<p>Minkowski,</p>
<p>Tu travailles en gestion d’actifs non ? Oui passer de qqs millions à 40 milliards c’est problématique, écoutes la responsable adjointe des risques opé à la SG, tu comprendras mieux.</p>
<p>Kerviel avait une limite comprise de 125 millions à peu près, sauf qu’il prenait des positions en milliars « réelles », couvertes par des positions en milliards « fictives » qui abusaient les contrôleurs ; les risques étaient « flat ». Kerviel était assez « smart » pour comprendre le fonctionnement du contrôle et ses imperfections.</p>
<p>Ci-dessous la version de Claire Dumas, numéro deux du contrôle du risque opérationnel du groupe SocGen</p>
<p>15h02. Le président décrit l’organisation des salles de marché, avec un front office qui prend des positions, un middle qui les suit et un back office qui les contrôle. Il explique que la "limite de réplication" fixée au "desk" Delta One correspondait à la somme des valeurs absolues des engagements des traders du desk, ces engagements correspondant à l’écart entre les positions prises et leurs couvertures. Cette limite a été relevée de 75 à 125 millions d’euros en janvier 2007. Le président souligne que les dépassements devaient être immédiatement régularisés, soit en réduisant les positions, soit en demandant le relèvement de la limite. C’est l’un des points sur lesquels la Défense compte appuyer, en montrant que la banque n’a pas réagi aux dépassements gigantesques de Jéröme Kerviel, qui ont pourtant atteint plusieurs milliards d’euros dès la mi 2007.</p>
<p>15h10. Le président explique que les systèmes de contrôle de la banque n’ont pas pris en compte les positions excessives de Jérôme Kerviel car le trader passait des opérations fictives de couverture sur chacune de ses opérations. Or, la limite de 125 millions était calculée sur la base des engagements nets, c’est-à-dire de l’écart entre les positions prises et leurs couvertures, sans pouvoir faire la part des choses entre opérations réelles et fictives. C’est l’explication qu’a fournie la banque dès le début 2008 pour expliquer la défaillance de ses systèmes de contrôle.</p>
<p>15h31. Le président rappelle que Jérôme Kerviel, qui s’est rendu de lui-même, a reconnu les faits, mais en affirmant que ses supérieurs étaient conscients de ses pratiques. Comme le rappelle le juge, le prévenu a admis lors de l’instruction avoir agi "hors limite de son mandat", indiquant que sa hiérarchie lui aurait imposé de couper ses positions si elles n’avaient pas été dissimulées par de fausses couvertures. Mais il précise que le prévenu a aussi déclaré : "je ne peux croire que ma hiérarchie n’avait pas conscience de mes positions", car "il était impossible de dégager de tels profits avec de petites positions". Il fait ici référence aux 55 millions de profit déclarés par "JK" au titre de l’exercice 2007, et non à son gain réel de 1,4 milliard, qu’il n’a pas réussi à dissimiler à l’approche de l’arrêté des comptes, ce qui a provoqué sa chute.</p>
<p>17h30 Claire Dumas, numéro deux du contrôle du risque opérationnel du groupe SocGen, dépose à son tour. Elle raconte l’inquiétude des patrons de la salle des marchés, après leur découverte, le vendredi 18 janvier, que Kerviel avait pris une position et une couverture d’environ 40 milliards d’euros chacune. Elle explique avoir constaté que le compte de Kerviel contenait bien 1,4 milliard d’euros, mais que la contrepartie indiquée, le courtier Baader, était "toute petite", ce qui affolait les système d’évaluation des risques de la banque. Interrompue par la toux sifflante de Me Metzner, elle reprend en expliquant que Kerviel avait indiqué qu’en fait la contrepartie n’était pas Baader mais la Deutsche Bank, avec qui il avait noué une opération de refinancement (ce qui s’apparente à un prêt). Mais la SocGen n’a pas souhaité vérifier tout de suite auprès de la Deutsche Bank de peur que sa gigantesque position ne soit éventée, ce qui aurait permis aux traders de la banque allemande de profiter du débouclage.</p>
<p>Elle explique avoir monté pour le samedi matin une "task force" de cinq personnes pour éplucher les livres de transaction de Kerviel, avant de mobiliser des membres du middle et du back office. En soirée, une trentaine de personnes sont ainsi mobilisées, mais la plupart ne sont pas informées du problème. Kerviel reconnaît alors que les contreparties n’existent pas et qu’il a bien gagné 1,4 milliard, mais Claire Dumas juge "confuses" ses explications sur la stratégie de trading qui lui a permis de dégager un tel résultat.</p>
<p>Rappelé par la banque, Kerviel revient sur place en fin de journée. Il est soumis à un interrogatoire enregistré, plusieurs supérieurs et contrôleurs écoutant ses réponses à distance. Il explique sa "martingale". Luc François, son N+5, lui répond qu’il est impossible de gagner en arbitrant le dérivés sur l’indice Dax, l’un des plus liquides du monde (donc où les opportunités d’arbitrage sont très réduites). Claire Dumas insiste sur la fait que Jérôme Kerviel s’est montré très peu coopératif.</p>
<p>Elle explique qu’elle et les membres de son équipe étaient "dévastés" en découvrant finalement l’ampleur des positions, même si certains pourraient croire que la découverte de 1,4 milliard de profit caché est une bonne nouvelle : elle utilise un parallèle saisissant : "si je découvrais dans la chambre de mon fils adolescent une enveloppe avec 80.000 euros, je ne serais pas contente, je serais dévastée". 17h55 Poursuivant son récit, Claire Dumas raconte le moment où elle a appris que Kerviel avait pris de nouvelles positions début 2008 à hauteur de 50 milliards d’euros et qu’elles étaient en perte latente de 2,7 milliards. "Je ne me suis jamais autant demandé combien il me restait à rembourser sur ma maison", explique-t-elle, insinuant qu’elle se voyait plus près de la porte que de l’augmentation. "Après un bref moment de franchise où il a reconnu ces faits, Kerviel est reparti dans ses explications fumeuses", explique Claire Dumas, ajoutant qu’elle avait la sensation d’avoir une "savonnette entre les mains". A la reprise des marchés, le lundi matin, la décision est prise de ne rien annoncer aux équipes, tant que le débouclage des positions de Kerviel n’est pas terminé. S’ensuivent "trois jours de schizophrénie". Elle raconte aussi son angoisse pendant le débouclage, car "la base Eliot contient 100 millions de transactions, et nous n’avions pas de moyen de nous assurer que notre lecture des positions était la bonne".</p>
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