Bienvenue dans un monde de bulles d’actifs et de mini krachs de plus en plus fréquents

Nous écrivons régulièrement que les marchés financiers ne fonctionnent plus normalement et surtout librement. Cela signifie qu’il existe des distorsions de concurrence et que les bulles d’actifs financiers sont devenu es une vraie banalité.

Dans un tel contexte, l’épargnant particulier et l’investisseur professionnel se posent des questions auxquelles très franchement il est difficile de répondre

  • Faut-il considérer que ces surévaluations d’actifs ne se corrigeront « jamais » ?
  • Faut-il se couvrir contre des krachs d’actifs ?

Nous tentons de répondre dans cet article à ces questions en distinguant les krachs traditionnels du passé et ce nouveau monde de mini-krachs vite absorbés et vite digérés par les investisseurs.

Nous verrons alors que, en dépit de fondamentaux qui peuvent être défavorables, il faut rester investi sur toutes les classes d’actifs financiers. A condition d’en avoir les moyens : résistance psychologique, marges de manoeuvre comptables, prudentielles et réglementaires.

TOUT D’ABORD IL FAUT SE SOUVENIR DES KRACHS TRADITIONNELS DU PASSE

Lors des krachs traditionnels, les banques centrales apportaient des réponses rapides et relativement efficaces

  • En pleine crise de changes, une banque centrale émettait sa propre monnaie pour la vendre sur le marché des changes si elle la jugeait surévaluée ; ou au contraire utilisait ses réserves de change pour racheter sa propre monnaie si celle-ci était attaquée pour de bonnes ou de mauvaises raisons.
  • En plein krach obligataire et/ou equities, la banque centrale procédait à des assouplissements traditionnels de la politique monétaire par des baisses de taux directeurs
  • En plein krach obligataire ou en période d’explosion des déficits publics, il pouvait s’agir de monétisation directe ou indirecte de la dette des états par des achats de titres d’état par la Banque centrale ou par la mise en place de conditions exceptionnelles pour que les banques investissent massivement dans ces titres de dette publique. On pense aux quantitative easing, aux opérations de refinancement à long terme des banques permettant de financer des achats de dette publique ou encore à des mesures techniques d’assouplissements des critères d’éligibilité des titres souverains aux appels d’offres de la banque centrale
  • En pleine crise de fonctionnement du marché monétaire, l’on a pu assister (et ce fut très précisément le cas à l’été 2007 ou à l’automne 2008) à des allocations exceptionnelles de liquidité par la banque centrale afin de remédier aux dysfonctionnements du marché interbancaire (donc aux difficultés de refinancement à court terme des établissements financiers , soit parce que ceux-ci rechignaient à se prêter entre eux , soit parce-que les investisseurs souscrivaient de moins en moins aux émissions de certificats de dépôts bancaires)

AUJOURD’HUI ET DEMAIN LES KRACHS SERONT EPHEMERES MAIS VIOLENTS

Aujourd’hui, les krachs ne peuvent plus durer compte tenu des effets dévastateurs qu’ils pourraient provoquer sur les épargnants, les banques et l’économie en général.

En effet, l’on sait que ce qui a drivé et continue à driver la hausse des marchés toutes classes d’actifs confondues, c’est la croyance unanime des marchés depuis septembre 2012 en une mise à disposition « éternelle » et « inconditionnelle » de liquidité par achat d’actifs des banques centrales.

Le problème c’est que cette déconnexion entre fondamentaux et liquidité peut provoquer des chocs violents sur les marchés.

Rappelons-nous deux épisodes récents de mini-krachs.

On pense à la période du printemps 2013 avec une mise en perspective de la déconnexion fondamentaux-liquidités : craintes sur la poursuite de l’expansion de la liquidité par la FED (minutes FOMC du 22/05/2013) mais perception inchangée par les marchés sur les fondamentaux de l’économie. Cette situation va entraîner des baisses des actifs financiers, toutes classes d’actifs confondues, et un renversement temporaire de la psychologie des marchés. De la même façon que les marchés avaient été euphoriques en dépit des fondamentaux et à cause de l’abondance de liquidité, ils vont alors provoquer des mini krachs ponctuels sur toutes les classes d’actifs en dépit des fondamentaux (ni meilleurs, ni pires qu’auparavant) et à cause de craintes plus ou moins fondées de reprise de liquidité.

On peut aussi citer la folle journée du 15 Octobre 2014 avec là aussi une mise en perspective de la déconnexion fondamentaux-liquidités. Mais cette fois-ci les craintes portent sur une détérioration brutale des fondamentaux (accident statistique sur les ventes de détail US, craintes du retour systémique en zone Euro…) ; et non sur la situation de la liquidité mondiale créée par les banques centrales : on sait à l’époque que la FED va arrêter son QE fin octobre, que la Bank of England est neutre, que la BCE va poursuivre son expansionnisme monétaire et que la Bank of Japan s’apprête à accroitre également son assouplissement quantitatif (les marchés l’anticipent pour la fin janvier 2015 et cet assouplissement interviendra dès le 31 octobre 2014).

Il faut cependant mentionner que la violence de ces mini-krachs est accentuée par les nouveaux modes de négociation des instruments financiers, lesquels nouveaux modes génèrent une baisse globale de la liquidité de certains marchés et donc des décalages de prix aussi brutaux qu’inexpliqués (c’est ce que l’on appelle désormais les flash cracks à l’image de ce 15 octobre et des 0,40% de variation des taux des emprunts d’état US à 10 ans en quelques minutes – soit une variation de près de 3% des prix de ces actifs).

A chaque fois que la déconnexion fondamentaux-liquidité (qui est pourtant une évidence) sera mise en lumière sous une forme ou sous une autre, il faudra s’attendre à de violentes secousses sur les marchés et à des mini-krachs qui seront cependant vite absorbés par une communication ultra-accommodante des banquiers centraux (remise en cause d’une hausse des taux directeurs anticipée, création d’anticipations d’assouplissements monétaires, discours laissant entrevoir des actions non conventionnelles encore plus agressives : montants, diversité des actifs financiers devant faire l’objet de futurs QE,…)

Surveillez donc ces risques de déconnexion qui seront à l’origine des mini-krachs de demain

  • Cela peut ressembler à la situation de mai 2013. Pas de détérioration des fondamentaux mais anticipations de politique monétaire moins accommodante de la part de la FED avec les conséquences suivantes : baisse des actions OCDE et émergentes, hausse des taux longs sur emprunts d’état, hausse des taux sur obligations corporate et high yield , hausse du dollar,…
  • Cela peut aussi ressembler à la situation de mi-octobre 2014. Pas de changement d’anticipation sur l’orientation des politiques monétaires mais détérioration des fondamentaux de l’économie américaine avec les conséquences suivantes : baisse des actions OCDE et émergentes, baisse des taux longs sur emprunts d’état, hausse des taux sur obligations corporate et high yield, baisse du dollar,…Si l’on ajoute à ce panorama un retour des craintes systémiques en zone Euro, nous aurions un écartement des spreads de crédit entre taux des emprunts d’état de la zone Euro (comme en mai-juin 2010 , novembre 2010, août 2011, novembre-décembre 2011, juin-juillet 2012)
  • Mais cela pourra ressembler à une situation encore plus violente avec tout à la fois anticipations de politique monétaire moins accommodante et détérioration de la conjoncture (scénario peu probable car il mettrait un terme à notre théorie de la déconnexion)

En tout cas, dans ces moments de krach violent mais éphémère, ceux qui en profiteront seront ceux qui ont du cash et qui peuvent se renforcer en actifs financiers et ceux qui sont des investisseurs de long terme pouvant tenir leurs positions

Par contre, ceux qui ont des contraintes réglementaires et prudentielles fortes seront obligés de s’abstenir d’investir durant ces fortes corrections voire de couper des positions.
Ce qui est dramatique en tout cas, c’est que dans un sens comme dans l’autre les marchés (indistinctement géographiquement, sectoriellement, par type de classe d’actif) dépendent aujourd’hui quasi-exclusivement de la liquidité banque centrale et qu’il n’y aura pas de demi tendances. Soit ils continuent à monter en dépit du bon sens en se « shootant » avec leur EPO Banque centrale ; soit ils chutent encore plus violemment avec l’idée que l’EPO sera brutalement supprimé … Il ne semble donc pas compte tenu de leur nature excessive qu’ils puissent évoluer de manière plus ordonnée dans un scénario de désintoxication progressive. Il faut aussi avoir en tête la forte mondialisation de la finance et la corrélation des portefeuilles : les premières grosses pertes matérialisées sur certains actifs par des investisseurs les obligeraient à vendre en catastrophe d’autres types d’actifs pour compenser des moins-values.

C’est la raison pour laquelle l’aléa moral va persister et qu’à chaque anticipation de krach ou matérialisation de début de krach, les banques centrales seront malheureusement (pour l’équilibre économique et financier) ou heureusement (pour les traders, hedge funds et autres investisseurs) contraintes d’intervenir par la communication directe ou indirecte de nouvelles actions d’agressivité monétaire (cf la communication Draghi de juillet 2012 pour « sauver » la zone Euro : « à l’intérieur de son mandat, la BCE est prête à faire toute ce qui est nécessaire pour sauver l’euro. Et croyez-moi, ce sera suffisant. » ; ce que l’on appelle désormais sur les marchés le « whatever it takes ? »).

Mory Doré , Mai 2015

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