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Le Royaume-Uni n’arrive pas à redémarrer. Quelles perspectives à plus long terme ?

Selon Patrik Schöwitz, stratégiste chez JP Morgan Asset Management, une dégradation éventuelle de la notation du Royaume-Uni pourrait paradoxalement lui être bénéfique…

L’économie britannique est toujours en difficulté, comme en témoigne la récession du premier semestre 2012. Le marché des actions a également performé de manière décevante au Royaume-Uni, l’indice FTSE-100 n’ayant progressé que de 4,3 % depuis le début de l’année, contre 10,5 % pour l’indice pan-européen DJSTOXX600 et près de 14 % pour l’indice S&P500. Certains observateurs deviennent cependant plus enthousiastes à l’égard des perspectives de l’économie britannique (et des actions) depuis la dernière hausse des sondages PMI, et à l’égard des perspectives relative à la croissance du PIB réel, qui pourrait ressortir en hausse d’environ 0,5 % sur le troisième trimestre. Nous restons cependant sceptiques mais sommes prêts à réviser notre jugement.

Si le momentum de l’économie y semble plus favorable à court terme que dans la plupart des pays européens, le rebond du PIB au troisième trimestre est probablement dû à une reprise technique des facteurs qui ont pesé sur la croissance en début d’année (le climat, le Jubilé de la Reine et les Jeux Olympiques). Pour l’année 2013, le consensus anticipe une croissance du PIB réel de l’ordre de 1 %, ce qui n’est certainement pas excitant mais sans aucun doute bien mieux que dans la plupart des pays de la zone euro. Pour mettre tout cela en perspective, il convient de noter que la production économique du Royaume-Uni se situe en termes réels 4 % en dessous de son sommet d’avant-crise, alors que les Etats-Unis et l’Allemagne sont 1,7 % au-dessus.

Mais qu’en est-il des perspectives à plus long terme ?

Le Royaume-Uni subit toujours les effets du cycle de désendettement pénalisant la croissance – comme c’est d’ailleurs le cas pour l’ensemble des pays occidentaux. Cela étant, il bénéficie de nombreux avantages. Tout d’abord, son premier atout est son statut de valeur refuge octroyé par les marchés obligataires, les taux de rendement de ses emprunts d’Etat étant à peine supérieurs à ceux des Etats-Unis.

La différence essentielle par rapport aux autres pays du continent, victimes de l’austérité, est sa capacité à imprimer sa propre monnaie. De ce fait, la probabilité d’un défaut brutal est très faible (les gentlemen préférant de loin le scénario du défaut latent induit par le retour de l’inflation).

Autre avantage (corrélé), la Banque d’Angleterre souhaite rompre (de manière tardive) avec l’orthodoxie économique qui régnait jusqu’alors, comme en témoigne l’engouement pour la mise en oeuvre de sa politique monétaire quantitative (son bilan s’étant accru de 350 % depuis 2008, soit bien plus que l’augmentation respective de 220 % de la Fed et de 170 % de la BCE). Elle n’a pas non plus hésité à expérimenter d’autres politiques notamment avec le programme Funding for Lending. Cela contraste fortement avec la politique budgétaire d’austérité mise en oeuvre par le gouvernement.

Le Royaume-Uni bénéficie d’un autre avantage avec la performance relativement robuste du marché du travail, caractérisé par une croissance relativement solide de l’emploi et un taux de chômage stabilisé autour de 8 % contre des taux de 25 % dans des pays également durement touchés par l’austérité comme l’Espagne (source ILO). Cela a aidé le gouvernement à poursuivre l’austérité. Cependant, un débat fait rage à propos de la faiblesse de la productivité du Royaume-Uni et de l’état réel des capacités disponibles, qui pourraient être sensiblement moins élevées. Cela pourrait en effet limiter l’ampleur du prochain assouplissement monétaire. David Blanchflower, un ancien membre du Comité de Politique Monétaire, expliquerait ce phénomène par le fait que de nombreux immigrés seraient rentrés chez eux (les fameux « plombiers polonais » à Londres), auquel cas la situation réelle de l’emploi serait nettement moins favorable. Etant donné qu’ils n’ont jamais eu l’intention de s’installer au Royaume-Uni, ils n’étaient pas enregistrés dans les chiffres de l’emploi en amont. Si cette explication s’avère juste, la productivité réelle du Royaume- Uni n’est probablement pas si mauvaise, et son attitude libérale à l’égard de l’immigration aurait en fait contribué à amortir le ralentissement économique dû à l’austérité budgétaire.

L’austérité – quelle austérité ?

Le gouvernement n’est malheureusement pas parvenu à assurer la maîtrise de son déficit budgétaire. L’Office of Budget Responsibility (OBR) anticipe actuellement un déficit net du secteur public de l’ordre de 5,8 % du PIB pour cette année fiscale, et autour de 5,9 % (en excluant le transfert du fonds de pension de Royal Mail) l’année prochaine, et ce, en se basant sur des hypothèses de croissance relativement optimistes. Les prévisions du secteur privé sont encore plus pessimistes, certaines laissant entrevoir une nouvelle hausse du déficit à 7 % l’an prochain. Une dégradation de la notation de crédit du Royaume-Uni nous semble dès lors de plus en plus probable.

L’importance des exportations.

La croissance des exportations devrait être l’un des principaux moteurs de la reprise de l’économie britannique, la solution classique préconisée habituellement par le FMI pour venir à bout des déficits excessifs. La relance des exportations a certainement fait partie du plan du gouvernement, mais toujours est-il que celles-ci n’ont cessé de stagner en termes réels depuis le deuxième trimestre 2011. Cela pose sans doute un problème lorsque trop de pays à la fois parient sur la croissance de leurs exportations dans un cycle de désendettement. Tous les pays du monde ne peuvent espérer résoudre simultanément leurs difficultés grâce aux exportations. La faiblesse de la monnaie constitue un facteur déterminant de la reprise des exportations. Fin avril, dans notre Global Strategy Weekly, nous estimions que la livre sterling devait s’affaiblir davantage pour stimuler la relance des exportations.

Or, en dépit de la politique d’assouplissement agressive de la BoE, la livre sterling s’est au contraire récemment renforcée, en s’appréciant d’environ 4,5 % par rapport au dollar américain dans le sillage du regain d’appétit pour le risque depuis le mois de juin dernier, si bien que son taux de change effectif réel s’est apprécié d’environ 5 % depuis le début de l’année.

Une pensée iconoclaste.

Nous pensons de manière iconoclaste que la dégradation éventuelle de la notation du Royaume-Uni pourrait paradoxalement lui être bénéfique. Nos collègues de la gestion obligataire estiment autour de 30 points de base l’impact d’une dégradation de la notation souveraine du Royaume-Uni sur les taux de rendement obligataires, ce qui serait insuffisant pour affecter sérieusement les finances publiques du gouvernement britannique. Mais cela pourrait en revanche contribuer à affaiblir la livre sterling, ce qui serait alors positif.

A plus long terme, il ne fait pas de doute que la fin de la crise de l’euro et peut-être la baisse des prix de l’énergie constituent la véritable solution aux difficultés du Royaume-Uni.

Dans l’intervalle, il faut sans doute s’attendre à une baisse du taux de change et davantage de croissance à l’export.

Patrik Schöwitz , Octobre 2012

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