›  Edito 

Quelle allocation d’actifs obligataires à l’horizon des prochains mois ?

La fin de l’année approchant et les perspectives pour 2014 se dessinant, quels actifs obligataires sont aujourd’hui intéressants à détenir et dans quelle part d’un portefeuille global ? L’analyse de Eric Bertrand, Directeur Adjoint des Investissements, Directeur de la Gestion de Taux et Crédit, CPR AM...

Plus que jamais dans la période récente, il faut d’abord tourner les yeux vers les banques centrales qui aujourd’hui contribuent largement à donner le « la » sur les marchés financiers. Au premier rang de celles-ci : la Fed. Après la mise en place d’une politique très accommodante, entre-autres le « Quantitative Easing », et au vu du redressement de l’économie américaine celle-ci doit aujourd’hui graduellement sortir de cette politique, sauf à créer de nouvelles bulles sur certains actifs avec cette abondance de liquidités.

La première tentative annoncée fin mai « d’envisager de commencer à réduire l’augmentation des achats de la Fed d’ici la fin de l’année » a produit un effet assez dévastateur non seulement sur les taux mais aussi sur toutes les classes d’actifs forçant la Fed à tempérer son propos afin de rassurer les marchés sur un éventuel krach obligataire.

Suivant son processus d’ancrer les anticipations sur un FOMC avant d’agir, la Fed réussit néanmoins à stabiliser le marché sur une action en septembre, validant ainsi une remontée des taux longs de l’ordre de 125 bp. Surprenant le marché, qui n’était plus habitué à l’être depuis Volcker, la Fed n’a pas dégainé comme attendu, probablement influencée par le risque de paralysie de l’état fédéral au niveau politique sur les négociations sur le budget et le relèvement du plafond de la dette. L’avenir va lui donner raison !

Qu’attendre de son action aujourd’hui ? Les données récentes d’activité aux US sont positives, les ISM notamment sont restés forts et pas impactés par le « Shutdown ». Sur le front de l’emploi, un bon chiffre mensuel de créations, vu des entreprises, même si toutes les données d’emploi ne sont pas aussi positives. En bref, la Fed aurait les moyens d’agir dès décembre sur la réduction d’achats d’actifs, évoquant peut-être aussi dans le même temps une nouvelle cible sur le chômage avant de remonter ses taux d’intérêt afin de rassurer le marché sur un politique de taux bas durable. Son alternative, compte tenu du changement de président, serait sinon d’agir en mars, ce qui nous paraît lointain et décale d’autant dans le temps la fin de son programme, accentuant les risques de bulle.

Si le consensus de marché s’est établi sur mars, nous pensons néanmoins chez CPR AM que la probabilité principale de « tapering » est plutôt sur une annonce en décembre, ce qui, n’étant pas attendu par le marché, pourrait induire un choc de volatilité au milieu de la trêve des confiseurs avec une diffusion lente, peut-être jusqu’au début de 2014. Dans ce contexte les taux longs devraient nettement remonter vers notre cible de 3% (annoncée en juin) et les actifs risqués souffrir.

Coté BCE, surprise à nouveau, Monsieur Draghi a baissé, à la surprise quasi générale, ses taux directeurs à 0.25% sur fond de chiffres d’inflation très faibles dans la zone euro même si, de notre point de vue comme de celui de la BCE elle-même, la déflation n’est pas à l’ordre du jour. La BCE, à l’image de la « forward guidance » promulguée cet été, s’inscrit dans un schéma opposé à celui de la Fed. Outre l’inflation, les chiffres de croissance et d’emploi en zone euro plaident pour une poursuite de la politique accommodante ; le risque étant pour l’Europe de voir ses taux remonter par contagion des taux US sans lien avec la réalité économique.

Nous pensons néanmoins que la contagion aura lieu, principalement sur les parties longues des courbes des taux core.

Toujours en Europe, dans ce contexte de remontée probable des taux, quel va-t-être le comportement des dettes des pays périphériques. Coté Espagne, la stabilité politique et les réformes structurelles sont engagées, mais le niveau de déficit primaire sur PIB continue de faire dériver l’endettement total qui devrait nettement dépasser les 100% en 2015. En substance, si l’horizon court terme est sous-contrôle, le moyen terme doit rester sous surveillance. Chez le grand voisin italien, l’horizon moyen terme est plus stabilisé avec un excédent primaire nettement positif mais les réformes structurelles, initiées par Mr Monti tardent à se concrétiser et si la stabilité politique semble être revenue l’exécution budgétaire sur l’année pourrait nettement décevoir. Néanmoins, quand on regarde les marchés coté flux, besoins d’émission et investisseurs, le besoin brut l’année prochaine sur la zone euro devrait être en baisse pour l’ensemble des états, et en net des remboursements quasi stable sur l’Espagne et en légère hausse sur l’Italie. Compte tenu de l’appétit des investisseurs pour le rendement et du fait que les banques domestiques de ces pays devraient maintenir leur détention de dettes souveraines – financées par les LTRO de la BCE- nous ne voyons pas de tensions sur les niveaux de taux de ces dettes et avec des taux core orientés à la hausse une compression des écarts de rendement avec l’Allemagne.

Du côté des marchés corporate, l’année 2013 a vu une belle performance de la partie « spread » des titres de crédit. Sur l’investment grade, nous sommes revenus vers les moyennes de long terme de ces spreads mais cela recouvre des disparités. En effet, la dichotomie que nous observons aujourd’hui sur les dettes souveraines se retrouve également sur les émetteurs privés et une bonne partie du spread moyen investment grade vient des émetteurs des pays périphériques et par contrecoup les spreads des émetteurs core apparaissent très serrés.

Sur le marché High Yield, si les US commencent à nous paraître chers au vu des taux de défaut attendus et de la phase du cycle économique (reprise du levier par la dette pour financer les investissements) le marché Européen continue de rester attractif de notre point de vue.

Le « mur de dette » des émetteurs a été refinancé le repoussant de trois ans en moyenne, la phase du cycle économique et la faible visibilité sur l’activité zone euro rend les émetteurs peu enclins à la prise de risque et de levier. Nous pensons que les facteurs techniques devraient rester bien orientés (volumes d’émission relativement stables, demande toujours forte des actifs obligataires) et que les corporates resteront mesurés dans leur investissements et surtout leurs financements. En conséquence, nous restons positifs sur la classe d’actif crédit à un risque important près : en phase de remontée des taux, si les spreads en profitent à moyen terme, à court terme ceux-ci peuvent souffrir des ventes de titres dont les investisseurs se délestent pour éviter le risque de taux. Avec la Fed à l’aube de commencer son tapering l’impact par ricochet des flux sur les spreads de crédit pourrait donc se faire sentir, ce qui en Europe constituera pour nous des points d’entrée, en particulier sur le marché High Yield.

En conclusion, nous continuons d’être positif sur les actifs de portage (pays périphériques, crédit, High Yield) mais sans leur composante taux d’intérêt core.

En effet, ces derniers devraient remonter à partir des maturités moyen terme et le niveau de coupon n’est absolument pas protecteur de la moins-value que cela occasionnera. L’action de la Fed et sa contagion aux actifs risqués devrait offrir de bons point d’entrée mais sans prendre le risque de taux. Bref, « Investissez couverts ! »

Eric Bertrand , Novembre 2013

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