Quitter l’Union Européenne ? Une option peu raisonnable !

Selon Simon Hayley, le choix de certains Etats affectés par la crise de quitter la zone euro serait un remède pire encore que la maladie elle-même...

Il y a quelques mois, Paul Krugman estimait que la seule alternative pour la Grèce était la sortie de la zone euro

Plus récemment, Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel et ancien économiste en chef de la Banque Mondiale faisait la même analyse concernant la Grèce mais aussi l’Espagne, qui selon lui, pourrait tomber dans la spirale délétère qui a frappé l’Argentine il y a dix ans. « Ce n’est que lorsque l’Argentine a rompu la parité de sa monnaie avec le dollar qu’elle a commencé à retrouver la croissance et que son déficit budgétaire a diminué » suggère t-il.

Au sujet de la monnaie unique, Joseph Stiglitz déclarait que la différence des politiques convenant aux pays enregistrant des excédents commerciaux élevés, en particulier l’Allemagne, et ceux déficitaires comme l’Irlande, le Portugal et la Grèce, impliquait que l’euro subisse des tensions intenses et pourrait ne pas y survivre. Il suggérait qu’une façon de sauver l’euro serait que l’Allemagne quitte la zone euro, permettant ainsi à la monnaie de dévaluer, contribuant ainsi à renforcer les exportations.

Ces analyses laissent perplexe Simon Hayley, Professeur de finance à Cass Business School [1], qui s’interroge sur l’intérêt de quitter l’Union Economique et Monétaire européenne (UEM) pour les pays en faillite.

« Certains suggèrent que la meilleure solution pour régler les problèmes fiscaux et économiques actuels serait que les Etats-membres les plus affectés quittent la zone euro et retrouvent leur ancienne monnaie. Cependant, cette proposition minimise considérablement les problèmes engendrés par un tel choix.

Premièrement, il n’existe pas de retour aux monnaies pré-euro possible : elles ont cessé d’exister le jour où les Etats ont intégré l’UEM. Quitter l’UEM impliquerait la création d’une toute nouvelle monnaie.

De plus, quitter l’UEM ne saurait être une alternative aux carences gouvernementales. Au contraire, cela pourrait accroître d’autant plus les défauts de paiements. Il n’est pas inutile de rappeler combien les coûts de l’emprunt auprès des pays en périphérie de la zone euro a chuté au moment de l’entrée dans l’UEM, ce qui écartait de fait la menace d’une dévaluation monétaire. Les coûts de l’emprunt augmenteraient donc de façon drastique pour un pays qui quitterait l’UEM. 

Qui plus est, toute dette gouvernementale a été convertie en euro lors de l’entrée dans l’UEM. Les obligataires n’accepteraient pas de remboursement dans une monnaie qui vient tout juste d’être créée. Cela reviendrait à un défaut de paiement selon eux.

Les problèmes fiscaux d’un pays quittant l’UEM ne s’en trouveraient pas améliorés, bien au contraire. Sa nouvelle monnaie se déprécierait fortement face à l’euro, car booster la compétitivité par la dévaluation serait l’un de ses principaux objectifs. Ce gouvernement aurait alors à rembourser sa dette en euro avec des recettes fiscales dépréciées.

En outre, ce gouvernement ne serait pas le seul à en souffrir. Certaines entreprises (y compris les banques) verraient leur bilan touché par des réévaluations inattendues de leurs actifs et passifs, provoquées par le retour à un risque monétaire dont ils pensaient s’être débarrassés.

Pour toutes ces raisons, quitter l’UEM apparaît comme une option peu raisonnable : un remède pire encore que la maladie elle-même.

Quitter l’UEM permettrait aux pays concernés de booster leur compétitivité en dévaluant leurs monnaies, mais le coût du désordre financier qu’il provoquerait laisse peu de chance à cette éventualité.

Le statu quo actuel n’est pas pour autant une bonne posture ; ces Etats font face à des années de restriction budgétaire et de chômage élevé. Le seul bon côté des choses, c’est que les pays de l’UEM avec un PIB par habitant en dessous du PIB moyen de la zone euro ont encore de la marge pour booster leur compétitivité à l’intérieur de l’UEM s’ils arrivent à rattraper leur niveau de production. Pendant plusieurs années, la volonté politique pour engager une réforme du marché de l’emploi et la dérégulation a manqué. Nous ne pouvons qu’espérer que la crise donne l’élan nécessaire pour faire ces changements, même si la transition sera longue et douloureuse, comme ce fut le cas en Grande-Bretagne dans les années 80 » argumente t-il.

Next Finance , Octobre 2010

Notes

[1] A propos de Cass Business School :
Situé au cœur de l’un des principaux centres financiers du monde, Cass profite de sa position unique pour être le « hub » intellectuel de la City à Londres. L’école propose un MBA, des masters spécialisés et des bachelors avec une réputation d’excellence. L’école arrive en 3ème position des meilleurs business schools anglaise. L’Executive MBA est classé 21ème dans le classement du Financial Times.

Avec plus de 100 doctorants, l’Ecole mène des projets de recherche d’envergure internationale. Elle abrite les plus grands départements de finance et d’actuariat d’Europe ainsi que 17 centres de recherche dans des secteurs tels que la gestion du risque, les investissements alternatifs, les sciences actuarielles et la finance internationale. La recherche en finance à Cass a été classée comme la 2ème au niveau européen et la 4ème dans le monde, hors les Etats-Unis, par le Financial Management Magazine, et la recherche en assurance et risques en 2ème au niveau mondial par le Journal of Risk and Insurance.

Pour plus d’informations, consulter : www.cass.city.ac.uk

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