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Un début d’année sous de bons auspices

Prudemment optimistes ? Résolument indécis ? Extrêmement neutres ? Après une année record sur la plupart des grands marchés actions, les stratégistes se trouvent fort embarrassés pour formuler des prévisions 2020. Quant aux investisseurs européens, nombre d’entre eux sont pris entre l’attrait irrésistible qu’exercent les performances passées (même si elles ne préjugent en rien de l’avenir) et des craintes de retournement du cycle économique.

Si les boules de cristal s’avèrent malheureusement peu fiables, il reste néanmoins probable que les taux d’intérêt resteront déterminants pour les marchés financiers dans leur ensemble, et derrière ces taux d’intérêt, c’est l’inflation, jusqu’ici toujours très faible, qui pourrait changer la donne. A plus long terme, les investisseurs institutionnels continueront à rechercher des sources de performance durables, et les infrastructures pourraient bien en faire partie, d’autant plus que leurs revenus sont souvent liés à l’inflation.

Un changement de paradigme pour l’inflation américaine en 2020 ?

Alors que l’année 2019 a été marquée par des niveaux d’inflation globalement extrêmement faibles dans l’ensemble des pays développés mais aussi émergents, et que le contexte s’annonce similaire pour l’année 2020, les Etats-Unis pourraient à nouveau faire figure d’exception. En effet, pour la première fois depuis novembre 2018, l’objectif de 2% de la Réserve Fédérale américaine est dépassé, qu’il s’agisse de l’indice général des prix à la consommation comme de l’indice qui exclut les prix de l’alimentation et de l’énergie. Et avec la disparition de l’effet de base négatif sur le pétrole après la forte baisse de fin 2018, il se pourrait que ces indicateurs d’inflation se maintiennent à des niveaux élevés au cours des prochains mois. Cette situation entraînerait un certain nombre de conséquences pour les marchés. Il semble clair que le niveau d’inflation qui pousserait la Réserve Fédérale à remonter ses taux directeurs est aujourd’hui très haut, comme l’a rappelé Jérôme Powell lors du dernier Comité de Politique Monétaire (FOMC) : « Pour augmenter les taux d’intérêt, j’aurais besoin de voir une inflation persistante et significative ». Ce constat marque en fait une forme d’impuissance de la Réserve Fédérale, à un moment où l’ensemble des grandes banques centrales ont repris ces derniers mois une posture très accommodante. Dans ce contexte, et même si l’objectif d’inflation est atteint, il semble difficile de pouvoir reprendre un cycle de hausse des taux sans provoquer une nouvelle flambée du dollar américain qui risquerait d’annuler les effets attendus d’une hausse des taux. Cela augure donc, a priori, d’un environnement de taux bénin pour 2020. Avec toutefois une cause potentielle de dérapage des prix : une hausse significative des prix du pétrole pourrait pousser temporairement les indices de prix à la consommation encore plus haut qu’actuellement, risquant de rendre la position de la Réserve Fédérale intenable.

A l’heure où les rendements obligataires peinent à compenser l’inflation, les investisseurs de long terme se tournent vers des placements dont le rendement se trouve souvent lié à l’inflation et qui leur permet en outre de contribuer à la transition énergétique : les infrastructures suscitent l’intérêt.

Les objectifs de l’Accord de Paris semblent ambitieux si l’on considère que la croissance de la population mondiale et du Produit Intérieur Brut par habitant sont les principaux déterminants de la forte hausse des émissions de gaz à effet de serre et du taux de CO2 dans l’atmosphère. Dans les prochaines années, il est probable que la démographie continue à croître, ainsi que la demande d’énergie. La seule option est donc de réduire l’intensité énergétique du PIB et celle des sources de production d’énergie. L’objectif de réduire les émissions de CO2 de 34 gigatonnes aujourd’hui à 10 gigatonnes en 2050 pourrait être réalisé à hauteur de 64% par l’amélioration de l’efficience énergétique et l’utilisation des énergies renouvelables [1]. Si aujourd’hui 75% de l’énergie provient de sources conventionnelles (charbon, gaz, pétrole), d’ici 2050 ce sont les énergies renouvelables (solaire et éolienne en particulier) qui devraient prendre le dessus à 63% [2]. Les initiatives politiques et règlementaires en ce sens devraient se multiplier et continuer à nourrir les avancées technologiques tout au long de la chaîne de valeurs des sources renouvelables permettant ainsi de les rendre rentables. Ainsi, c’est grâce au progrès technologique que le prix d’équilibre (ou breakeven) de la production d’électricité solaire est passé de plus de 350 dollars en 2009 à 42 dollars aujourd’hui, alors qu’il s’établit à 102 dollars pour le charbon et 151 dollars pour le nucléaire [3]. Au cours des prochaines décennies, les investissements en infrastructures (principalement électricité et eau) devraient s’accélérer, d’autant plus qu’elles représentent déjà une classe d’actifs privilégiée pour les investisseurs institutionnels. C’est en effet cette classe d’actifs qui arrive en tête de classement pour les assureurs : elle offre un retour sur investissement ajusté du coût du capital règlementaire à horizon 10 ans de 5,5% [4].

Peu de changements dans les stratégies multi-gérants Invesco au mois de décembre. Sur la partie actions, le niveau d’investissement demeure élevé sur l’ensemble des grandes régions, avec une préférence un relèvement du Japon et de l’Europe récemment pour certains portefeuilles. Si les marchés américains continuent de très bien performer, leurs valorisations relatives deviennent élevées et une surpondération importante vis-à-vis des autres régions devient plus difficile à justifier, malgré un momentum toujours particulièrement porteur pour les Etats-Unis. Tant que les taux se maintiennent à des niveaux très bas, la prime de risque action reste très attractive. Nous continuons à privilégier le crédit sur la partie obligataire, puisqu’il bénéficie d’une prime de risque décente, bien qu’en baisse significative. Dans un contexte de relative stabilité macro-économique, cette classe d’actifs présente un avantage sur les obligations gouvernementales, comme c’est le cas depuis le début du mois d’août. Sur la partie devises, une exposition modérée au dollar américain est maintenue et des devises émergentes à haut rendement demeurent privilégiées.

Comme c’est bien souvent le cas en début d’année, le consensus des analystes attend une progression des bénéfices de l’ordre de 10% en 2020. Comme c’est bien souvent le cas, le consensus passe le plus clair de l’année à ajuster ses anticipations aux résultats publiés au fil du temps, très généralement à la baisse.

Alors que la forte hausse des marchés de l’année dernière s’explique en grande partie par une expansion des multiples, une hausse effective des bénéfices serait la bienvenue pour que les valorisations n’atteignent pas des niveaux trop élevés. Taux d’intérêt et niveau général de la croissance économique seront déterminants, et intimement liés l’un à l’autre. D’ici là, et en l’absence de signes avant-coureurs d’une récession imminente, les premières semaines de l’année s’annoncent sous de bons auspices.

Bernard Aybran , Janvier 2020

Notes

[1] Source Agence Internationale de l’Energie

[2] Source Brookfield

[3] Source Brookfield

[4] Source Invesco

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