Les quatre issues envisageables de la crise de la zone euro

Mike Story, économiste chez Western Asset Management, analyse les conséquences des 4 issues envisageables pour la zone euro qui sont l’absence de restructuration, la restructuration ordonnée, restructuration désordonnée ou l’implosion…

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Pour Mike Story, économiste chez Western Asset Management, filiale de Legg Mason, les faits sont clairs : Les États grec et portugais sont insolvables. Ils ne peuvent s’extraire du piège de la dette publique, ce qui se traduira par des décotes significatives.

Selon lui l’Espagne et l’Italie sont solvables mais sont confrontées à une crise de la liquidité. Si la situation de l’Irlande s’améliore, le pays ne pèse pas lourd dans le système européen contrairement à l’Espagne et l’Italie qui sont des piliers de l’Europe. « Nous sommes prisonniers d’un mauvais équilibre dans lequel la solvabilité est tributaire du niveau de liquidité. Les injections de liquidités permettent de gagner du temps. La frontière entre les problèmes de liquidité et de solvabilité est devenue ténue. En dépit de la sous-capitalisation et des difficultés de financement des banques, la crise n’est pas de nature bancaire. Son origine est imputable à des failles dans l’union monétaire européenne. La seule solution viable serait la mise en place d’une sorte d’union budgétaire, au travers d’un certain nombre de mesures comme l’émission d’euro-obligations, un mécanisme de transfert budgétaire et/ou une synchronisation des réglementations bancaires. L’intégration budgétaire permettrait aux pays plus solides et solvables, de venir en aide aux pays plus fragiles, moins solvables. L’intégration budgétaire serait conçue pour combler une faille dans l’union monétaire européenne : l’hétérogénéité des cycles économiques des pays de la zone euro. L’intégration budgétaire est nécessaire pour lisser ces disparités conjoncturelles. En réalité, l’avenir de l’intégration budgétaire est entre les mains de l’Allemagne, qui doit décider ou non de s’engager sur cette voie » analyse Mike Story.

Selon lui, les quatre issues envisageables de la crise de la zone euro sont :

Scénario 1 : absence de restructuration au sein de la zone euro
- Il s’agit du scénario le plus optimiste. Les 17 membres resteraient tous dans la zone euro. Les États accepteraient de respecter des « règles d’or » — modifications de la loi sur l’équilibre budgétaire —, ce qui se traduirait par une meilleure discipline (l’Allemagne a déjà une telle disposition dans sa Constitution. La France est en train de l’envisager, et l’Espagne et l’Italie s’orientent vers l’adoption d’amendements sur l’équilibre budgétaire).
- L’application du Pacte de Stabilité et de Croissance en serait renforcée.
- Les « règles d’or » et les changements concernant le Pacte de Stabilité et de Croissance représenteraient ainsi des catalyseurs de la mise en œuvre d’une union budgétaire.
- La Grèce et le Portugal feraient défaut (décotes de 70%) mais resteraient au sein de la zone euro.
- Les conséquences seraient un effondrement des primes de risque et un retour d’un fort appétit pour le risque.

Scénario 2 : restructuration ordonnée de la zone euro
- Dans le cadre de ce scénario, les dirigeants européens (banquiers centraux et argentiers européens) déploieraient d’importants efforts afin d’assurer la stabilité du marché.
- Les « règles d’or » ne représenteraient pas des catalyseurs suffisants de la mise en oeuvre d’une union budgétaire garantissant la cohésion de la zone euro. L’intégration budgétaire se ferait, mais une fois que la Grèce et le Portugal en soient exclus à l’issue de pourparlers. Les défauts feraient alors l’objet de négociations.
- Des pare-feu seraient érigés autour de l’Espagne et de l’Italie.
- Les conséquences seraient des primes de risque plus volatiles mais se réduisant avec le retour d’un léger appétit pour le risque et une dépréciation potentielle de la dette subordonnée des banques (à un niveau toutefois supérieur à la valorisation du marché), sur une base volontaire.

Scénario 3 : restructuration désordonnée de la zone euro (improbable mais possible)
- Dans le cadre de ce scénario, les responsables politiques réagiraient mais n’auraient rien anticipé.
- La Grèce et le Portugal renonceraient alors aux mesures d’austérité et feraient défaut.
- Une autre possibilité serait que l’Allemagne leur refuse de nouvelles aides.
- La BCE augmenterait ses achats d’obligations espagnoles et italiennes afin de gagner du temps pour l’intégration budgétaire, qui aurait lieu après la crise.
- Les injections de liquidités empêcheraient une implosion pure et simple de la zone euro.
- Les conséquences seraient une envolée des primes de risque qui finiraient néanmoins par se stabiliser (même si elles resteraient supérieures aux moyennes de long terme) ; après un regain d’aversion du risque, les investisseurs redeviendraient moins frileux ; après une réplique de la crise de 2008, une situation similaire à celle de 2009 se mettrait en place avec une dépréciation de la dette bancaire subordonnée (justifiant la valorisation du marché).

Scénario 4 : implosion de la zone euro (extrêmement improbable)
- Un scénario à la Lehman Brothers se produirait : une onde de choc systémique se propageant très rapidement. L’effet domino serait tel que les responsables politiques ne seraient plus en mesure de réagir à temps.
- Ce scénario reste néanmoins extrêmement improbable, dans la mesure où jusqu’à présent les responsables politiques ont réagi en prenant des mesures (p.ex. achats d’obligations de la BCE, plans d’austérité en Italie et en Grèce, Fonds Européen de Stabilité Financière à vocation temporaire, Mécanisme Européen de Stabilité permanent).
- Les conséquences seraient une envolée des primes de risque, un effondrement de la dette bancaire subordonnée et une très forte aversion au risque.

En conclusions la Grèce a tout intérêt à rester au sein de l’Union monétaire européenne. « Si la Grèce renonçait à l’euro, elle devrait sortir de l’Union européenne et perdrait ainsi les avantages liés aux traités de libre-échange, ainsi que les autres prérogatives politiques, sociales et économiques que lui confère son appartenance à l’UE. Elle perdrait également son influence géopolitique (une question importante au regard de la problématique chypriote). Son économie ne se redresserait pas rapidement et pourrait même sombrer dans une sévère dépression. Les banques grecques s’enfonceraient dans le rouge, ce qui nécessiterait la mise en place de contrôles très stricts sur les mouvements de capitaux, afin d’empêcher leur fuite » explique Mike Story. « L’Allemagne a tout intérêt à venir en aide aux pays les plus fragiles de la zone euro au travers de l’intégration budgétaire, mais l’opinion publique allemande y est largement opposée. L’Allemagne prendra-t-elle la bonne décision ? ».

Face à cette situation, Mike Story se prépare à une dépréciation progressive de l’euro et conseille de sous-pondérer l’euro dans les portefeuilles européens et mondiaux.

Next Finance , Octobre 2011

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