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Juridique et Fiscalité

IFI et passif lié à la résidence principale

Impôt sur la fortune immobilière : les dettes afférentes à la résidence principale ne seraient déductibles qu’à hauteur de 70%. Analyses de Stéphane Jacquin, Associé-Gérant, Responsable de l’ingénierie patrimoniale chez Lazard Frères Gestion.

Dans la notice destinée à aider les contribuables à remplir leur déclaration d’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et qui est disponible depuis quelques jours, l’administration fiscale indique, s’agissant des règles de déduction du passif qu’« un abattement de 30% étant pratiqué sur la valeur de la résidence principale, les dettes contractées pour son acquisition ne sont déductibles qu’à hauteur de 70% de leur valeur ».

Cette position de l’administration - figurant à ce stade simplement dans une notice mais qui sera très probablement reprise dans une prochaine instruction administrative - est différente de celle retenue pour l’ISF.

En effet, pour l’ISF, la doctrine administrative prévoyait expressément que « l’abattement de 30% appliqué sur la résidence principale ne constituant pas une exonération, un emprunt immobilier contracté pour l’acquisition de celle-ci est admis en déduction en totalité pour la détermination du patrimoine imposable à l’ISF » (BOI-PAT-ISF-30-60-30 n°40, 14-6-2013).

Dès lors, il est difficile de comprendre le revirement de l’administration puisque la résidence principale n’est pas exonérée d’IFI à hauteur de 30% ; pas plus qu’elle ne l’était pour l’ISF.

En effet, les règles d’évaluation de la résidence principale résultent pour l’IFI de l’article 973 du Code Général des Impôts dont la rédaction est presque mot pour mot la même que celle de l’ancien article 885 S qui était applicable pour l’ISF [1].

Ce revirement de l’administration ne semble pas non plus pouvoir être justifié par les règles de prises en compte du passif spécifiques à l’IFI. En effet, l’article 974 du CGI prévoit que « sont déductibles de la valeur des biens ou droits immobiliers (…) les dettes (…) afférentes à des actifs imposables et, le cas échéant, à proportion de leur valeur imposable ».

Or, comme indiqué précédemment, la résidence principale n’est pas exonérée partiellement d’IFI. Elle est au contraire imposable en totalité. En revanche, pour tenir compte de son occupation par son propriétaire, un abattement peut être appliqué par rapport à sa valeur vénale libre.

Rappelons en effet que la Cour de cassation, dans un arrêt de 1996 [2], a estimé qu’un bien occupé par son propriétaire devait être évalué en fonction de cette circonstance. C’est cette jurisprudence qui a conduit le législateur à instituer un abattement sur la valeur vénale d’un immeuble occupé par son propriétaire à titre de résidence principale pour l’ISF, pour les droits de succession et désormais pour l’IFI.

Au total, il n’est donc pas évident que la position adoptée par l’administration dans sa notice soit fondée en droit.

Malheureusement, il est à craindre que les redevables qui ne s’y conformeront pas feront l’objet de redressement et ce jusqu’à ce que la question soit tranchée par les juridictions.

Stéphane Jacquin , Mai 2018

Notes

[1] Article 973 du CGI : « I La valeur des actifs mentionnés à l’article 965 est déterminée suivant les règles en vigueur en matière de droits de mutation par décès.
Par dérogation au deuxième alinéa de l’article 761, un abattement de 30% est effectué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire. En cas d’imposition commune, un seul immeuble est susceptible de bénéficier de l’abattement précité »
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Ancien article 885 S : « La valeur des biens est déterminée suivant les règles en vigueur en matière de droits de mutation par décès.
Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 761, un abattement de 30% est effectué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire. En cas d’imposition commune, un seul immeuble est susceptible de bénéficier de l’abattement précité »
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[2] Cass. Com. 13 février 1996, n°301 P, Fleury.

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