Fraudes dans l’EU ETS : de nombreuses questions juridiques en suspens…

Fraude à la TVA, recyclage de crédits, vols de quotas, l’EU ETS a subi de nombreuses attaques frauduleuses depuis 18 mois. Lors du prochain Comité Changement Climatique le 14 avril, la Commission européenne fera des propositions très concrètes pour prévenir et détecter de nouvelles fraudes.

Fraude à la TVA, recyclage de crédits, vols de quotas, l’EU ETS a subi de nombreuses attaques frauduleuses depuis 18 mois. Lors du prochain Comité Changement Climatique le 14 avril, la Commission européenne fera des propositions très concrètes pour prévenir et détecter de nouvelles fraudes. Elles pourraient être adoptées lors de la réunion du 19 mai avant un vote de contrôle du Parlement à l’automne. Cependant, nombre de questions juridiques restent en suspens :
- la qualification pénale des vols, dont découle la sanction applicable : celleci varie d’un État membre à un autre. Par exemple le phishing peut être considéré comme un vol et/ou une escroquerie. La difficulté est de déterminer où et quand l’infraction a été commise, ce qui conditionne le droit, la juridiction, la qualification des infractions et les sanctions applicables.
- la détermination de la bonne foi d’un acheteur ou vendeur de quotas : celle-ci se prouve par tout moyen mais elle ne se présume pas en matière pénale, notamment en cas de recel. Il reviendra donc aux détenteurs de quotas volés de démontrer qu’ils ne connaissaient pas leur origine frauduleuse.
- la confidentialité des informations : la Commission européenne se fonde sur l’article 10 du Règlement « Registres » applicable jusqu’à la fin 2011 pour n’accepter de communiquer des informations que dans le cadre d’enquêtes pénales, considérant à juste titre qu’il revient aux autorités nationales d’assurer la mise en oeuvre de la directive EU ETS et de ses règlements. Mais dans certains pays, les numéros de série de quotas prétendument volés ont été divulgués, alors même que l’enquête pénale n’a pas abouti. Si l’intérêt est d’informer les acteurs du marché des risques de recel, cela risque de dissuader les échanges, et ce aussi longtemps que les enquêtes pénales n’auront pas trouvé d’issue.
- la responsabilité civile des teneurs de registre pour négligence ayant entraîné un préjudice économique et moral aux détenteurs de quotas volés : il faudrait démontrer que les teneurs de registres, responsables de leur bon fonctionnement, n’ont pas pris toutes les mesures nécessaires pour protéger l’accès aux comptes, et qu’il existe un lien de causalité entre le dommage causé et le préjudice subi.
- la responsabilité de la Commission européenne : celle-ci ne peut être engagée au vu des informations disponibles et de l’étendue de ses prérogatives en tant qu’Administrateur Central. Le problème vient d’abord du niveau de sécurité insuffisant de certains registres nationaux dont la responsabilité revient aux Etats membres. Avec la mise en place du Registre Unique dès janvier 2012, la Commission aura néanmoins davantage de prérogatives et devra anticiper les risques contentieux correspondants.
- l’harmonisation de la qualification juridique des quotas : cette proposition pourrait avoir un impact sur la qualification pénale en cas de fraude, ce qui réduirait les disparités juridiques entre les Etats membres. Mais une telle harmonisation se heurte au principe du respect de l’autonomie procédurale et des spécificités juridiques nationales. Reste la possibilité de les qualifier d’instruments financiers dans le cadre de la révision de la Directive 2004/39/CE sur les instruments financiers dite « MiFID ».
- l’indemnisation des victimes lorsque le fraudeur n’est pas identifié ou insolvable : un Fonds européen d’indemnisation pourrait être alimenté par les acteurs du marché eux-mêmes, en prélevant une taxe d’un montant très faible sur chaque transaction. Toutes ces questions montrent le décalage entre une réglementation européenne de plus en plus harmonisée en matière de fonctionnement de l’EU ETS et des règles nationales très disparates pour son contrôle et les sanctions applicables en cas de défaillances ou de fraudes. Au-delà de la coopération judiciaire, facilitée par Europol, il faudra faire progresser le droit pénal européen malgré les réticences prévisibles des États membres à transférer de nouvelles compétences au niveau communautaire.

Matthieu Wemaëre , Avril 2011

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