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Interview
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Selon Eric Dubos, Directeur Financier et membre du COMEX de MACSF, avec des taux négatifs sur une bonne partie de la courbe des taux, la recherche de rendement pousse les investisseurs à rallonger la duration des portefeuilles...
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Next-Finance : Pouvez-vous nous présenter MACSF et le montant actuel de vos encours ?
Eric Dubos : Premier assureur des professionnels de santé, la MACSF (Mutuelle d’Assurance du Corps Médical Français) assure les risques de la vie privée et professionnelle de plus d’un million de sociétaires ainsi que leur épargne et leur retraite. Depuis sa création en 1897, le groupe MACSF est administré par des professionnels de santé élus et issus des différentes sensibilités du corps médical. Sans actionnaire, ni capital à rémunérer, la MACSF est restée fidèle aux valeurs mutualistes de solidarité, de proximité et de responsabilité qui font toute sa force et sa différence.
La MACSF en quelques chiffres :
Quelle est votre allocation d’actifs actuelle ? A-t-elle été modifiée depuis la crise boursière de 2020 ?
Notre allocation d’actif est constituée principalement d’obligations comme tous les assureurs. La part de ces obligations représente plus de 73% des actifs y compris les obligations convertibles, les actions cotées et non cotées sont autour de 14%, l’immobilier à 6%, les OPCVMs de diversifications à 5% et le monétaire à 2%.
Oui l’allocation a été sensiblement modifiée. Nous avons profité des tensions sur les spreads de crédit corporates et financières pour rentrer principalement des obligations à taux fixes.Eric Dubos, Directeur Financier et membre du COMEX de MACSF
Oui l’allocation a été sensiblement modifiée. Nous avons profité des tensions sur les spreads de crédit corporates et financières pour rentrer principalement des obligations à taux fixes. Nous sommes aussi revenus sur des obligations d’Etats espagnol et italien principalement indéxées sur l’inflation. Même chose sur les obligations convertibles où nous avons eu quelques opportunités d’investissement sur des noms assez rares. La part des actions cotées a aussi évolué à la hausse profitant des creux des marchés. Et nous continuons à renforcer la part du non cotées dans les portefeuilles.
Comment a évolué votre ratio de solvabilité ?
La baisse des marchés actions mais surtout l’impact des taux négatifs sur la valorisation des passifs coûtent cher en fonds propres et en donc en solvabilité. Notre marge de solvabilité reste néanmoins très solide puisque nous l’estimons à 240% fin décembre 2020, ce qui nous permet de conserver une allocation d’actifs diversifiée et dynamique.
Plusieurs investisseurs institutionnels placent leurs portefeuilles sur la défensive en prévision d’une hausse des risques. Est-ce également votre cas ? Utilisez-vous des stratégies de couverture spécifiques ?
Pour 2021, les risques géopolitiques et financiers restent nombreux même si le Brexit est passé ainsi que les élections américaines. Toutefois, les interventions de la BCE avec les plans d’achats d’obligations d’Etats ou corporates ont réduit fortement les taux et les spreads. En maintenant sa politique monétaire accommodante ces prochaines années, la BCE va limiter la volatilité sur le marché obligataire. Néanmoins, cette année, nous avons mis en place une couverture sur le risque obligataire crédit qui nous permet de diminuer un peu l’impact des calculs de Solvabilité II. Bien sûr, nous étudions toujours la couverture sur nos positions en actions en fonction du coût des options.
Cette année, nous avons mis en place une couverture sur le risque obligataire crédit qui nous permet de diminuer un peu l’impact des calculs de Solvabilité II.Eric Dubos, Directeur Financier et membre du COMEX de MACSF
Pensez-vous que la crise sanitaire actuelle va renforcer l’intérêt des investisseurs pour la thématique ESG ?
Les investisseurs seront, certainement, de plus en plus sensibles aux critères environnementaux, sociétaux et de gouvernance. D’ailleurs, il est intéressant de voir le nombre de nouveaux produits financiers qui sortent en se basant sur ces critères pour différencier la gestion financière. De même, maintenant que nous avons un certain historique des données notamment au niveau des indices de référence, beaucoup d’études démontrent que les performances d’une gestion ISR sont supérieures à celles d’une gestion classique. En effet, de plus en plus, les enjeux extra financiers auxquels sont confrontées les entreprises peuvent impacter leur capacité à produire de la valeur et dégrader leur valeur de marché. Au-delà de la crise sanitaire, des affaires comme Wirecard vont aussi favoriser un meilleur suivi, de la part des investisseurs, de la gouvernance dans les entreprises.
Utilisez-vous les critères ESG dans votre politique de gestion ? Avez-vous des projets ou développements en cours sur ce sujet ?
Oui, nous avons développé ces dernières années une politique ESG permettant de mieux appréhender nos investissements. Notre approche d’investissement responsable repose sur trois piliers qui sont l’intégration ESG, l’exclusion et l’engagement actionnarial. Les équipes financières intègrent l’analyse ESG en tant que complément de l’analyse financière traditionnelle et comme outil de limitation des risques. Cette démarche est en lien avec les nombreuses actions de la FFA et de l’ACPR avec des engagements pris sur nos investissements selon les classes d’actifs. Notre engagement désigne le fait d’interagir sur des sujets ESG avec les entreprises que nous finançons, en dette ou en capital, en ayant pour objectif d’influencer dans la durée leurs pratiques environnementales, sociales et de gouvernance et d’améliorer leurs pratiques de reporting en la matière.
Ainsi, par exemple, pour l’année 2021, nous nous engageons à détenir 8% d’investissements responsables au sein de la poche obligataire dont au moins 80% en obligations « vertes ».
Depuis plus de 20 ans, le groupe MACSF a fait le choix de ne pas financer les entreprises appartenant au secteur du tabac. Le groupe MACSF renforce aussi sa politique pour lutter contre l’utilisation du charbon. Les entreprises développant de nouvelles activités charbon sont notamment exclues. Nous cessons aussi d’accompagner les entreprises portant des atteintes graves et répétées aux principes du pacte mondial.
Enfin, le groupe MACSF a initié une démarche d’engagement en votant systématiquement aux assemblées générales des sociétés dont elle détient une participation au capital considérée comme significative.
Pour répondre au mieux à ces enjeux et pour construire une démarche adaptée, le groupe MACSF participe à plusieurs groupes de travail :
Déléguez-vous toujours l’intégralité de la gestion de votre portefeuille à des sociétés de gestion ?
Non, nous déléguons très peu notre gestion, autour de 5% de l’encours total. Nous sélectionnons des classes d’actifs que nous ne pouvons pas suivre en direct comme les actions ou obligations internationales et émergentes, les financières subordonnées et le High Yield. Nous avons fait le choix d’une gestion en interne pour être beaucoup plus réactifs dans nos choix de gestion et aussi dans notre pilotage comptable et réglementaire.
Nous avons fait le choix d’une gestion en interne pour être beaucoup plus réactifs dans nos choix de gestion et aussi dans notre pilotage comptable et réglementaire.Eric Dubos, Directeur Financier et membre du COMEX de MACSF
Avez-vous des objectifs de rentabilité sur votre portefeuille ? Quelle a été sa performance cette année ?
En début d’année, nous déterminons toujours des objectifs de rentabilité par classes d’actifs. Ce budget est valable pour les sociétés vie et non vie. Cela permet avec le département de l’ALM et le Contrôle budgétaire de fixer un taux cible pour l’année en fonction du risque et aussi, maintenant avec Solvabilité II, du besoin en capital. Les fonds propres importants de la Mutuelle, nous permettent, depuis de nombreuses années, de nous diversifier sur des actifs plus rémunérateurs que les obligations d’Etats.
Cette année, le taux net servi est de 1.55%. Ce qui place toujours notre fonds en euro parmi les meilleurs fonds du marché et au-dessus de l’inflation. Nous avons aussi doté la provision pour participation aux bénéfices (PPB) qui représente désormais 3,6% des encours du fonds en euros.
Quelles sont vos différentes contraintes en matière d’investissements ?
Les contraintes d’investissement sont nombreuses. Il y a d’abord la contrainte de rendement et de risque. Actuellement avec des taux négatifs sur une bonne partie de la courbe des taux, la recherche de rendement pousse les investisseurs à rallonger la duration des portefeuilles ou aller chercher plus de rendement et de risque sur des signatures moins bien notées comme le HY.
Ensuite il y a la contrainte, de plus en plus forte ces dernières années, de capital. Il faut trouver des investissements offrant du rendement, peu risqués et ayant un coût en capital assez faible. Cela exclu, aujourd’hui, une grande partie des obligations IG et des emprunts d’Etats.
Les investisseurs se tournent de plus en plus vers le non coté qui offre l’avantage d’être moins volatil et demande parfois un besoin en capital plus limité que certaines autres classes d’actifs.
Une autre contrainte est la liquidité. Ces dernières années, la liquidité des placements financiers a tendance à diminuer fortement. Et, les placements dans le non coté rendent encore les placements des assureurs de moins en moins liquides.
Les critères ESG limitent aussi notre panel d’émetteurs investissables possible.
Avec des taux négatifs sur une bonne partie de la courbe des taux, la recherche de rendement pousse les investisseurs à rallonger la duration des portefeuilles ou aller chercher plus de rendement et de risque sur des signatures moins bien notées comme le HY.Eric Dubos, Directeur Financier et membre du COMEX de MACSF
Quelles seront vos sujets de prédilection dans les mois à venir ? Sur quelles classes d’actifs comptez-vous vous positionner ?
Nous sommes moins présents sur le crédit, corporate et financier, qui offre des rendements qui ne rémunèrent plus suffisamment le risque. De plus, nous allons avoir des dégradations assez importantes des notations de nombreux émetteurs au cours de ces prochains mois, dans le contexte économique difficile que nous connaissons, et cela va peser fortement sur le calcul du besoin en capital des assureurs. Si les taux venaient à remonter, nous reviendrons plutôt sur les emprunts d’Etats et sur les obligations indexées sur l’inflation. Nous renforçons toujours nos investissements dans l’immobilier, sur les actions non cotées et l’infrastructure.
RF , Janvier 2021
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