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Draghi et l’euro faible : une position bientôt intenable

Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, a pu limiter la hausse de l’euro en se contentant de rappeler aux marchés qu’un nouvel assouplissement était possible. Mais si la BCE reste inactive, ce discours conciliant ne suffira pas à freiner l’euro.

Techniquement, la Banque centrale européenne n’a rien fait lors de sa réunion mensuelle en mai. En dépit de nombreuses discussions sur le fait que le mois de mai pourrait finalement être celui d’une nouvelle incitation financière, les décideurs politiques se sont non seulement abstenus de toucher aux taux d’intérêt, mais n’ont pas non plus réussi à faire adopter le programme d’assouplissement quantitatif que beaucoup espéraient. En revanche, le président de la BCE, Mario Draghi, a fait ce qu’il sait faire de mieux – il a multiplié les promesses rassurantes de préparation. Cette approche lui a plutôt réussi jusqu’à maintenant, mais il est peu probable que les discours seuls gardent les marchés sous contrôle encore bien longtemps. Et notamment en ce qui concerne l’euro : les indicateurs cycliques semblent solides, l’excédent de la balance courante est proche de son record et les investisseurs étrangers investissent massivement dans les actions européennes. Selon toute probabilité, l’euro devrait s’apprécier – et si la BCE continue ses paris, il est probable que c’est ce qui se passera.

Un nouveau sentiment d’urgence

Qu’a dit Mario Draghi exactement ? Il a annoncé que le Conseil des gouverneurs de la banque centrale était « unanime dans sa détermination » à recourir à des outils monétaires hétérodoxes comme l’assouplissement quantitatif pour donner un coup de pouce à l’inflation actuelle de 0,7%, afin qu’elle se rapproche de l’objectif de 2% fixée par la BCE. En outre, il a également évoqué un calendrier : ce pourrait être dès juin. La déclaration traduit un nouveau sentiment d’urgence de la part d’une institution réticente à prendre des mesures depuis sa dernière réduction des taux en novembre 2013, en dépit d’un chômage obstinément haut et d’une inflation qui reste basse. Mais qu’il l’ait réalisé ou non, Mario Draghi – l’homme qui a calmé à lui seul des investisseurs paniqués en 2012 en clamant que la banque centrale ferait « tout ce qu’il faudrait » pour préserver l’union monétaire – a peut-être joué sa dernière carte dans sa tentative de maintenir l’euro dans une étroite fourchette de négociation par rapport au dollar.

L’inflation – ou son absence – pourrait pousser la BCE à agir

Le Credit Suisse ne prévoit toujours pas d’annonce d’un assouplissement quantitatif, mais les analystes estiment qu’une nouvelle réduction des taux, éventuellement combinée à de nouvelles mesures de liquidité, ne peut être exclue. Qu’est-ce qui pourrait pousser la BCE à agir ? L’inflation. Ou, plus précisément, son absence. Les taux d’inflation annuels n’ont pas dépassé 1% depuis septembre 2013, ce qui suggère une faible demande des consommateurs, même si Mario Draghi a raison : le risque imminent de déflation est faible. Mais le Credit Suisse pense que la banque centrale est susceptible d’agir si elle est forcée de réviser à la baisse ses prévisions d’inflation de 1,5% en 2016 en juin.

Une nouvelle hausse de l’euro pourrait en être la cause : la monnaie unique a progressé de 1,5% par rapport au dollar après un creux à la mi-février, et de 5,6% depuis l’année dernière. D’après les analystes en devises du Credit Suisse, si l’euro continue de s’apprécier par rapport au dollar — par exemple à 1,44 $, contre 1,38 $ actuellement – il pousserait probablement les prévisions d’inflation pour 2016 considérablement à la baisse. Cela contribue à expliquer, au moins en partie, l’allusion de Mario Draghi à une action en juin, laquelle a entraîné une légère contraction de l’euro par rapport au dollar depuis la réunion de la BCE. Mais, selon le Credit Suisse, il faudrait un véritable changement de politique pour affaiblir la monnaie, dans la mesure où l’amélioration des facteurs économiques soutient plutôt l’hypothèse d’une hausse.

La zone euro a connu une croissance relativement solide de son PIB en glissement annuel, à 0,5% au premier trimestre, et la croissance des ventes de détail tout comme la production combinée des services et des secteurs de fabrication ont atteint des niveaux record depuis trois ans en mars. Le Portugal, l’Irlande et l’Espagne sont tous sortis plus forts de leurs sauvetages par rapport à l’année dernière, et la Grèce a même pu revenir sur les marchés obligataires internationaux en avril. Le Credit Suisse s’attend également à ce que la demande mondiale reprenne au second semestre de l’année, notamment aux Etats-Unis, ce qui devrait accentuer la demande d’exportations européennes.

Les seuls discours d’apaisement ne suffiront pas à contenir la hausse de l’euro bien longtemps

L’euro est confronté à une pression haussière sur deux autres fronts. Premièrement, la zone euro a enregistré un excédent de la balance courante de 21,9 milliards d’euros (30,1 milliards de dollars) en février, à peine moins que son excédent record de 25,3 milliards d’euros (35 milliards de dollars) en janvier. Deuxièmement, les analystes en devises du Credit Suisse remarquent que, depuis 2010, les actifs libellés en euros (notamment les actions) ont eu la faveur des investisseurs étrangers en raison de la faiblesse des taux d’intérêt et de l’amélioration régulière des marchés de la périphérie. Les analystes en actions de la banque tablent sur un indice EuroStoxx 50 à 3’600 d’ici à la fin de l’année, soit 12% de plus que les niveaux actuels.

Jusqu’à maintenant, Mario Draghi a pu limiter la hausse de l’euro en rappelant simplement aux marchés la possibilité d’un nouvel assouplissement de la part de la banque centrale. Mais si la BCE et son président restent inactifs, ce seul discours conciliant ne suffira pas à endiguer la hausse de l’euro bien longtemps.

Ashley Kindergan , Mai 2014

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