sûr ! Pour moi, les Etats-Unis sont le grand vainqueur de la globalisation et vont tirer tous les autres pays en 2014, y compris l’Europe.

Michel : Je suis d’accord. Maintenir une position sur les actions américaines a du sens cette année. J’ajouterai que pour les investisseurs absents ou faiblement pondérés sur l’Europe, augmenter la part européenne devrait être un bon pari également à condition d’investir avec discernement car la hausse sera plus "sélective" cette année.
Notre portefeuille européen est bien positionné. Nous sommes présents sur des titres dotés d’une force intrinsèque permettant de résister aux coups de vent. Les entreprises en portefeuille réalisent leur chiffre d’affaires pour 1/3 en Europe, 1/3 aux Etats-Unis et 1/3 dans les marchés émergents, ce qui nous permet de bénéficier de la forte croissance aux Etats-Unis, de la reprise de la croissance en Europe et de la reprise, tôt ou tard, des pays émergents (le portefeuille étant peu exposé aux pays les plus risqués comme l’Inde ou le Brésil).
La croissance moyenne pondérée des bénéfices des valeurs en portefeuille atteint 14% en 2014.

Next Finance , Janvier 2014

Notes

[1] PE de Schiller ou CAPE mesure le prix d’un titre par rapport à la moyenne de ses bénéfices sur 10 ans. Ce ratio s’applique de la même façon à un indice. Par rapport à un PE classique qui se calcule sur 1 an, ce ratio permet d’évaluer le prix d’un actif sur longue période

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