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Brève introduction à la détermination des taux de change

François Hollande, le président français, a récemment appelé à prendre des mesures pour contrer la vigueur de l’euro, soulignant que l’économie risquait d’être confrontée à un taux de change ne correspondant pas aux fondamentaux. La majeure partie du temps, les taux de change, bien que plausibles, ne correspondent probablement pas aux fondamentaux...

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En fait, parmi toutes les variables que les économistes tentent de comprendre, la valeur externe de la devise est peut-être la plus difficile à expliquer.

Les principaux déterminants à long terme des taux de change sont les différentiels d’inflation et les écarts en matière de croissance de la productivité. Un pays affichant une inflation élevée persistante verra sa compétitivité se détériorer. C’est plus ou moins ce qui s’est passé dans les pays périphériques de l’Europe avant leur adhésion à l’Union économique et monétaire (UEM) et jusqu’en 2009. De la même façon, une croissance élevée de la productivité de la main-d’oeuvre diminue le coût du travail par unité produite, ce qui accroît la compétitivité et permet une appréciation nominale de la devise.

À long terme, les taux de change réels s’ajusteront toujours de façon à ce que la position extérieure nette reste soutenable. Si une inflation élevée persistante menace de provoquer des déficits récurrents, le taux de change finira par se déprécier, tandis que si des excédents semblent être générés régulièrement, une appréciation réelle sera nécessaire. Par conséquent, on peut dire que la balance courante fait la loi en ce qui concerne la détermination des taux de change. Une appréciation peut être un signe de vigueur car elle implique soit que la politique monétaire est parvenue à maintenir l’inflation à un faible niveau, soit que la croissance de la productivité a été solide.

Le président Hollande n’est pas d’accord et son point de vue est peut-être compréhensible. Si les taux de change ne correspondent généralement pas aux fondamentaux, c’est précisément parce qu’ils sont presque totalement déterminés par ce qui se passe sur le compte des capitaux de la balance des paiements. Les flux commerciaux sont insignifiants en comparaison des flux de capitaux bruts et dans un monde de mobilité élevée du capital, ces derniers sont difficiles à prévoir. La principale raison est que les flux de capitaux à court terme semblent, en particulier, davantage influencés par des « facteurs psychologiques » que par les faits économiques concrets.

Toutes les appréciations (de l’euro) ne sont pas identiques…

La récente appréciation de l’euro est-elle dès lors si « mauvaise » ? Est-elle suffisante pour détériorer substantiellement les perspectives de croissance, pour ramener les risques inflationnistes à la baisse et pour provoquer une réaction de la politique monétaire ? En bref, nous ne le croyons pas encore.

Comme toujours, il convient d’analyser les faits. Le taux de change effectif s’est apprécié de 7% par rapport à un plancher atteint fin juillet, de sorte qu’il se situe plus ou moins à son niveau moyen depuis 1999. Il reste néanmoins 5% sous le niveau enregistré début 2011 et 10-15% sous le niveau de début 2010. Dans une perspective à 1 à 2 ans, il est dès lors toujours déprécié, une observation importante car certaines décisions prises dans l’économie réelle dépendent des mouvements à long terme.

Toutefois, les mouvements à plus court terme ont également de l’importance.

Toutes choses restant égales par ailleurs, une appréciation impliquera soit une diminution des exportations, soit un rétrécissement des marges bénéficiaires, ce qui est susceptible d’avoir des répercussions négatives sur l’emploi et la demande d’investissements.

« Toutes choses » ne restent cependant généralement pas égales. Beaucoup dépend de la rapidité et de l’ampleur de l’appréciation, ainsi que de la vigueur de la demande dans les marchés d’exportation. Entre début 2006 et début 2008, la zone euro a eu plus de facilité à digérer une appréciation plus ou moins graduelle de 10-15% parce que l’économie mondiale était florissante.

Un autre déterminant des dommages causés par une appréciation est la composition des exportations.

Si un pays est spécialisé dans des biens d’équipement hautement sophistiqués qui ne sont pas facilement disponibles ailleurs – comme l’Allemagne –, la demande pour ses produits ne sera guère sensible aux prix.

En France et en Italie, les produits exportés sont toutefois facilement disponibles ailleurs et une appréciation aura plus rapidement un impact négatif. Ce n’est pas une coïncidence si tous les présidents français ont, à un moment donné de leur mandat, plaidé pour une dépréciation du taux de change.

…car le comportement d’autres parties des marchés financiers importe également

La cause de l’appréciation est importante aussi. Une appréciation résultant d’une confiance accrue des investisseurs dans la région est moins pénalisante qu’une appréciation causée par des chocs exogènes. L’appréciation observée entre juillet 2012 (discours rassurant de Draghi) et décembre 2012 a en réalité traduit un vote de confiance à l’égard de la zone euro. Alors que le programme Outright Monetary Transactions (OMT) sert de garantie de liquidité pour les États, les risques d’éclatement ont diminué considérablement. Ceci a fait revenir des capitaux dans la zone euro, ce qui a provoqué non seulement une appréciation du taux de change, mais aussi une amélioration des conditions financières domestiques. L’appréciation depuis décembre de l’année dernière est, pour sa part, largement imputable aux attentes d’un assouplissement monétaire plus agressif d’autres banques centrales, telle que la Banque du Japon (BoJ), par rapport à la Banque centrale européenne (BCE). Les conditions financières se sont dès lors resserrées, mais elles restent nettement plus souples qu’en juillet 2012, ce qui explique pourquoi nous ne nous attendons pas à une action immédiate.

Le programme OMT a certainement amélioré la stabilité financière et la BCE devrait se montrer patiente et attendre de voir dans quelle mesure cette amélioration influencera la sphère réelle de l’économie. Néanmoins, nous pensons que la BCE finira par intervenir et que ceci aura un impact positif. L’effet de la BoJ sur les taux de change pourrait ‘contraindre’ à un assouplissement de la politique monétaire mondiale, ce qui est souhaitable tant dans les pays développés en raison de l’important output gap et de l’austérité budgétaire que dans l’univers émergent où il convient que la croissance soit davantage tirée par l’économie domestique que par les exportations.

Willem Verhagen , Février 2013

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