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Zone euro : cri d’alarme

L’union monétaire dans sa forme actuelle ne fonctionne pas. Pire, nous arrivons rapidement à un stade où elle met en danger les acquis positifs de la construction européenne. L’euro ne devrait pas être maintenu, du moins pas dans sa forme actuelle…

Malheureusement, la plupart des hommes politiques au pouvoir restent enfermés dans un raisonnement consistant à considérer que la monnaie unique doit coûte que coûte être défendue. Il n’est dès lors pas étonnant de les voir peindre des scénarios catastrophes en cas d’éclatement partiel ou total de l’euro.

En réalité, ces scénarios catastrophes sont justement en train de se réaliser, notamment en Europe du Sud. Les dépôts bancaires sont en chute libre en Espagne et en Grèce, de nombreux épargnants retirant leurs euros pour les déposer auprès d’une banque ’du Nord’. Les investissements privés se sont arrêtés étant donné qu’aucun entrepreneur n’est prêt à lancer des projets dans le contexte d’incertitude actuel. La consommation s’effondre à la suite des mesures d’austérité et de la montée du chômage. Les derniers indicateurs économiques montrent d’ailleurs que ces tendances ne se limitent plus aux pays du Sud mais touchent également de plus en plus les pays européens jusqu’alors moins affectés par la crise, voire le reste du monde. L’ incapacité des dirigeants européens à gérer la crise risque ainsi de provoquer une catastrophe économique.

La capacité des autorités à essayer de gagner du temps à travers des demi-mesures est aujourd'hui en train de s'évaporer et leur crédibilité auprès des marchés financiers est fortement ébranlée.

L’harmonie politique entre pays, indispensable au bon fonctionnement de l’Europe, s’évapore. Il n’existe en fin de compte que 2 solutions  : accepter une union fiscale ou abandonner l’union monétaire. De nombreux observateurs proposent l’émission d’euro-obligations (obligations émises et garanties solidairement par les Etats membres de la zone euro) et la mise en place d’une Union bancaire avec garantie commune des dépôts comme premiers pas vers une union fiscale. Ces propositions sont notamment revenues après que la France s’est définitivement rangée parmi les pays du Sud avec l’élection de François Hollande dont une des premières mesures a été de réduire l’âge de la retraite en pleine crise des déficits publics.

Mais est-ce que émission d’euro-obligations, Union bancaire, voire même union fiscale seraient vraiment une solution à la crise ? Il est à cet égard utile de se rappeler certains faits :
- la Grèce, le Portugal, l’Espagne etc. ne vont pas pouvoir se financer à des conditions raisonnables dans le marché dans un avenir prévisible. Les investisseurs privés savent que le niveau d’endettement de ces pays n’est pas soutenable et qu’en cas de restructuration de leur dette, leurs droits seront arbitrairement subordonnés à ceux d’investisseurs institutionnels tels que la Banque centrale européenne ;
- les besoins de financement énormes de ces pays devront donc être financés soit directement par la Banque centrale européenne, soit par une entité paneuropéenne ayant un accès quasi-illimité à des prêts de la BCE, en accordant par exemple un statut de banque au European Stability Mechanism (ESM) ;
- les estimations réalistes sur les besoins en resources d’une telle entité font état d’un montant d’au moins 4000 milliards d’euros. L’Allemagne devrait garantir une grande partie de ce montant, d’autant plus que les pays ayant besoin de capitaux ne peuvent pas être considérés de manière sérieuse comme garants d’une telle entité. Pour comparaison, la dette publique actuelle de l’Allemagne s’élève à environ 1500 milliards d’euros. Elle risquerait dès lors de quasiment doubler du jour au lendemain ;
- les pays du Sud ont 3 problèmes liés entre eux : un endettement trop élevé, un système bancaire insolvable ET un déficit extérieur trop élevé. Ce dernier point est trop souvent oublié. L’Europe du Sud n’est plus compétitive, ce qui se traduit par des déficits extérieurs, et donc un besoin de capitaux externes, élevés. Pour redevenir compétitifs, ces pays auraient par le passé opté pour une dévaluation de leur monnaie. Cette solution n’est pas possible tant qu’ils sont enfermés dans l’euro. Il ne reste dès lors que la voie d’une ’dévaluation interne’, ce qui veut dire réduction des salaires et montée du chômage (surtout chez les jeunes). L’émission d’euro-obligations ou une union fiscale ne ferait rien pourremédier à cette situation ;
- l’austérité fiscale à elle toute seule ne fonctionne pas. L’impact négatif sur la croissance de cette austérité est telle que les pays concernés perdent plus d’un côté (en recettes fiscales) que ce qu’ils gagnent de l’autre (en réduction des dépenses publiques, en supposant qu’ils soient vraiment prêts à mettre en place des coupes budgétaires). En d’autre mots, au lieu de s’améliorer, le ratio dette publique/Produit Intérieur Brut se détériore, le dénomminateur reculant plus vite que le numérateur. La capacité des ces pays à servir leur dette s’en trouve amoindrie ;
- la solution de facilité réclamée par les pays du Sud, les marchés financiers et de nombreux économistes risquerait cependant d’avoir des conséquences désastreuses sur le moyen et long terme, et notamment pour les générations futures. Cette solution consiste en gros à mutualiser les dettes des pays europééens pour ensuite les monétiser en permettant, directement ou indirectement, à la Banque centrale européenne d’imprimer de la monnaie à tort et à travers. La crise de la zone euro est en effet avant tout aussi une crise de l’Etat-providence que les pays européens n’arrivent tout simplement plus à financer. La chancelière Merkel a dès lors raison de s’opposer à cette solution de facilité et de maintenir la pression pour obliger les pays de la périphérie à procéder à des réformes structurelles. Il est toutefois à craindre qu’elle soit obligée à faire de plus en plus de concessions surtout au cas où elle devait faire face à une montée de critiques venant de son propre pays, maintenant que l’économie allemande commence à sentir les effets de la crise.

Si sauver l’euro était une fin en soi, une union fiscale rapide serait une solution. Le but devrait néanmoins être d’arriver à une situation qui "maximisera le bien-être du plus grand nombre de citoyens" (pour citer Woody Brock, fondateur et président de la société Strategic Economic Decisions) et offrira notamment des perspectives aux générations futures. Ce but ne pourra pas être atteint si l’union fiscale intervient avant la mise en place des réformes structurelles nécessaires dans les pays de la zone euro. Dans un tel scénario, une union fiscale équivaudrait simplement à un transfert permanent de capitaux de certains pays vers d’autres.

Maintenir ou non l'euro dans sa forme actuelle est en fin de compte une décision politique.

Il en était de même pour l’introduction de la monnaie unique. A l’époque, la décision a été prise contre le bon sens économique.

Guy Wagner , Juin 2012

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  • Zone euro : cri d’alarme 21 juin 2012  10:29, par livermore [Corporate]
    <p>Une union budgétaire n’est pas envisageable au regard des mentalités et oppositions européennes qui se sont traduites par des siècles de conflits. Des divisions fortes existent et même si les politiques et les initiés sont conscients de la direction à prendre, ils ne pourront l’imposer à leurs peuples qui n’en veulent pas. En clair, une explosion de la zone euro est à mon sens, inévitable. L’important étant d’arrêter de se voiler la face et d’essayer de différer cette échéance à grands coups de milliards d’euros, qui ne font qu’hypothéquer un peu plus les générations futures.</p>

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