Perspectives réglementaires : 2011 et au-delà

Il est manifeste qu’au cours des deux dernières années, les autorités européennes et américaines ont déployé d’importants efforts pour renforcer le cadre réglementaire et de contrôle prudentiel régissant les activités financières.

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Elles ont estimé que de telles mesures étaient nécessaires pour rétablir la confiance sur les marchés financiers et pour prévenir la survenance d’une nouvelle crise. Les institutions européennes ont également décidé de favoriser une plus grande harmonisation des lois nationales afin d’accroître l’intégration des marchés financiers et de favoriser la concentration des infrastructures de marché. La réalisation de tels objectifs est susceptible d’engendrer des changements significatifs dans le paysage financier.

Le nouveau Commissaire au marché intérieur, Michel Barnier, a décidé de légiférer dans tous ses domaines de compétence. Le domaine du post-marché qui avait été négligé par ses prédécesseurs est à présent au centre des préoccupations, comme le démontrent les nombreuses initiatives réglementaires le concernant qui ont été lancées au cours de ces derniers mois.

Leur état d’avancement est toutefois variable d’un texte à l’autre. C’est pourquoi une photographie instantanée de leur situation à ce jour peut se révéler utile. Les révisions de la Directive sur les Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (UCITS IV), de la Directive sur les garanties financières (CD) et celle sur le caractère définitif du règlement (SFD) ont déjà été adoptées au niveau européen et sont à présent en cours de transposition dans les législations nationales. En revanche, les mesures de niveau 2 relatives à la Directive sur les Gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (AIFM) sont toujours en cours de négociation. La Réglementation sur les Infrastructures de marchés européennes (EMIR) et la réglementation sur les ventes à découvert sont elles aussi encore en discussion. La réglementation sur les Dépositaires centraux de titres (CSDS) ainsi que la Directive UCITS V, la Directive sur les Systèmes d’indemnisation des investisseurs (ICSD), la Directive MIFID 2 (Marchés d’instruments financiers) et la Directive sur le Droit des titres (SLD) sont toujours en cours de préparation. La Commission européenne souhaite finaliser l’adoption de la plupart de ces textes au cours de l’année 2011 et projette leur transposition et leur entrée en vigueur en 2011 (SFD, CD, UCTIS IV), 2012 (régulation des ventes à découvert, ICSD) ou 2013 (Solvabilité 2, SLD, AIFM). Quant aux initiatives de la Banque Centrale Européenne, le déploiement du système CCBM2 (Collateral Central Bank Management) est, à l’heure actuelle, prévu pour la mi-2013, et la migration vers la plate-forme T2S (Target 2 Securities) devrait commencer en septembre 2014.

Ces diverses initiatives ont des objectifs divers, mais fortement complémentaires. Elles visent toutes à établir un cadre solide, efficace, transparent et sûr pour les marchés, les intermédiaires et les investisseurs. Un autre de leurs buts est la création de conditions de concurrence équitables pour tous les professionnels même si, pour le moment, on peut parfois avoir l’impression que les règles du jeu changent régulièrement.

Directive relative aux Contrats de garantie financière (CD)
Directive sur le Caractère définitif du règlement (SFD)

Elles ont été révisées pour mieux sécuriser les transactions entre les acteurs du marché, mettant en oeuvre pour la première une protection des garanties constituées dans le cadre d’une opération financière et pour la seconde une protection des opérations irrévocables ou dénouées en cas de faillite d’une contrepartie. Notons que le système de gestion des garanties dans le cadre des opérations conduites par l’Eurosystème (CCBM2) et la plate-forme T2S faciliteront la mobilisation des garanties en Europe alors qu’un nombre croissant de transactions doit faire l’objet de collatéralisation pour des raisons de sécurité et / ou de liquidité.

Directive sur le Droit des titres (SLD)

Elle a pour objectif de lever les « barrières Giovannini » 13 et 15 en s’attaquant aux problèmes induits par l’hétérogénéité des droits des titres et des règles de conflits de lois des différents Etats membres de l’Union Européenne. Ces différences constituent des obstacles manifestes aux investissements transfrontaliers. La DDT favoriserait également l’élimination de la « barrière Giovannini » 3 relative aux opérations sur titres, à un moment où la profession déploie d’importants efforts pour définir des standards dans ce domaine. La suppression de ces trois barrières – ou du moins l’atténuation des contraintes qu’elles engendrent – revêt une importance essentielle si l’on veut bénéficier à terme des avantages attendus de la plate-forme T2S.

Réglementation relative aux infrastructures des marchés européens
Réglementation relative aux dépositaires centraux de titres (CSD)

Elles sont les premières initiatives de la Commission européenne qui visent à réglementer les infrastructures post-marché. Précédemment, les autorités européennes s’intéressaient davantage aux activités de négociation et de distribution, comme en témoignent la Directive MIFID (Marchés d’instruments financiers) et les initiatives en relation avec les fonds d’investissement (OPCVM). Avant que les effets de la crise ne se fassent pleinement sentir, elles mettaient essentiellement l’accent sur l’efficacité, les économies d’échelle et la réduction des coûts. Depuis 2008, elles attachent une importance essentielle à la transparence et à la gestion des risques. Les autorités européennes ont ainsi été incitées à élargir la question des infrastructures de marché à d’autres produits financiers, principalement aux produits dérivés échangés de gré à gré (dérivés OTC), et à mettre en oeuvre un cadre réglementaire contraignant pour ces infrastructures au niveau européen (et, si possible, au-delà), puisqu’elles sont à présent reconnues comme systémiques.

- La réglementation relative aux infrastructures de marché européennes (EMIR) s’intéresse aux critères d’admissibilité des dérivés OTC à la compensation centrale, définit le cadre réglementaire harmonisé qui s’appliquera à toutes les contreparties centrales (CCPs) ainsi qu’aux bases de transactions en Europe. Elle précise aussi les règles de mise en oeuvre des liens d’interopérabilité entre contreparties centrales pour les valeurs mobilières.

- La réglementation relative aux Dépositaires centraux de titres (CSD) se propose de définir la nature et le rôle des CSDs au niveau européen, les services qu’ils sont autorisés à offrir et le cadre réglementaire, prudentiel et de surveillance qui régit leurs activités. La principale question que suscite la proposition présentée par la Commission européenne porte sur l’étendue des services que les CSDs seront autorisés à fournir. Les intermédiaires sont favorables à une définition très restrictive de leurs missions (fonctions limitées à la garantie de l’intégrité des émissions et aux opérations de règlementlivraison des titres), tandis que la Commission Européenne semble envisager l’intégration de multiples services auxiliaires dont certains de nature bancaire. Dans ce dernier cas, les CSDs pourraient devenir des concurrents directs de leurs participants tout en bénéficiant d’un avantage concurrentiel indu lié à leur statut d’infrastructure. Comme il l’a été précédemment indiqué, la teneur finale de la réglementation pourrait fortement influer sur la restructuration du paysage du postmarché.

Les Directives AIFM (Gestionnaires de fonds alternatifs)
UCITS IV et UCITS V

- La Directive UCTIS IV se fixe principalement trois objectifs :

  • réduire les formalités administratives grâce à une simplification de la procédure de notification de la distribution de fonds (passeports des fonds) ;
  • améliorer la protection des investisseurs par la mise en place d’un document d’informations clés pour l’investisseur (Key Investor Information Document ou KII), qui remplacerait le prospectus simplifié ;
  • renforcer l’efficience du marché en autorisant une plus grande souplesse grâce au passeport pour les sociétés de gestion et grâce à des outils permettant aux gestionnaires de fonds de rationaliser leurs gammes de fonds (fusions transfrontalières de fonds et introduction de structures master-feeders).

L’élaboration du document d’informations clés destiné à l’investisseur constituera une charge significative pour les gestionnaires de fonds, qui pourront envisager de la confier à un prestataire de services. Les choix qu’opéreront les gestionnaires d’actifs pour rationnaliser leur gamme de fonds auront inévitablement des répercussions sur les services de tenue de compte-conservation et de valorisation.

- La Directive AIFM concerne les gestionnaires de fonds alternatifs plutôt que les fonds qu’ils gèrent. La Directive énonce les conditions générales que les AIFMs doivent remplir, prévoit l’intervention d’un évaluateur externe ou évaluateur indépendant et établit pour la première fois un cadre de marché véritablement unique qui permettra aux AIFMs de proposer leurs services dans toute l’Union européenne dès lors qu’un pays de l’Union européenne leur aura délivré un agrément. La Directive AIFM fait obligation à chaque gestionnaire de fonds alternatifs de nommer un dépositaire. Si l’ampleur exacte des responsabilités des dépositaires reste encore à définir au niveau des mesures de niveau 2, elle n’en est pas moins significativement accrue par rapport à la réglementation et aux pratiques européennes antérieures. La législation française se distingue des autres législations européennes en ce qu’elle avait déjà imposé des obligations supplémentaires aux dépositaires lors de la transposition de la Directive UCITS III dans la législation nationale.

- La Directive UCITS V vise à réviser le cadre présentement applicable aux dépositaires d’OPCVM pour l’harmoniser avec celui prévu par la Directive AIFM et à introduire de nouvelles dispositions sur la rémunération des gestionnaires d’OPCVM pour ainsi renforcer la protection des investisseurs. La Directive Systèmes d’indemnisation des investisseurs poursuit le même but, car l’un de ses objectifs est l’indemnisation de la perte que subit un détenteur de parts d’OPCVM lorsque le dépositaire (ou l’un de ses sous-conservateurs) d’un fonds n’est pas en mesure de restituer les actifs qui ont été confiés à sa garde. Cette initiative ne suscite d’ailleurs guère l’adhésion de la profession dans la mesure où elle semble faire double emploi avec la nouvelle définition des responsabilités des dépositaires et où la somme exigée pour couvrir le risque potentiel apparaît tout à fait disproportionnée au regard de ce dernier

Directive sur les Marchés d’instruments financiers (MIFID 2)

Enfin la révision de la Directive sur les Marchés d’instruments financiers (Directive MIFID 2) occupe une place de premier plan au sein des initiatives conduites par la Commission Européenne. Cette dernière a estimé qu’il était nécessaire d’une part, d’analyser les évolutions relatives aux marchés et aux produits financiers intervenues au cours des trois dernières années et, d’autre part de tirer les enseignements de la crise financière. La Commission Européenne aimerait élargir la portée du texte aux marchés des produits de taux et des produits dérivés, marchés des contrats à terme sur matières premières compris. Elle souhaite compléter la législation actuelle afin de réglementer ou de mieux réglementer les nouveaux acteurs (dark pools, crossing networks, trading algorithmique) et de renforcer la transparence (pré et post-trade) des marchés.

Eric de Nexon , Mars 2011

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