De la même façon que les marchés ont été euphoriques en dépit des fondamentaux et à cause de l’abondance de liquidité, ils vont provoquer des mini krachs ponctuels sur toutes les classes d’actifs en dépit des fondamentaux et à cause de craintes plus ou moins fondées de reprise de liquidité
Voici ce que nous écrivions dans une série de papiers récents à propos de l’économie de bulle d’actifs dans laquelle nous vivons depuis une quinzaine d’années
« Les bulles d’actifs financiers se développent généralement dans des contextes de consensus et d’unanimisme quant à certaines tendances de marché. Ce sont des périodes ou l’on se pose peu de questions et ou l’état présent des marchés financiers et de l’environnement macroéconomique est considéré comme éternel. En tout cas, les bulles se sont surtout développées dans des environnements de politiques monétaires incontrôlées. Les quantitative easing des banques centrales OCDE (monétisation directe ou indirecte) ont créé de la liquidité en finançant les dettes publiques mais aussi ce que l’on appelle les actifs dits risqués au rang desquels les actifs émergents et les matières premières.
Les bulles d’actifs financiers se développent généralement dans des contextes de consensus et d’unanimisme sur certaines tendances de marché. Il est unanimement admis que les bulles sont dangereuses. Mais, en fait, les choses sont souvent moins triviales et à côté des bulles (...)
Nous vivons donc depuis 15 ans dans une économie de bulles d’actifs financiers. Lorsqu’une bulle éclate sur un actif, l’on assiste généralement à la naissance d’une nouvelle bulle sur un autre actif car la liquidité abondamment créée par les banques centrales ne peut, en général, être reprise sous peine de provoquer d’énormes chocs patrimoniaux chez les agents privés ou systémiques chez les banques. On a là une forme d’aléa moral qui fait que certains acteurs financiers ne sont pas assez rigoureux dans l’analyse du risque de leurs investissements s’appuyant sur cette idée qu’ils ont une capacité de nuisance systémique et qu’en conséquence il y aura toujours un prêteur/sauveur en dernier ressort »
Si l’on s’en tient à la période récente, on constate que ce qui a drivé la hausse des marchés toutes classes d’actifs confondues , c’est la croyance unanime des marchés depuis septembre 2012 en une mise à disposition « éternelle » et « inconditionnelle » de liquidité par achat d’actifs des banques centrales (promesses des OMT de la BCE qui n’auront pour l’instant jamais été activées et ne le seront sans doute jamais – attention aux futurs jugements de la cour de Karlsruhe sur cette problématique ; Quantitative easing éternel de la FED ; puis agressivité monétaire sans précédent historique de la BOJ pour Bank of Japan..)
Ce qui se passe aujourd’hui, disons depuis mai 2013 avec les baisses des marchés , toutes classes d’actifs confondues, c’est le renversement de la psychologie des marchés (un phénomène sans doute durable) avec une inquiétude des investisseurs sur la poursuite de l’expansion de la liquidité par les banques centrales ou en tout cas sur l’orientation des politiques monétaires :
ambiguités de la FED quant à la poursuite des achats d’actifs et plus précisément quant au rythme de ces achats (aujourd’hui achats chaque mois de 45 MdsUSD de titres d’état et 40 MdsUSD d’ABS)
cacophonie de la BOJ. En réalité les marchés pensent que son Quantitative easing et sa politique de reflation seront vraiment efficaces en ce sens que les anticipations inflationnistes flambent, ce qui provoque un retournement violent des bonds et partant des actions et du yen. Malgré le calcul initial suivant : achats d’actifs japonais liés à la monétisation de la BOJ pour faire monter actions et obligations ; achats d’actifs étrangers par les investisseurs japonais pour faire baisser le yen (en fait c’est tout le contraire qui est en train de se passer puisque, à la surprise générale, les investisseurs japonais rapatrient leurs capitaux).
une BCE qui ne monétisera jamais massivement aussi bien au niveau de l’achat de dettes publiques que surtout de l’achat d’ABS et autres actifs corporate.
De la même façon que les marchés ont été euphoriques en dépit des fondamentaux et à cause de l’abondance de liquidité, ils vont provoquer des mini krachs ponctuels sur toutes les classes d’actifs en dépit des fondamentaux (ni meilleurs, ni pires qu’auparavant) et à cause de craintes plus ou moins fondées de reprise de liquidité.Mory Doré
C’est normal après tout puisqu’il y a pour des raisons diverses des bulles sur quasiment tous les actifs financiers :
Actions surévaluées, quoiqu’en disent de nombreux analystes, compte tenu de la macroéconomie mondiale, d’une prime de risque mal évaluée selon les standards du monde d’avant 2007-2008 et du ralentissement de tous les grands émergents ;
obligations d’état dites refuge elles aussi surévaluées parce que les anticipations inflationnistes vont se développer et les facteurs de soutien extra-économiques disparaitre (réserves de change des émergents réinvesties en bonds ; temps des achats de titres par les banques pour constituer leur réserve de liquidité exigée par les futurs ratios réglementaires Bale 3 qui est derrière nous)
obligations d’état périphériques trop chères également car ces pays n’ont pas clairement convaincu quant à leur stratégie de resolvabilisation budgétaire
equities et bonds des pays émergents surachetés.
Ce qui est dramatique en tout cas, c’est que dans un sens comme dans l’autre les marchés (indistinctement géographiquement, sectoriellement, par type de classe d’actif) ne dépendent que de la liquidité et qu’il n’y aura pas de demi tendances. Soit ils continuaient à monter en dépit du bon sens en se « shootant » avec leur EPO Banque centrale ; soit ils chuteront encore plus violemment avec l’idée que l’EPO sera brutalement supprimé … Il ne semble donc pas compte tenu de leur nature excessive qu’ils puissent évoluer de manière plus ordonnée dans un scénario de désintoxication progressive. Il faut aussi avoir en tête la forte mondialisation de la finance et la corrélation des portefeuilles : les premières grosses pertes matérialisées sur certains actifs par des investisseurs les obligeront à vendre en catastrophe d’autres types d’actifs pour compenser des moins-values ……
En tout cas, on ne peut pas et ne doit pas trouver d’explications à la baisse de tous les marchés avec les éléments suivants :
regain de l’aversion au risque : il n’y en a pas plus aujourd’hui qu’hier et la preuve en est que les dettes traditionnellement refuge (treasuries, gilts , bunds…) souffrent également
il n’y a pas plus de liquidité bancaire excédentaire stockée à la banque centrale qu’hier. Bien au contraire puisque les dépôts des banques de la zone Euro à la BCE étaient évalués à 82 Mds€ le 13/06/2013 contre 120 Mds€ le 30/04/2013 (montants à rapprocher d’excédents de liquidité stockée de l’ordre de 280 Mds€ en début d’année 2013)
L’argent qui sort des marchés ne se réinvestit donc pas et ne gonfle pas les réserves des banques auprès des banques centrales (n’ayons pas la mémoire courte et souvenons-nous que ces mêmes dépôts des banques de la zone auprès de la BCE s’élevaient à 452 Mds€ fin décembre 2011 après le premier VLTRO de la BCE et à 820 Mds€ début mars 2012 après le second VLTRO)
Puisque les liquidités ne se restockent pas à la BCE, ne financent pas plus qu’avant l’économie réelle et ne s’investissent plus en actions, obligations et autres actifs émergents, alors ou est l’argent ? Eh bien, cash is king comme l’on dit souvent sur les marchés. Même si aujourd’hui ce cash ne rapporte rien et, pire, n’est pas anticipé rapporter grand-chose avant très longtemps.Mory Doré
Mais attention, et cela pourrait faire l’objet de longs développements, d’un point de vue macroéconomique, l’on est donc peut-être en train de rentrer dans un vrai cycle inflationniste. De deux façons
1. Puisqu’il n’y aurait plus inflation des actifs financiers (fin des bulles d’actifs et début des krachs d’actifs) et que la liquidité ne sera de toute façon pas retirée brutalement, cela signifiera qu’il peut y avoir « fuite devant la monnaie » : si la liquidité banque centrale récupérée par les agents économiques ne sert plus à acheter des actifs financiers, elle servira à acheter des biens et services à offre constante voire des actifs réels…Pas de stress donc sur le long terme quant aux perspectives de l’or et de l’immobilier
2. mais on peut aussi se retrouver dans une situation ou les agents économiques d’un pays donné se débarrassent de leur excès de monnaie en achetant des devises étrangères. Va-t-on alors vers une baisse forte et durable du dollar, de l’euro et du yen contre des devises émergentes ou commodities ? Sans doute pas dans l’immédiat mais peut-être qu’il s’agira d’une tendance de long terme qui exporterait alors beaucoup d’inflation aux Etats Unis, en Europe et au Japon.
Comment, dans ces conditions, imaginer une banque centrale avoir le courage de commencer à reprendre de la liquidité aux banques en stérilisant réellement la masse monétaire Mais comment imaginer également une banque centrale continuer à rester ultra-accommodante en tolérant passivement une déconnexion significative de la valeur d’un actif financier par rapport à ses fondamentaux économiques.
Comme nous l’expliquions dans la série d articles publiés sur les bulles d’actifs, demander à la banque centrale d’être capable de « lutter » contre des surévaluations ou sous-évaluations d’actifs financiers n’est pas si farfelu que cela « La banque centrale en effet n’est pas omnisciente mais a un avantage énorme par rapport aux investisseurs, traders et autres intervenants sur les marchés : elle est d’abord en principe insensible au mark-to-market (valorisations) des actifs qu’elle détient et ensuite en cas de perte avérée, il n’y a pas d’urgence à la recapitaliser comme pour une banque ou un assureur »
Mory Doré , Juin 2013
Fil d'actualité | |
Emplois & Stages | |
Formations |