Les difficultés grandissantes de générations qui ne se comprennent plus rendent les successions périlleuses

Le passage de témoin entre les générations est un moment critique pouvant déterminer le succès ou l’échec d’une entreprise familiale. Alors que les « baby-boomers » s’apprêtent à passer le relais à la génération Y, le risque que la transmission tourne mal devient plus grand que jamais.

C’est ce que révèle la nouvelle édition de l’étude [1] mondiale de PwC sur les entreprises familiales.
Causée par des visions business différentes, un manque de confiance des aînés et un manque de communication, cette situation entame la motivation de la nouvelle génération. 20 % des sondés de la deuxième génération déclarent ainsi ne pas envisager de diriger l’entreprise un jour après la première génération, contre 8 % toutes générations confondues.
Néanmoins, les ambitions de ceux qui ont décidé d’entrer dans l’entreprise familiale ne font aucun doute : 80 % affichent de grands projets pour développer et faire croître l’entreprise, bien conscients que leur patronyme ne suffira plus à légitimer leur action. Ainsi, 88 % estiment qu’ils doivent travailler plus dur que les autres dans l’entreprise « pour faire leurs preuves ».

Seules 12% des entreprises familiales sont dirigées par la troisième génération

Le passage de relais, une étape délicate que le fossé générationnel a rendu plus difficile encore

Le passage de relais d’une génération à l’autre a toujours comporté un risque de rupture au sein d’une entreprise familiale, mais cela n’a jamais été aussi vrai qu’aujourd’hui selon PwC, car les baby-boomers s’apprêtent à transmettre à la génération Y. Le monde des affaires a profondément changé depuis que la génération actuelle a accédé à la direction de l’entreprise, et le rythme de cette mutation ne peut que s’accélérer en réponse aux tendances de fond que sont les changements démographiques, l’urbanisation, le changement climatique et les nouvelles technologies.

L’enquête de PwC montre que le transfert des entreprises de la « première génération », celle qui a fait de la start-up une entreprise familiale, est plus délicat encore. Ceux qui sont maintenant en passe d’assurer la relève montrent d’ailleurs peu d’enthousiasme : 20 % des sondés de la deuxième génération déclarent ainsi ne pas envisager de diriger l’entreprise un jour après la première génération, contre 8 % toutes générations confondues.

Une génération Y décomplexée et avide de performance via des stratégies de transformation ambitieuses

Les ambitions de ceux qui appartiennent à la génération suivante et qui ont décidé d’entrer dans l’entreprise familiale ne font en revanche aucun doute. 86 % des personnes interrogées souhaitent laisser une trace lorsqu’elles prendront le relais, et 80 % ont de grands projets pour développer et faire croître l’entreprise. L’étude montre que la nouvelle génération prône globalement une politique du changement. Cela se traduit par des stratégies d’acquisition ou de fusion, des lancements de produits ou des changements organisationnels. Nombreux sont ceux qui entendent investir davantage dans les nouvelles technologies et faire appel aux médias sociaux.

Au sein de la génération suivante, 14% ont fait des études et sont diplômés en gestion des entreprises et 34% ont suivi des stages de formation avec un objectif : mieux se préparer à la succession ou à la direction, et appliquer les connaissances ainsi acquises à l’entreprise familiale.

François Antarieu, associé PwC spécialiste des entreprises familiales explique : « Les jeunes générations souhaitent introduire des process plus rigoureux, en particulier dans des domaines tels que la gestion financière et l’élaboration du budget. Ils entendent aussi clarifier les rôles et responsabilités de chacun et mieux les définir. Ils ont enfin l’intention d’actualiser les systèmes d’information et la technologie pour profiter des opportunités offertes par le numérique. »

Des « fils de » en quête de légitimité

Les membres de la génération suivante sont nombreux à penser qu’il ne suffit plus comme leurs parents de porter le nom de famille pour être crédible, et considèrent même que cela peut les desservir. Conséquence : 88 % estiment qu’ils doivent travailler plus dur que les autres dans l’entreprise « pour faire leurs preuves ». Ils sont 59 % à considérer que le plus grand défi à relever est de gagner le respect de leurs collaborateurs.

Autre évolution, la promotion au poste de Directeur général n’est plus automatique pour les membres de la génération suivante ; un nombre grandissant d’entreprises familiales se prépare à prendre des décisions de succession difficiles. L’enquête révèle que 73 % espèrent diriger l’entreprise un jour, mais seuls 35 % d’entre eux considèrent cette perspective comme « certaine » et 29 % comme « relativement probable » dans le meilleur des cas.

Pour faire face à ces changements et gagner en légitimité, l’étude montre qu’il est de plus en plus fréquent de chercher à acquérir une expérience professionnelle en dehors de l’entreprise familiale. Ils sont ainsi à peine 7 % de la génération suivante à être entrés dans l’entreprise familiale dès la fin de leurs études secondaires, comme l’avaient fait avant eux leurs parents et grands-parents. On note que 31 % sont d’abord allés à l’université et 46 % ont travaillé pour une autre société avant d’occuper un poste dans l’entreprise familiale.

Un manque de communication qui nuit à l’entreprise

Le manque de communication entre les générations d’une même famille peut entraîner de réelles difficultés au sein de l’entreprise, aggravées par des visions business très éloignées. En effet, la génération précédente a tendance à surestimer la manière avec laquelle elle a su diriger l’entreprise et sous-estimer l’aptitude de ses enfants à en faire autant, déplorant par exemple leur manque d’investissement. L’enquête révèle ainsi que 64% des membres de la génération suivante considèrent que la génération actuellement en poste aura du mal à céder les rênes.

De son côté, la jeune génération déplore que leurs parents soient si peu réceptifs aux idées neuves comme l’usage des nouvelles technologies. Néanmoins, 91 % d’entre eux apprécieraient qu’ils continuent à les soutenir par leurs conseils.

D’après François Antarieu : « Ce type d’incompréhension entre générations peut ralentir les processus décisionnels et l’adaptation nécessaire de l’entreprise à un contexte en évolution permanente, surtout si le lieu du pouvoir de direction n’est pas clair. Il est donc clé d’établir des règles précises pour une gouvernance optimisée et efficace au sein des membres d’une même famille ».

Une nécessaire planification de sa succession sur le long terme

Selon François Antarieu : « L’organisation de la transmission et de la succession est un enjeu considérable, surtout lorsque l’on sait que les entreprises familiales ou à capitaux privés représentent 30 % des entreprises milliardaires en dollars dans le monde et qu’elles produisent de 70% à 90 % du PIB mondial. Les entreprises qui gèrent bien leur succession sont celles qui s’y préparent plusieurs années à l’avance – idéalement, cinq à sept ans plus tôt – et qui savent mener des « entretiens de bon sens » concernant les postes, les responsabilités et le calendrier d’ensemble. »

Next Finance , Avril 2014

Notes

[1] Méthodologie de l’étude
207 entretiens ont été réalisés avec des membres de la « génération suivante » susceptibles de reprendre la direction de l’entreprise familiale dans 21 pays, la priorité étant donnée à celles qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 5 Millions de dollars. Les entreprises appartiennent à un large éventail de secteurs, la plupart de l’échantillon ayant participé à l’enquête Family Business menée par PwC en 2012. Les entretiens ont été réalisés entre le 3 février et le 14 mars 2014.

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