›  Opinion 

La Grèce, la Chine et la hausse des taux de la Fed génèrent de la volatilité et des opportunités sur les marchés mondiaux.

La crise de la dette en Grèce, la frénésie sur le marché boursier chinois, un arrêt de trois heures pour raisons techniques du New York Stock Exchange (NYSE) et un relèvement imminent des taux de la Fed contribuent largement à l’agitation qui règne cet été sur les marchés mondiaux.

Quatre gérants de portefeuille de Natixis Global Asset Management nous livrent leurs points de vue sur les récents événements du marché et l’incidence de ces derniers sur leurs décisions d’investissement.

_ William Nygren, CFA®, gérant de portefeuille Harris Associates

La Chine et la Grèce : valeur ou tourmente ?

À Harris Associates, nous poursuivons une approche d’investissement « value » à long terme. Nous nous intéressons à l’évolution du PIB mondial sur les cinq à sept prochaines années plutôt que sur les trimestres à venir. De ce point de vue, non seulement le PIB mondial est susceptible d’augmenter, mais les marchés émergents devraient également représenter un plus grand pourcentage du PIB mondial total qu’à l’heure actuelle.

Cela dit, je pense qu’actuellement il vaut mieux investir dans des sociétés internationales fortement exposées aux marchés émergents comme la Chine que recourir à des placements directs. Malgré le recul estival des marchés chinois, je ne crois toujours pas qu’il soit moins cher d’investir en direct dans des entreprises chinoises de qualité que dans des entreprises internationales fortement actives en Chine. De plus, nous apprécions la protection juridique et la gouvernance d’entreprise dont nous bénéficions en investissant sur les marchés développés. Je préfère donc acheter, par exemple, une société mondiale de biens de consommation qui exerce une part importante de son activité sur des marchés émergents qu’essayer de trouver une société basée sur un marché émergent et dont l’action se trouve actuellement être bon marché.

S’agissant de la Grèce, elle représente une petite partie du PIB de l’Europe. Cela a favorisé une baisse des cours des actions européennes. À Harris, beaucoup de portefeuilles présentent une exposition importante à l’Europe, car nous y voyons des opportunités de valeur. Cette approche vaut pour tout résultat final, qu’il s’agisse d’une sortie de la Grèce de la zone euro ou d’une restructuration de sa dette.

_ Bruno Crastes, directeur général, H2O Asset Management

La Fed après les secousses grecques et chinoises

Depuis quelques mois, l’attention des investisseurs se porte sur certains risques immédiats. Le dernier acte de la tragédie grecque a finalement jeté les bases d’une harmonisation de la politique grecque avec le profond attachement des Grecs à l’euro. Le risque extrême ne planant plus sur la zone euro, la reprise cyclique de cette dernière, le programme d’assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne (BCE) et le renforcement du cadre institutionnel reviennent sur le devant de la scène. En effet, seule la Grèce nous empêchait de voir la zone euro comme un placement de choix. En ce sens, c’est une très bonne chose pour les actifs européens que la Grèce soit devenue une plus faible source de risque.

L’évolution en dents de scie des actions chinoises, qui représente une nouvelle source de risque régional élevé, constitue l’autre centre de préoccupation. C’est ce que se sont dit les autorités chinoises lorsqu’elles ont réagi de manière drastique à ce qui pouvait apparaître de l’extérieur comme un simple dégonflement salutaire de la bulle spéculative sur le marché boursier. Contrairement à la crise grecque, les incertitudes en provenance de Chine risquent de perdurer, et la volatilité des actions n’est probablement que le premier épisode d’une longue série.

Pour les marchés, la situation de la Grèce et les actions chinoises ne sont pourtant que des diversions à court terme au défi posé par la politique monétaire américaine. En effet, la normalisation de la politique de la Fed, tant en termes de point de départ que de rythme de mise en œuvre, constitue le principal point noir.

L’économie américaine est assez détachée de la Grèce et de la Chine. Elle traite à peine avec la première et se contente surtout d’importer de la seconde. Parmi les grandes économiques développées, ce sont les États-Unis qui souffrent le moins de la baisse de la demande intérieure chinoise. Comme les principaux membres du FOMC n’ont de cesse de le répéter, les chocs extérieurs n’influent sur leurs décisions que s’ils ont un impact important sur l’économie américaine.

Le comité peut donc se concentrer sur sa mission première, qui est de stabiliser l’inflation et d’améliorer l’emploi. À cet égard, la volonté des principaux membres du FOMC, y compris de la présidente de la Fed Janet Yellen, d’entamer le processus de normalisation d’ici à la fin de l’année si l’économie américaine garde une trajectoire conforme aux prévisions du FOMC devrait être le point de départ de toute analyse. Ces membres saluent jusqu’à présent la progression constante du marché du travail, malgré un début d’année plus faible que prévu en termes de croissance du PIB. Les nombreux indicateurs du marché du travail sont en constante amélioration, et le taux de chômage s’est établi en juin à 5,3 %, un niveau proche des prévisions de tendance centrale de la Fed de 5,2 %-5,3 % pour décembre 2015 et de 4,9 %-5,1 % pour décembre 2016. Sauf événement dramatique pour l’économie américaine dans les mois à venir, leur optimisme concernant le marché du travail devrait se confirmer, voire se renforcer, d’ici septembre.

Pourtant, les investisseurs ne croient pas en une intervention du FOMC en septembre prochain et pensent que la première hausse des taux sera reportée en décembre 2015, voire mars 2016, autres dates de réunions se terminant par une conférence de presse. Non seulement ces attentes du marché ignorent la volonté du FOMC de commencer la normalisation dès 2015, mais elles sont en décalage par rapport à certaines questions techniques rendant peu probable une première hausse en décembre. En effet, les taux à court terme sont généralement chamboulés localement en fin de trimestre. Le taux de repo intercourtier grimpe en raison de l’insuffisance de bilans, et la demande accrue dont fait l’objet le programme de reverse repo de la Fed fait baisser ce taux aux niveaux les plus faibles du marché monétaire (taux du programme de reverse repo de la Fed, RRP). Comme le taux effectif des Fed funds est plafonné par le RRP, une première hausse des taux en fin d’année s’agrègerait aux difficultés inhérentes au marché monétaire actuel. Il est par conséquent peu probable que le FOMC entame sa normalisation en décembre 2015.

Il lui reste donc septembre 2015 et mars 2016 pour une première hausse des taux. Cette dernière date est trop lointaine pour les membres du FOMC déterminés à lancer la normalisation cette année et favorables à une hausse progressive des taux. La date la plus probable est alors le 17 septembre 2015, ce qui surprendrait le marché dans le contexte actuel. Les investisseurs devraient se préparer à voir la Fed agir rapidement.

_ Igor de Maack, Gérant actions européennes, DNCA

Un Grexit désorganisé est pour le moment évité

Pour les marchés financiers, la perspective d’un Grexit désorganisé est reportée à une date indéterminée. Les marchés semblent déjà avoir salué cet accord et vont désormais se concentrer sur des sujets plus microéconomiques (les résultats des entreprises) ou davantage liés aux obligations (la hausse imminente des taux américains). Le troisième plan d’aide à la Grèce pourrait bien être le dernier. Les termes sont tellement contraignants qu’il est à se demander si l’accord n’a pas été rédigé avec la sortie future de la Grèce de la zone euro en toile de fond.

Si le Premier ministre Alexis Tsipras n’est pas parvenu à faire adopter les exigences de son parti, l’Europe et des pays comme la France devraient se garder de tout triomphalisme. Cet accord, pas plus historique que les précédents, a mis à jour les divisions internes flagrantes concernant le chemin économique à suivre. Cependant, on ne peut critiquer la zone euro d’avoir complètement abandonné la Grèce, critique habilement exploitée par les partis populistes. Les gens ayant douloureusement échappé à la crise de 2008 découvrent que la construction monétaire de l’Europe, dont ils ont fortement bénéficié, est véritablement fédérale et qu’elle vient généralement en aide aux plus solides économiquement, aux moins endettés et à ceux qui imposent leurs idées avec le plus de rigueur.

Comme cela a été dit : on peut nier la réalité, mais on ne peut pas nier les effets de la réalité. Aujourd’hui, les Grecs se réveillent face à un ensemble de réformes très exigeantes, face à des banques ayant gardé portes closes pendant des semaines et à la méfiance accrue de leurs partenaires européens. Est-ce vraiment ce qu’ils voulaient ? C’est à en douter.

D’un point de vue géopolitique mondial, l’accord sur l’énergie nucléaire iranienne semble avoir apaisé les marchés et pourrait de nouveau faire baisser les prix du pétrole. Si tout se passe comme prévu concernant l’accord politique de ce nouveau plan grec, si l’Ukraine ne s’embrase pas à nouveau, si l’économie chinoise se redresse un peu et si la hausse des taux américains est bien absorbée, les marchés actions européens devrait renouer avec une tendance positive d’ici à la fin de l’année et rester la destination la plus accueillante de la planète financière.

_ Elaine Stokes, Gérante obligataire Loomis, Sayles & Company

Changement climatique sur les marchés obligataires

Depuis la crise financière mondiale de 2008-2009, tout ce qu’ont fait les gérants obligataires mondiaux, c’est escalader une montagne pour se sortir des difficultés dans lesquelles nous nous trouvions. Et on ne parle pas de petite montagne, mais bien du mont Everest. Et quand vous grimpez une montagne comme l’Everest, vous réalisez, à mesure que vous montez en altitude, que l’atmosphère et le climat changent. Nous nous trouvons à une de ces altitudes.

À l’instar d’un alpiniste, vous devez avancer, puis éventuellement prendre une demi-journée pour retourner au camp le temps que votre corps s’ajuste – et que l’orage passe.

L’année passée a vu de nombreux changements que le marché essaie de digérer. Nous devons composer avec plus de 150 nouvelles réglementations uniquement depuis 2010. Les banques centrales mondiales affichent des niveaux d’implication très différents et mettent en place des politiques monétaires sans précédent. Un changement démographique est également en cours, alors que les marchés du travail se font grignoter par les évolutions technologiques. Tout ce contexte a créé un marché qui a des difficultés à comprendre dans quelle direction vont la croissance et l’inflation. Or ce sont ces deux grands facteurs que nous devons comprendre pour pouvoir positionner nos portefeuilles.

De plus, l’orientation à long terme des taux d’intérêt indique que ces derniers devraient être plus élevés qu’aujourd’hui, en raison de la dette considérable ajoutée au système et placée sur la plupart des pays développés. À Loomis, nous tablons sur une hausse des taux américains dès septembre, ou du moins avant la fin de l’année. L’économie américaine soutient à elle seule une hausse des taux. Malheureusement, face à l’important degré de participation des banques centrales et aux défis auxquels le monde est confronté, il serait mal vu que les États-Unis agissent sans tenir compte de ce qui se passe dans le reste du monde.

Il y a un an et demi, nous avons commencé à retirer le risque de taux d’intérêt de nos portefeuilles multisectoriels et à réduire les obligations d’entreprises de qualité fortement liées aux taux d’intérêt. En outre, comme l’économie américaine est la plus solide parmi les pays développés, nous privilégions le crédit américain. Cependant, nous devons être plus prudents dans notre sélection, car selon certains signes, les États-Unis prendraient du retard dans le cycle de crédit. Dans ce contexte, les sociétés présentes depuis longtemps dans des domaines tels que la santé et la technologie – deux moteurs de l’économie américaine qui devraient bien se porter en cas de ralentissement économique – deviennent plus attractives.

Next Finance , Août 2015

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