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Philippe Desfossés : « Le conseil d’administration de l’ERAFP a décidé, dès la création du Régime, de se doter d’une politique de placements 100% ISR »

Bilan de la COP21, Allocation 100% ISR, Investissement de long terme, extension de la mesure de l’empreinte carbone...Entretien de Next-Finance avec Philippe Desfossés, directeur de L’ERAFP au sujet de la politique ISR de l’institution…

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Next-Finance : La COP21 a suscité un important engouement. Quel bilan en avez-vous et quelles suites donnerez-vous à apporter à cet élan ?

Philippe Desfossés : L’ERAFP avait engagé la décarbonation de son portefeuille et avait adhéré au Montreal Carbon Pledge comme à la Portfolio Decarbonization Coalition avant la COP 21.

L’enjeu central discuté à la COP 21 reste l’objectif de maintenir l’augmentation moyenne de la température à la surface du globe en dessous de 2 degrés à horizon 2050. Pour atteindre cet objectif, une approche ambitieuse et qui pour l’instant se heurte à une multitude de difficultés techniques consiste à partir du budget gaz à effet de serre qu’on peut encore émettre d’ici 2050. Cette quantité doit être répartie sur cette période, puis par continent, par secteur économique avant d’atteindre le niveau de l’entreprise, sous-entendant. Cela suppose de maitriser des matrices complexes et extrêmement sophistiquées. Le réalisme suggère de procéder en sens inverse en observant et surveillant l’évolution des émissions puis par agrégation d’évaluer un montant global d’émissions pour déterminer si l’évolution apparait compatible ou non avec une trajectoire 2° au niveau de chaque entreprise. Au cours de la COP 21, des points d’étapes ont été fixés pour vérifier les intentions des États (INDC) avec des premiers rendez-vous de contrôle prévus en 2018 et en 2020. Ils peuvent être l’occasion de vérifier la pertinence de cette approche pragmatique.

Aujourd’hui, sur toutes les classes d’actifs, on voit fleurir des investissements dit « ISR » ou « ESG ». Green Bonds, Infrastructure « sustainable », Immobilier « sustainable », indice actions lowcarbon, Actions sustainable / ethic, etc…Quel regard portez-vous sur l’irruption de l’ISR sur toutes ces classes d’actifs ?

Ce développement semble positif ! Particulièrement dans le contexte actuel où des volumes d’actifs conséquents sont nécessaires pour financer la transition énergétique. Toutefois, afin d’éviter de tomber dans le Greenwashing, il est important de développer en parallèle des cadres visant à assurer une bonne intégration des critères environnementaux sociaux et de gouvernance au sein du processus de gestion ainsi qu’un niveau de transparence suffisant.

En tant qu’investisseur socialement responsable, allez-vous, vous-même bâtir une allocation d’actifs entièrement « ISR » ?

Le conseil d’administration de l’ERAFP a décidé, dès la création du Régime, de se doter d’une politique de placements 100% ISR qui prenne en compte, de manière résolue et permanente, la recherche de l’intérêt général. Adoptée en mars 2006, la Charte précise les orientations, supports et moyens nécessaires pour appliquer cette politique de placements socialement responsable à tous les investissements du Régime en tenant compte des particularités de chaque classe d’actifs.

La plupart des investisseurs fournissent actuellement à un reporting sur l’empreinte « carbone » de leurs portefeuilles mais il n’existe pas encore de consensus sur une méthodologie adéquate. De quelle façon fournissez-vous l’empreinte carbone de vos portefeuilles ? Avec quelle méthode ?

En 2015, l’ERAFP a décidé d’étendre la mesure de l’empreinte carbone aux portefeuilles d’obligations souveraines ainsi qu’aux portefeuilles d’obligations d’entreprises et de changer de méthodologie de mesure de son empreinte carbone. L’Etablissement est passé d’une mesure de la « responsabilité » carbone de l’investisseur à partir de l’intensité carbone à une mesure de l’exposition au « risque » carbone de l’investisseur à partir de l’intensité carbone.

La nouvelle méthode qui mesure l’exposition au « risque » carbone de l’investisseur à partir de l’intensité carbone consiste à considérer que l’exposition d’un portefeuille au risque climatique est reflétée par la moyenne des intensités carbones (émissions de CO2 normalisées par le chiffre d’affaires) des entreprises pondérées par leur poids dans leur portefeuille. Cette mesure, si elle n’informe pas sur les émissions de CO2 induites ou imputables aux investissements de l’ERAFP, est déclinable à toutes les classes d’actifs. Si elle était généralisée, il deviendrait alors possible d’apprécier la corrélation existant entre cette valeur et le niveau des émissions et donc de déterminer à quel rythme cette valeur devrait décroitre pour nous ramener sur une trajectoire compatible avec l’objectif des 2° maximum à l’horizon 2050.

Dans un environnement de taux négatifs et de hausse de la volatilité, l’investisseur ISR que vous êtes ne doit-il pas se focaliser sur le long terme et augmenter la durée de détention de ses actifs ? Ne faudrait-il pas que les gestionnaires d’actifs à qui vous fournissez des mandats soient évalués en fonction d’indicateurs de rendement à long terme incorporant des mesures de risques ?

Un fonds de pension doit mettre au cœur de sa gouvernance la soutenabilité et l’équité inter générationnelle. Il est ainsi naturellement porté à se conduire en investisseur de long terme. Dans le cas de l’ERAFP cela justifie pleinement le choix de notre conseil d’administration, dès la création du fonds, d’investir selon notre propre grille d’investisseur responsable. C’est aussi la raison pour laquelle nous sommes aussi très engagés dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Tous les mandats que nous signons avec nos gestionnaires intègrent cette préoccupation qui passe notamment par une revue régulière de leur performance en matière de rendement de risques mais aussi au regard des trois critères qui de notre point de vue déterminent la soutenabilité de tout business modèle : la gouvernance et le respect de l’environnement.

Paul Monthe , RF , Juillet 2016

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