Les leaders de la promotion immobilière se tournent désormais vers le crowdfunding

Le crowdfunding immobilier a explosé ces 4 dernières années passant de 30 millions d’euros collectés en 2015 à 185 millions fin 2018. Au total, à ce jour, ce sont plus de 900 projets de promotion immobilière qui ont pu être financés. Cette tendance de croissance exponentielle du marché s’explique...

Le crowdfunding immobilier a explosé ces 4 dernières années passant de 30 millions d’euros collectés en 2015 [1] à 185 millions fin 2018. Au total, à ce jour, ce sont plus de 900 projets de promotion immobilière qui ont pu être financés [2]. Cette tendance de croissance exponentielle du marché s’explique bien entendu par un nombre croissant d’investisseurs mais également par une prise de conscience des promoteurs de l’opportunité de cette solution de financement en fonds propres. Au départ utilisé quasiment exclusivement par les PME ou TPE, le crowdfunding immobilier intéresse désormais les leaders de la promotion immobilière qui y voit l’opportunité d’augmenter leur cadence de développement.

Des premières études de faisabilité jusqu’à la livraison finale du programme, les capitaux nécessaires sont énormes. En aidant rapidement au financement des fonds propres, le crowdfunding a opéré une révolution dans le monde de la promotion immobilière perçue différemment selon les structures concernées. Alors que les PME ou TPE y voient une solution parfois vitale pour la réussite d’une opération donnée, les gros acteurs prennent conscience que le crowdfunding immobilier ne doit pas être perçu comme un point faible dans leur positionnement mais bien comme une solution de diversification de la provenance de leurs fonds propres à moindre coût et une source supplémentaire de développement de leurs activités.

Confortés par la force de frappe des plateformes en termes de montants levés et de temps de collecte et rassurés par le rapprochement de certaines avec des fonds de gestion d’actifs immobiliers, les gros promoteurs n’hésitent plus à faire appel au financement participatif. Un choix judicieux mais aussi stratégique : les nouvelles dispositions de la loi ELAN – notamment sur les recours abusifs et l’amélioration du traitement du contentieux de l’urbanisme – laisse présager une certaine reprise des permis de construire.

1. Rapidité et flexibilité, les deux atouts qui séduisent les promoteurs

Dans sa recherche de solution de financement, le promoteur va s’interroger sur le délai d’obtention du montant nécessaire pour couvrir les premiers frais des gros œuvres du chantier de l’opération concernée. Il va également s’attacher aux conditions et aux garanties exigées par le financeur (fonds d’investissement, banque, promoteur ou plateforme de crowdfunding). Via une plateforme de crowdfunding, un promoteur peut recevoir sous une dizaine de jours, pour une demande de financement type, la réponse favorable ou non de l’audit (interne puis par un comité externe composé d’experts). À partir de là les contrats peuvent être émis et signés entre la plateforme et le promoteur en moins d’une semaine. Le projet peut alors être mis en ligne selon le taux de rendement et la durée d’investissement négociée entre la plateforme et le promoteur, prenant en compte les risques de l’opération mais aussi la capacité financière de la structure auditée. C’est d’ailleurs pour cela qu’avec l’arrivée des gros acteurs sur le marché du crowdfunding on assiste à une légère baisse des taux de rendement (entre 8 et 9 %*) qui s’explique tout simplement par une meilleure maîtrise des risques sur ces projets. Une fois la collecte ouverte aux particuliers, les plateformes ont généralement un mois pour réunir les fonds puis les mettre à disposition du promoteur (une semaine supplémentaire le temps de procéder à toutes les opérations de transfert vers le véhicule d’investissement).

Or, depuis un an, les records de temps de collecte se succèdent. Il aura fallu par exemple à peine 6 jours pour réunir 1,5 M€ sur Homunity pour le compte d’UNITI, un acteur d’envergure nationale en fort développement. Enfin, même s’il reste engagé contractuellement auprès de la plateforme et des investisseurs, le promoteur ne subit pas les mêmes contraintes ou pressions qu’il pourrait recevoir d’un fonds privé ou dans le cadre d’une co-promotion où le droit de regard et de décisions sur le déroulement du projet et des étapes peut être plus pesant.

2. Vers des volumes de fonds levés plus importants

Jusqu’à présent le montant maximal légal de collecte par projet est plafonné à 2,5 millions. Mais cette limite devrait être réhaussée avec la Loi PACTE à 8 M€ le volume de financement pour une opération donnée. Cette décision va clairement influencer les gros acteurs de la promotion immobilière qui cherchent souvent des financements supérieurs à 2 millions. L’intérêt pour eux est de pouvoir lever en une fois de gros montants pour appliquer une seule fois la commission prise par la plateforme et les intérêts des investisseurs qui seront versés in fine. Avec une commission fixe de l’ordre de 5 à 6 % (pouvant aller jusqu’à 8 % pour certains), et des taux investisseurs annuels reversés entre 7 et 9 % (taux appliqués pour les gros promoteurs), la solution de crowdfunding immobilier ne coûte en général pas plus de 3 % du coût total de l’opération en elle-même ce qui est plus avantageux qu’un partage de marge.

3. Un top 10 encore à conquérir

Les 10 premiers groupes leaders du secteur immobilier, dont Nexity, Bouygues, Vinci ou encore Kaufman & Broad, disposent eux d’autres outils pour diversifier la source de leurs financements à moindre coût. En effet, ils bénéficient d’un accès au marché obligataire qui leur permet d’émettre des obligations pour des montants beaucoup plus élevés et à des taux beaucoup plus intéressants pour eux. Les critères d’accès à ce marché sont assez stricts, ce qui expliquent que seule une poignée d’opérateurs y ait accès (un CA supérieur à 50 millions par exemple). Kaufman & Broad a par exemple placé un des plus important Euro PP du secteur en 2018 avec un montant de 150 M€. Ceci n’est pas encore possible via le crowdfunding immobilier tel qu’il est encadré aujourd’hui. À moyen terme, si les gros promoteurs investissent en masse le marché, nous pourrons assister à une réadaptation des taux de rendements proposés aux investisseurs. Si la norme vient à l’avenir à s’harmoniser entre 5 et 7 % pour certains projets d’acteurs nationalement connus et réputés, il y a fort à parier que les promoteurs du top 10 se pencheront sur cette solution de diversification.

Une chose est sûre, les plateformes de crowdfunding sont prêtes à composer avec ces nouveaux acteurs. Ayant anticipé les besoins différents des plus grosses structures, certaines ont envisagé très tôt des financements corporate axés sur un développement global du promoteur plutôt qu’une opération en particulier. À ce jour, Capelli, par exemple, a déjà franchi le cap du crowdfunding pour près de 9,5 millions d’euros. On devrait assister durant les années à venir à des demandes similaires de la part des autres leaders de la promotion immobilière, ce qui représente en termes de montants un potentiel énorme pour le marché du financement participatif.

Quentin Romet , Avril 2019

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