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Volatilité en vue

Selon Diana Rager, Gérante Crédit chez BFT Investment Managers, avec les mesures ultra accommodantes mises en place par la BCE visant les obligations privées, la valorisation de nombreux segments du crédit est désormais moins attractive qu’elle ne l’était au début de l’année. Bien que le risque systémique en Europe soit peu probable, la sensibilité accrue des investisseurs au news flow...

A la fin du deuxième trimestre marqué par la victoire du Brexit lors du referendum britannique du 23 juin, les marchés financiers (y compris le marché du crédit) se sont retrouvés dans une situation inédite. Dans un premier temps, cette nouvelle réalité politique a généré une réaction négative et poussé les spreads de crédit à l’écartement, soutenant le mouvement de « flight to quality  ». Toutefois, la correction des marchés a été de courte durée, les fondamentaux ont vite pris le dessus. En effet, le momentum économique stable, les mesures accommodantes des banques centrales et les résultats globalement solides des entreprises ont rapidement contrebalancé la déception « post Brexit ». Dans ce cadre, Il convient de souligner l’action rapide et efficace de la Banque centrale d’Angleterre qui a mis en place plusieurs mesures simultanées afin d’empêcher un frein brutal de la croissance économique. L’un des leviers annoncé, à savoir l’activation du programme d’achat de dette privée (CBPS, Corporate Bond Purchase Scheme), a permis d’assouplir davantage les conditions de financement des entreprises britanniques sur les marchés internationaux.

Un marché du crédit résistant

Sur l’ensemble de la période, le marché du crédit européen a réalisé des performances robustes. Le segment des obligations d’entreprises non financières investment grade a été largement porté par les achats de la BCE qui a continué d’intervenir à un rythme élevé. Non soutenu directement par le CSPP (Corporate Sector Purchase Programme), le secteur bancaire a toutefois enregistré un bon trimestre grâce à l’effet d’éviction, malgré une courte période de volatilité en juillet liée à des tests de résistance sur les banques de la zone euro conduits par l’Autorité bancaire européenne et la BCE. Ces « stress tests » n’ont pas révélé de grandes surprises, les principaux groupes européens (notamment français) ont plutôt bien traversé l’épreuve, en mettant en avant la pertinence de leur modèle de banque universelle.

Enfin, le retour de l’appétit pour le risque a été également profitable au segment du High Yield européen. Ainsi, sur le trimestre, l’indice iTraxx Main est passé de 85 pb à 73 pb et l’indice iTraxx X-over de 366 pb à 333 pb.

Un marché primaire qui repart

Après les mois de juillet/août relativement calmes, le mois de septembre a montré une bonne dynamique du marché primaire avec plus de €29 Mds d’émissions sur le seul segment des obligations d’entreprises non financières de la catégorie investment grade. Globalement, plus de €220 Mds ont été émis sur ce marché depuis le début de l’année 2016, les entreprises ayant continué à profiter de conditions de refinancement attractives. Les craintes des investisseurs sur l’excès possible de l’offre après la pause estivale (à l’image de l’automne 2015…) ne se sont finalement pas réalisées. En effet, plusieurs émissions sont venues en remplacement d’obligations arrivant à maturité. De plus, la demande globale a été toujours forte, largement soutenue par le programme d’achats de la BCE et la recherche du rendement de la part des investisseurs. La maturité moyenne des émissions s’est rallongée et se situe désormais dans le segment supérieur à 7 ans.

Au niveau géographique, la répartition est relativement équilibrée avec des émetteurs hors zone euro toujours présents sur le segment des obligations libellées en euro (plus de 45%). A noter un rebond des émissions lancées par des entreprises françaises (plus de €38 Mds depuis le début d’année, soit 17% du montant global).

Nous nous attendons à un marché primaire relativement actif durant le quatrième trimestre, les entreprises vont continuer à renouveler leurs tombées obligataires et/ou rallonger la maturité de leur dette dans des conditions de refinancement attrayantes.

En revanche, une forte sélectivité est de plus en plus de mise, compte tenu de la montée du risque spécifique. Il convient de noter également que la notation moyenne de l’offre primaire est en baisse : les émissions de la catégorie BBB dominent dorénavant le marché primaire investment grade (51% en 2016 contre 42% en 2015).

… et un segment High Yield hyperactif

Au troisième trimestre, le marché primaire high yield a été actif, avec près de 18 milliards d’euros émis, contre 10,5 l’an dernier à la même période. Par exemple, le groupe parapétrolier italien Saipem, noté Ba1 chez Moody’s et BB+ chez S&P, a émis 500 millions de maturité mars 2021 et 500 millions de maturité septembre 2023 ou le loueur automobile américain Hertz, noté B2 chez Moody’s qui a quant à lui émis 225 millions d’euros de maturité octobre 2021. D’ici la fin de l’année, le marché devrait rester dynamique (à l’exception du mois de décembre, traditionnellement moins actif).

Durant le dernier trimestre de l’année, le marché sera certainement confronté à des périodes de volatilité relativement fréquentes. En effet, les élections américaines seront le catalyseur des prochaines semaines. En zone euro, le referendum italien va attirer l’attention du marché en novembre-décembre, et l’Espagne pourrait connaitre de nouvelles élections en l’absence d’accord pour la constitution d’un nouveau gouvernement. Le sujet du Brexit va également être présent, le marché étant, pour le moment, incapable de quantifier son effet sur l’économie à long terme. Enfin, les banques centrales américaines et européennes devraient encore une fois constituer des éléments déterminants pour les marchés avec une hausse attendue de la Fed en décembre et un prolongement du programme de quantitative easing de la BCE à quelques jours d’écart.

Avec les mesures ultra accommodantes mises en place par la BCE visant les obligations privées, la valorisation de nombreux segments du crédit est désormais moins attractive qu’elle ne l’était au début de l’année. Bien que le risque systémique en Europe soit peu probable, la sensibilité accrue des investisseurs au news flow et la moindre liquidité des marchés plaident pour une approche prudente.

Dans le contexte actuel avec un environnement macroéconomique stable, des fondamentaux des entreprises européennes sains et des facteurs techniques favorables (achats de la BCE, recherche du rendement…) nous restons positifs sur le marché du crédit à condition d’être sélectifs.

Diana Rager , Octobre 2016

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