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Des sanctions non liées à l’énergie ne risquent guère d’affecter la Russie

La dette publique de la Russie est à un plancher record, ses réserves de change sont abondantes et ses banques sont bien placées pour faire face à court terme à des sanctions non liées à l’énergie. Le rouble ne devrait pas s’effondrer à court terme, mais l’inflation, le relâchement des réformes et le ralentissement de la croissance pourraient peser à long terme...

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Alors que les tensions internationales se poursuivent au sujet de la lutte militaire pour l’Est de l’Ukraine, le gestionnaire européen Candriam publie aujourd’hui une étude sur l’impact des sanctions économiques sur la Russie. « Ce n’est pas la première intervention russe aux frontières de l’ex-URSS. En juillet 2008, le conflit entre la Russie et la Géorgie au sujet de l’Ossétie du Sud avait à peine été remarqué par les marchés de capitaux internationaux », rappelle Tomasz Orpiszewski, analyste chez Candriam. « Mais cette fois-ci, la situation internationale est très tendue et comme la diplomatie occidentale réagit plutôt lentement, il semblerait que des sanctions économiques resteront en place pendant une longue durée. » L’analyse de l’équipe obligataire de Candriam a pour objectif de mesurer le risque d’une crise éventuelle de la dette ou de la devise, d’en quantifier l’impact sur les actifs russes et de décrire l’effet de sanctions réciproques sur l’économie de la Russie et de la zone euro.

La Russie a une dette publique d’une faiblesse exemplaire et d’amples réserves de change

« L’économie russe est accablée de nombreux problèmes tels qu’un fort taux d’inflation, une diminution du potentiel de croissance, la corruption et une répartition inégale des richesses », explique Geneviève Hamende, gérant de fonds de dette émergente. « Mais le fait que la Russie soit mal classée en termes de gouvernance ne veut pas dire qu’elle se dirige vers une deuxième crise de ses banques ou de sa devise, comme c’était le cas en 1998 lorsque la Russie a fait défaut sur sa dette extérieure. » L’étude montre que la situation actuelle est différente puisqu’une gestion budgétaire prudente a fait baisser la dette publique à environ 15 % du PIB, contre 99 % en 2000.

En réalité, grâce à l’exportation d’hydrocarbures, la Russie a accumulé d’importantes réserves de change et a établi un fonds souverain qui détient actuellement environ 160 milliards de dollars, soit 8 % du PIB russe. Cependant, l’aggravation des risques géopolitiques entraine une augmentation des sorties de capitaux et, de suite, une dépréciation du rouble et force la banque centrale à intervenir en vendant des réserves et en relevant ses taux. Par conséquent, au premier semestre 2014, les réserves de change russes ont chuté d’environ 40 milliards de dollars, soit 2 % du PIB. Mais la situation n’est pas catastrophique puisque la banque centrale détient environ 460 milliards de dollars de réserves de change, ce qui lui permet de défendre la devise pendant une longue durée. Le rapport des réserves de la banque centrale à la dette extérieure totale reste positif en Russie, contrairement au cas de l’Ukraine qui se dirige lentement vers une crise de sa devise.

Des sanctions non liées à l’énergie à l’encontre de la Russie ne seraient pas très dommageables

A l’heure actuelle, la Russie représente, respectivement, 15 % et 20 % de la production mondiale de pétrole et de gaz naturel. Bloquer les exportations d’énergie russes augmenterait les prix d’énergie internationaux et affecterait les économies occidentales alors même que l’hiver approche. Cette perspective réduit la probabilité de sanctions liées à l’énergie.

Des sanctions sur d’autres exportations ne seraient pas trop dommageables pour deux raisons. Premièrement, seules 40 % des exportations russes sont liées à des produits non énergétiques. Deuxièmement, les exportations représentent environ 20 % du PIB russe, beaucoup moins que dans le cas de l’Allemagne (environ 45 %), de la Belgique ou des Pays-Bas (environ 80 %).

Les banques russes sont exposées, mais elles disposent de réserves suffisantes pour affronter les difficultés

Les banques russes ont émis 65 % de leurs obligations sur les marchés internationaux et la nouvelle série de sanctions financières risque d’affecter leur capacité de lever des capitaux. Trois banques russes ont déjà déposé une demande d’aide de l’État et d’autres pourraient les imiter si les sanctions étaient maintenues. Mais le secteur bancaire russe ne représente que 40 % du PIB national, contre plus de 100 % du PIB dans la zone euro. En outre, les banques russes ont un ratio de créances douteuses inférieur aux banques du reste de l’Europe de l’Est et un rendement des actifs supérieur.

Les prévisions à court terme du modèle fondamental indiquent qu’une forte dépréciation du rouble est plutôt improbable. Cependant, la faible croissance et la forte inflation ne prêtent pas à l’optimisme sur le long terme.

Projetant l’évolution du rouble sur la base de variables fondamentales et des risques politiques, les experts de Candriam prévoient qu’à fin 2014, l’euro vaudra entre 46 roubles dans le scénario de base et 49 dans le scénario pessimiste, sous réserve que le conflit ne dégénère pas en guerre ouverte. A long terme cependant, la conjonction d’une forte inflation, d’une détérioration du taux de croissance, d’un relâchement des réformes et d’une gouvernance lacunaire pourrait peser de façon durable sur le rouble.

Conclusions

A cause d’informations trompeuses sur le conflit militaire, de la lenteur diplomatique et de l’attitude plutôt conciliante de l’OTAN, l’issue et le calendrier d’une résolution des tensions russo-ukrainiennes sont difficiles à prévoir, ce qui risque de se traduire par une forte volatilité des actifs russes sur le court à moyen terme.

La Russie n’est pas épargnée par les problèmes, son potentiel de croissance a fortement baissé, l’inflation reste élevée et les programmes concernant la gouvernance et les réformes ne prêtent pas à l’optimisme sur le long terme. Du côté positif, elle a d’importantes réserves de change et une dette publique d’une faiblesse exemplaire, ce qui protègera le pays des sorties de capitaux et des sanctions occidentales. Si l’impasse s’éternisait, cela affecterait aussi bien les banques russes que les pays d’Europe de l’Est qui dépendent de leurs exportations vers la Russie.

Helena Clijsters , Geneviève Hamende , Isabelle Rome , Tomasz Orpiszewski , Septembre 2014

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