Facteurs de risque : un pas de plus dans la budgétisation des risques

De plus en plus de fonds de pension envisagent d’investir sur des indices « smart bêta » pour compléter leur gestion passive. Or, plusieurs méthodes concurrentes sont actuellement proposées. Analyser les contributions au risque de chaque facteur en fonction des différentes approches de « smart bêta » permet d’y voir plus clair…

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Plusieurs grands investisseurs utilisent déjà la budgétisation des risques sur la base de classes d’actifs dans leur allocation (risk parity par abus de langage – il ne s’agit pas systématiquement d’une équipondération des risques). La principale difficulté : définir des budgets de risque appropriés à chaque investisseur. Or, la prise en compte de facteurs de risque économiques permet justement de les définir de manière très fine en fonction des objectifs particuliers à chaque type d’investisseurs. Il s’agit d’une amélioration par rapport à l’approche traditionnelle du risk parity, qui se cantonne aux classes d’actifs.

La crise économique et financière a conduit de nombreux fonds de pension et investisseurs institutionnels à repenser leur stratégie d’allocation d’actifs de long terme. Ils remettent en cause le dogme de l’approche traditionnelle d’optimisation des portefeuilles prônée par Harry Markowitz, et sont davantage tentés par l’approche en budgétisation des risques et son corollaire, le « risk parity ».

Le principe de l’allocation par la budgétisation des risques est simple : réaliser une allocation d’actifs en fonction des contributions au risque du portefeuille des différents composants, et non pas en fonction d’un rendement attendu. Dans le cadre d’un portefeuille de deux actifs gérés en équipondération des risques, les contributions au risque, et donc à la performance, seront distribuées à parts égales entre les deux actifs. Afin d’y arriver, l’exposition aux actifs les plus risqués est minorée et réciproquement. La diversification traditionnelle par les pondérations aboutit à des résultats bien différents. Par exemple, un portefeuille équilibré composé à 50 % d’actions et 50 % d’obligations concentrera près de 90 % de la volatilité du portefeuille au sein des actions. Par effet de symétrie, la même proportion de la performance proviendra également des actions.

Dans la mesure où ces facteurs de risque affectent plus d’une seule classe d’actifs à la fois, les ignorer au profit des seules classes d’actifs peut générer des concentrations sur un nombre limité de facteur.
Thierry Roncalli, Responsable de la Recherche et Développement, Lyxor Asset Management

Intuitivement, la diversification par les risques semble donc beaucoup plus précise et équitable. Elle permet à l’investisseur d’optimiser son profil de risque au-delà d’une simple diversification par la capitalisation de marché, et ainsi d’obtenir un meilleur rendement ajusté du risque. De plus, elle facilite la lecture ex-ante de l’attribution de performance : grâce à l’effet miroir entre le risque et la performance, l’investisseur peut anticiper d’où proviendra la performance générée par son portefeuille.

Facteurs de risque

Reste un enjeu de taille : l’allocation du risque en adéquation avec les objectifs de l’investisseur. Même une allocation apparemment diversifiée de manière optimale, ou dans tous les cas de manière neutre, en parité des risques peut cacher d’autres sources de risques : celles des facteurs financiers et économiques affectant la performance des classes d’actifs du portefeuille. Dans la mesure où ces facteurs de risque affectent plus d’une seule classe d’actifs à la fois, les ignorer au profit des seules classes d’actifs peut générer des concentrations sur un nombre limité de facteurs.

Les investisseurs de long terme peuvent donc aller plus loin dans l’application de cette approche en ne raisonnant plus seulement par rapport aux classes d’actifs (actions, obligations, matières premières, etc.) mais par rapport aux facteurs de risque économiques comme l’activité (PIB, la production industrielle), l’inflation (prix à la consommation et des matières premières), les taux d’intérêt (taux d’intérêt réel, la pentification et la convexité de la courbe des taux) et le taux de change effectif.

Dans un tel cadre, la construction du portefeuille s’opère en fonction du risque alloué à ces différents critères économiques. Pour ce faire, il suffit à première vue d’associer une classe d’actifs à un risque en particulier – par exemple les obligations au risque de taux – et d’appliquer la méthode traditionnelle de « risk budgeting ». Mais une telle approche serait inefficiente, car une classe d’actifs peut être sensible à plusieurs facteurs de risque économique à la fois. Si les actions sont sensibles à la croissance économique et à la production industrielle, elles le sont aussi aux taux d’intérêt – comme l’a montré le modèle Gordon-Shapiro – et à l’inflation. Il faut ainsi identifier les sensibilités de chacune des classes d’actifs à certains facteurs de risques afin de déterminer une allocation d’actifs.

Il est plus pertinent de raisonner en termes de facteurs de risque économiques qu’en termes d’actifs financiers d’autant que de nombreux fonds de pension ou gérants d’actifs construisent leurs allocations sur la base de critères macroéconomiques. Par exemple, un fonds de pension anticipant une période de croissance de long terme pourra chercher à augmenter la sensibilité de son allocation au PIB. Grâce à une budgétisation par facteur de risque, il pourra le faire de manière très fine en allant chercher un ensemble d’actifs sensibles à la croissance.

Une telle approche normalise le concept de « risk parity » dans la mesure où l’on peut ensuite comparer plusieurs types d’allocation d’actifs à partir de facteurs communs à tous, peu importe les classes d’actifs utilisées. Cela réconcilie aussi l’approche quantitative et l’approche fondamentale de l’allocation stratégique d’actifs.

Sélection de smart bêta

Par ailleurs, de plus en plus de fonds de pension envisagent d’investir sur des indices dits « alternatifs » ou encore « smart bêta » pour compléter leur gestion passive. Or, plusieurs méthodes concurrentes - chacune avec des objectifs différents - sont actuellement proposées. Il s’agit, entre autres, d’approches telles que le portefeuille équipondéré (« Equally Weighted Portfolio » ou EW), le portefeuille de variance minimale (« Minimum Variance Portfolio » ou MV), le portefeuille de contribution égale au risque (« Equal Risk Contribution Portfolio » ou ERC), ou encore le portefeuille le plus diversifié (« Most Diversified Portfolio » ou MDP). Une analyse des contributions au risque de chaque facteur en fonction des différentes approches de « smart bêta » permet d’y voir un peu plus clair parmi les différentes offres.

Par exemple, si l’indice S&P 100 est sensible à l’activité économique, il l’est aussi aux taux d’intérêt tel qu’illustré dans le tableau sur les contributions en risque. Ce qui s’explique par le fait que la composante de la pente des taux est un indicateur avancé du cycle économique. Le risque de taux n’est donc pas exclusivement un risque obligataire.

Les actions faisant partie d’un portefeuille MV comptant généralement parmi les moins volatiles d’un univers, elles présentent un profil obligataire. Résultat : en mettant du Minimum Variance dans la poche actions, on y introduit du risque obligataire. Du point de vue de l’allocation stratégique, cela revient donc à transférer une partie de l’allocation de la poche actions vers la poche obligations.
Thierry Roncalli, Responsable de la Recherche et Développement, Lyxor Asset Management

Dans le cas d’un portefeuille de variance minimale, la sensibilité au risque de taux est plus forte. Les actions faisant partie d’un portefeuille MV comptant généralement parmi les moins volatiles d’un univers, elles présentent un profil obligataire. Résultat : en mettant du Minimum Variance dans la poche actions, on y introduit du risque obligataire. Du point de vue de l’allocation stratégique, cela revient donc à transférer une partie de l’allocation de la poche actions vers la poche obligations.

L’analyse de la contribution des risques par facteurs permet donc de mesurer le profil économique d’un portefeuille. Elle permet aussi d’avoir une idée claire de la sensibilité aux facteurs de risque économiques et surtout de mieux anticiper le comportement de ces indices « smart bêta » par rapport aux différents scénarios macroéconomiques.

Thierry Roncalli , Mars 2013

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