Assurance-Vie, trou d’air du bon élève de l’épargne française

Selon la Fédération Française des Sociétés d’Assurances, l’assurance-vie a connu, au mois d’octobre, plus de rachats que de versements. Le mois dernier, la collecte a diminué de 16% pour atteindre 9,1 milliards d’euros. Le montant cumulé depuis le début de l’année s’élève à 107 milliards d’euros en baisse de 12 % par rapport aux 10 premiers mois de 2010.

En prenant en compte les rachats, le solde est négatif de 1,4 milliard d’euros soit légèrement inférieur à celui du mois de septembre qui avait enregistré un recul de 1,8 milliard d’euros.

Depuis le début de l’année, les versements dépassent de 17,7 milliards d’euros les retraits.

Ce deuxième mois de décollecte s’explique par le contexte financier peu porteur pour l’épargne longue. Les épargnants privilégient les placements courts et l’immobilier. La baisse des taux de rendement ont réduit l’attrait en termes d’affichage des fonds euros d’autant plus que les banques ont eu recours à des taux promotionnels pour attirer les épargnants. L’écart de taux entre les comptes sur livret et les fonds euros s’est réduit même si la fiscalité pénalise est plus lourde sur les premiers. Le besoin de sécurité masque pour le moment le fait que les pouvoirs publics ont accru la fiscalité sur les produits de taux à court terme, le prélèvement libératoire passant de 19 à 24 %.

Le débat sur les dettes souveraines a donné l’impression à tort que l’assurance-vie n’était pas à l’abri de quelques problèmes, or les fonds euros bénéficient d’une garantie sur le capital accumulé, les compagnies d’assurance devant mobilisées en contrepartie des fonds propres adaptés à la taille de leurs fonds euros.

L’assurance-vie souffre de la concurrence de l’immobilier qui malgré les prix élevés attirent toujours plus de ménages. Le durcissement de l’accès au crédit oblige les acquéreurs à mobiliser une part plus importante de leur patrimoine, l’assurance-vie étant le premier produit d’épargne financière en volume, il n’est pas étonnant qu’un accroissement des rachats soit constaté. Le changement de la fiscalité sur les plus-values immobilières qui doit intervenir d’ici le 1er février 2012 incite certains propriétaires à réaliser au plus vite leurs opérations.

Il est encore trop tôt pour affirmer que l’assurance-vie est entrée dans un cycle prolongé de baisse. Le départ à la retraite des baby-boomers qui sont détenteurs de contrats bien dotés n’est qu’à son début ; or ce n’est qu’après 70 ans que les retraités puisent dans leur épargne. Jusqu’à cet âge, ils sont épargnants nets. L’impact des retraites pourrait se faire sentir d’ici une dizaine d’années avec la montée en puissance de la dépendance et la baisse du taux de remplacement (ratio pension/dernier salaire).

Le marché de l’assurance-vie devient plus mature. La progression du début de la décennie 2000 était liée à des mesures réglementaires, le durcissement de la fiscalité sur les Plans d’Epargne Logement et une forte appréciation du patrimoine. Il y a eu d’importants transferts d’épargne au profit de l’assurance-vie et par ailleurs, les indépendants, les artisans, les commerçants arrivant à la retraite et vendant leurs biens professionnels avaient tendance à placer l’argent ainsi récupéré sur les contrats d’assurance-vie. En période de crise, il est plus difficile de vendre et quand c’est le cas, c’est l’immobilier qui en profite. Il est certain que l’assurance-vie captait une très grande partie de l’épargne financière ces dernières années ce qui ne pouvait pas se poursuivre indéfiniment. Le marché connaissait une telle croissance que le nombre des acteurs s’est accru avec la montée en puissance des bancassureurs. La fin des taux élevés sur les fonds euros et leur renchérissement pour les compagnies avec l’entrée en vigueur d’ici 2015 de Solvency II pèsera sur les taux et devrait inciter les épargnants à aller sur les unités de compte qui offrent un potentiel de croissance compte tenu du niveau très bas du marché "actions".

Philippe Crevel , Novembre 2011

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