Réforme de la fiscalité du patrimoine

Si les grandes lignes ont été arrêtées le 12 avril, son contenu exact ne devrait être connu que le 11 mai lors de la présentation du projet de loi en conseil des ministres. Le contenu définitif de la loi dépendra des éventuels amendements qu’apportera le parlement au texte présenté par l’exécutif. Le vote définitif devrait intervenir en juillet.

Pour autant, un certain nombre de mesures paraissent aujourd’hui certaines. En premier lieu, la suppression du bouclier fiscal. Toutefois, si le principe est acquis rien n’a été dit sur la date d’entrée en vigueur de cette suppression. La question qui se pose est donc de savoir si le bouclier fiscal s’appliquera encore en 2012 au titre des revenus 2010. La logique voudrait que ce dispositif soit maintenu en 2012 au titre des revenus 2010 et des impôts payés en 2011. Toutefois, le gouvernement a annoncé que des adaptations pourraient être apportées à l’ISF dès 2011. Si tel devait être le cas, il est à craindre que le bouclier fiscal ne s’appliquera plus dès 2012.

Il est également certain que l’ISF n’est pas supprimé mais simplement aménagé. Le barème actuel dont le seuil d’entrée est de 800 000 € et qui se compose de 6 tranches va être remplacé par un barème simplifié. Le nouveau seuil sera de 1 300 000 € et le barème ne comportera plus que deux tranches ; 0.25% pour les patrimoines inférieurs à 3 000 000 € ; 0.50% pour les patrimoines supérieurs à ce montant. Ces taux s’appliqueront dès le premier euro. Un redevable disposant d’un patrimoine de 2 500 000 € paiera donc 6 250 € contre 11 642 € avec le barème actuel. Celui qui déclare un patrimoine de 5 000 000 € paiera 25 000 € contre 38 922 € actuellement. Un dispositif de décote pourrait être prévu afin d’atténuer les effets de seuil. En outre, la date de dépôt de la déclaration 2011 pourrait être repoussée en septembre afin d’intégrer dès cette année certaines de ces modifications. Il semble en particulier qu’il soit envisagé de supprimer dès cette année la première tranche.

Cette refonte du barème s’accompagnera de la suppression du dispositif de plafonnement. Lors d’une réunion tenue à BERCY le 3 mars, il avait été indiqué que le dispositif de réduction d’impôt pour investissement dans les PME serait également supprimé. Il semble qu’en définitive il pourrait être maintenu mais ses effets seraient limités. Enfin, les règles d’assiette devraient rester inchangées. La résidence principale bénéficierait donc toujours d’un abattement de 30%, les biens professionnels et les œuvres d’art resteraient exonérés totalement, les bien ruraux et les titres faisant l’objet d’un engagement de conservation (pacte DUTREIL) demeureraient exonérés partiellement.

Au total, tous les redevables de l’ISF devraient voir leur imposition diminuer à l’exception de ceux qui étaient bénéficiaires du bouclier fiscal qui devraient être les perdants de cette réforme.

Pour financer la réforme le gouvernement a décidé d’alourdir la fiscalité des donations et des successions. Cet alourdissement prendrait 3 formes. Tout d’abord, le délai de non-rappel fiscal des donations qui avait été ramené de 10 ans à 6 ans en 2006 serait à nouveau porté à 10 ans. Cela signifie qu’un parent qui a consenti une donation de 150 000 € à son enfant en 2007 devrait attendre 2017 pour utiliser à nouveau l’abattement contre 2013 jusqu’à présent. Ensuite les réductions de droits applicables aux donations seraient purement et simplement supprimées. Rappelons qu’actuellement lorsque le donateur est âgé de moins de 70 ans et qu’il consent une donation en pleine propriété, une réduction de 50% est applicable. Enfin, les taux des deux dernières tranches du barème applicable en ligne directe seraient relevés de 5 points. Elles passeraient donc à 40% et 45% contre 35% et 40% actuellement.

Par ailleurs, le gouvernement envisage de ré-instaurer une « exit-tax » qui s’appliquerait à certaines plus-values sur valeurs mobilières réalisées par les non-résidents. Aucun détail n’a été donné sur cette mesure. Toutefois, son instauration pourrait se heurter à des obstacles juridiques. En effet, une « exit-tax » a déjà existé par le passé. Elle avait dû être supprimée en 2005 car elle avait été considérée comme contraire au principe communautaire de libre établissement par la Cour de justice des communautés européennes et par le Conseil d’Etat. Au surplus, la France a signé avec la plupart des pays des conventions fiscales et certaines de ces conventions interdisent à la France de taxer une plus-value sur valeurs mobilières réalisée par un non résident français.

Enfin, ajoutons que l’assurance-vie ne devrait pas être touchée par cette réforme mais pourrait, au contraire, en ressortir renforcée. En effet, rappelons que les capitaux décès dus au titre des primes versées avant 70 ans sont exonérés dans la limite de 152 500 € par bénéficiaire et supportent au-delà une taxation forfaitaire de 20%. Compte tenu du durcissement de la fiscalité sur les donations et les successions, l’assurance-vie deviendrait comparativement plus avantageuse.

Stéphane Jacquin , Avril 2011

Partager
Envoyer par courriel Email
Viadeo Viadeo

© Next Finance 2006 - 2024 - Tous droits réservés