« Non ! Monsieur Sarkozy, les hedge funds ne sont pas à l’origine de la crise des subprimes »

C’est ce qu’affirme Noël Amenc, directeur de l’Edhec Risk and Asset Management Center

Dans un rapport intitulé « Trois leçons à tirer de la crise des subprimes : Une réponse française aux critiques françaises », ce spécialiste de la finance répond aux critiques estivales de Nicolas Sarkozy.

Il y a quelques semaines, après le mini krach du 16 août 2007, qui voyait le CAC 40 perdre plus 3,36% et terminer à son niveau le plus bas de l’année, Nicolas Sarkozy montait au créneau pour dénoncer selon lui les fossoyeurs du capitalisme, les fameux hedge funds. A ses yeux, ils étaient responsables de la dégringolade des marchés financiers et de la crise des crédits immobiliers aux Etats-Unis.

Depuis sa villégiature de Wolfeboro où il séjournait en vacances, le président français précisait aux micros de RTL : « Je suis attaché à la liberté, mais la liberté, ce n’est pas la loi de la jungle. Il faut qu’il y ait de la transparence et de la régulation".

Se disant favorable à "une économie qui fasse toute sa place aux créateurs et aux salariés, pas aux spéculateurs", il préconisait d’imposer un minimum de règles ». "On ne peut pas continuer comme ça avec quelques hedge funds qui empruntent à n’importe quel prix, à n’importe qui, sans qu’on sache à qui (...) dans n’importe quelle condition", dénonçait-il.

Nous faire croire que ce sont les hedge funds qui auraient provoqué cette crise est une explication simpliste mais attrayante
Noël Amenc

Dans un rapport de 24 pages publié par l’Edhec Risk and Asset Management Center, le Professeur Noël Amenc prend le contre-pied à cette offensive en règle contre les hedge funds.

« Nous faire croire que ce sont les hedge funds qui auraient provoqué cette crise (...) est une explication simpliste mais attrayante car elle permet de facilement désigner un coupable parce que spéculateur, non régulé et peu transparent, en évitant les questions plus délicates sur le fonctionnement des marchés et de la réglementation », affirme-t-il.

Face aux critiques et notamment celles émanant des politiciens français, il lui est apparu nécessaire d’apporter un autre point de vue français sur les enseignements à tirer de cette crise...

Selon Noël Amenc, les hedge funds ne sont pas responsables de l’actuelle crise financière : « La chute de la valeur des ABS (Asset-backed securities) a entraîné une crise de confiance qui s’est rapidement répandue sur l’ensemble du marché du crédit, affectant même le marché des obligations dit ‘investment grade’. Le problème vient du fait que les banques, pas les hedge funds, ont été affectées par des investissements massifs dans les ABS et les produits structurés de crédit qui sont devenus illiquides. Ce faisant, certaines sont apparues insolvables à leur contrepartie sur le marché interbancaire. »

D’autre part, poursuit-il, « ce sont les fonds investis sur les produits dérivés de crédit, ceux qui ont respecté la réglementation imposée par les Autorités des Marchés Financiers (AMF) et censés être les plus liquides qui ont le plus pâti de la crise ».

En fait, la crise de confiance a été causée par l’arrêt inattendu de la cotation, des entrées et des retraits sur les fonds dit « dynamiques » par des banques majeures.

Selon lui, « la réglementation de ces fonds d’investissement n’a absolument pas tenu compte du risque d’illiquidité majeur pouvant accompagner le risque de défaut associé aux produits dérivés de crédit ».

« Les nouvelles réglementations en cours IFRS et Solvency II, qui bannissent la volatilité et pénalisent la prise de risque, auront deux conséquences », prévient Noël Amenc, « au mieux, elles dissuaderont les investisseurs de prendre des risques. D’un point de vue micro-économique, les souscripteurs d’assurance paieront une prime plus importante pour se protéger. D’un point de vue macro-économique, cette approche entraînera la disparition d’investisseurs institutionnels capables de prendre des risques, un phénomène qui découragera l’investissement en capital dans les sociétés et, plus généralement, conduira à la création de rentier économique avec des conséquences sociales désastreuses. »

Dans le pire des cas, conclut-il, « l’industrie financière tentera de contourner ces règles à travers une sophistication de l’ingénierie financière. Cette crise estivale en est un signe avant-coureur ».

Une analyse pertinente, à transmettre au plus tôt, aux hommes politiques français et européens qui, dans leur aveuglement « réglementaire » risquent malheureusement de passer à côté des vrais problèmes.

Next Finance , Octobre 2007

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