Les euro-obligations écartées pour combien de temps ?

L’introduction des euro-obligations, soutenues collectivement par tous les pays de la zone euro a été présentée comme un moyen pour réduire le fardeau des pays concernés par la crise de la dette souveraine. Ce n’est pour le moment pas l’avis des autorités allemandes…pour combien de temps ?

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La chancelière allemande Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy ont indiqué lors de leur dernière rencontre mardi que la discussion sur la mise en place des euro-obligations ne pourrait avoir lieu une fois le processus d’intégration fiscale et budgétaire totalement achevé.

L’Allemagne est convaincue qu’une telle action exacerberait ses propres coûts d’emprunt et empêcherait les pays en détresse de mener des réformes structurelles nécessaires.

L’Espagne et l’Italie, qui ont salué mercredi la proposition franco-allemande d’une plus grande intégration économique de la zone euro, espèrent que la création d’euro-obligations sera au bout de ce processus. Les deux pays, dont les marchés redoutent qu’ils fassent un jour défaut, souffrent de taux d’emprunts plus élevés que la France et l’Allemagne, les deux premières économies du bloc monétaire.
« Plus nous avançons vers l’intégration de la politique économique, plus nous nous approchons de l’idée d’euro-obligations », a dit le porte-parole du parti socialiste au pouvoir en Espagne, José Blanco, à la radio publique.
En Italie, le chef du groupe parlementaire du Peuple de la liberté, parti du président du Conseil Silvio Berlusconi, a affirmé que le gouvernement était sur la même longueur d’ondes que les dirigeants français et allemand. « Nous espérons que Merkel sera convaincue de l’utilité des euro-obligations en septembre », a toutefois ajouté Fabrizio Cicchitto.

Pour les investisseurs financiers, la mise en route de ces obligations parait inévitable. Selon financier américano-hongrois, George Soros, âgé de 81 ans, les pays européens doivent aller beaucoup plus loin. Dans une interview accordée au journal Le Monde, le patron du Soros fund Management estime que l’euro est en danger. « La situation est grave et les autorités commencent seulement à prendre la chose au sérieux. Jusqu’à présent, elles ne faisaient que répondre aux pressions des marchés. Maintenant, elles se mettent à discuter de solutions de long terme. Aujourd’hui, on n’a pas d’autre choix que d’améliorer la gouvernance de la zone euro. La question n’est plus de savoir s’il faut une monnaie unique ou non. L’euro existe et s’il s’effondrait, cela se traduirait par une crise bancaire totalement hors de contrôle. Le monde plongerait alors dans une profonde récession. Nicolas Sarkozy a eu raison de dire, mardi, que les euro-obligations doivent être envisagées à la fin du processus. Cela doit être l’objectif. Pour sortir de l’ornière, les pays membres doivent se financer à un coût raisonnable. Les euro-obligations sont le meilleur moyen d’y parvenir. Mais le diable est dans les détails ! Par qui, comment et dans quelle quantité ces titres doivent-ils être émis ? Tout cela doit être discuté. Et cela ne suffit pas. Avec toutes les discussions sur les euro-obligations, on en oublie l’état du système bancaire européen lui aussi en crise. Les établissements sont trop fragiles. Ils sont sous-capitalisés et détiennent beaucoup de titres de dettes européennes, jusqu’ici considérés comme des produits sans risque. Ce n’est évidemment plus le cas. En particulier concernant les titres espagnols et italiens. Il faut lever ce risque avec des euro-obligations et recapitaliser les banques. Elles ont des difficultés à se prêter entre elles et coupent leurs lignes de crédits. Cela pousse l’Europe dans la récession » a-t-il indiqué.

Dans un entretien accordé au quotidien belge Le Soir, Jacques Delors, ancien ministre français des Finances, 86 ans, estime que le sommet franco-allemand de mardi dernier n’a pas apporté les réponses nécessaires à la crise de la dette lorsqu’il a refusé de lancer des euro-obligations. L’euro et l’Europe sont au bord du gouffre, estime l’ancien président de la Commission européenne Jacques Delors, qui fut un des pères fondateurs de la monnaie unique lors de la rédaction du traité de Maastricht.
« Pour ne pas tomber, le choix me paraît simple : soit les Etats membres acceptent la coopération économique renforcée, que j’ai toujours réclamée, soit ils transfèrent des pouvoirs supplémentaires à l’Union. La seconde option étant refusée par une majorité des Vingt-sept, reste la première... », ajoute-t-il. Mardi dernier, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont notamment proposé de créer un gouvernement économique de la zone euro, qui se réunira au moins deux fois par an avec un président stable, et une taxation des transactions financières. « Tel quel, cela ne servira à rien. Le dialogue franco-allemand se poursuit et je m’en réjouis, mais Mme Merkel, une fois encore, n’a fait aucune concession sur le fond ». Jacques Delors propose de mutualiser partiellement les dettes des Etats jusqu’à hauteur de 60% de leur produit intérieur brut, le seuil maximal retenu dans le Traité de Maastricht pour la participation à la monnaie unique. Ces euro-obligations sont selon lui indispensables.
« Comment peuvent-ils penser que les marchés vont croire aux promesses du sommet de la zone euro, le 21 juillet, s’il faut attendre la fin de septembre pour les transformer en actes ? », demande l’ancien président de la Commission européenne. Si la crise de la dette ne peut être résolue, l’Europe se délitera et deviendra un simple espace de libre-échange, ajoute-t-il.

François Fillon, premier ministre français, a réagi ce vendredi, estimant que des euro-obligations renchériraient le coût de la dette de la france et pourraient remettre en cause sa notation. Selon lui, des euro-obligations ne peuvent se concevoir sans une intégration économique sur laquelle il n’y a aucun consensus. Il appelle plutôt à l’unité et au sens des responsabilités de toutes les formations politiques sur la règle d’or.

Next Finance , Août 2011

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