QE : la Banque du Japon prend le relais

La Banque du Japon a annoncé l’extension de son programme d’achats d’actifs à 80 000 milliards de yens (contre actuellement 60-70 000 milliards) par an : Andrew Rose, gérant actions japonaises, et Keith Wade, chef économiste et stratégiste de Schroders s’intéressent aux détails de cette annonce, ainsi qu’à ses conséquences probables.

L’analyse d’Andrew Rose, gérant de fonds spécialiste des actions japonaises :

Aujourd’hui [1] était un jour clé en termes d’actualité pour les marchés d’actions japonais : c’est le jour où les publications de résultats semestriels ont été les plus nombreuses, le fonds de pension du gouvernement japonais (GPIF) a confirmé ses nouveaux objectifs d’allocation d’actifs, et la Banque du Japon a annoncé une extension considérable de son plan d’achats d’actifs (assouplissement quantitatif et qualitatif). C’est cette dernière nouvelle qui a dopé le marché des actions nippones, qui s’est inscrit en hausse de 4,3 % sur la seule journée du vendredi 24 octobre et fait chuter le yen de 2,2 % par rapport au dollar américain.

Plus que son contenu, c’est le moment de l’annonce de la banque centrale qui a surpris les marchés. Conforté par les déclarations du gouverneur de la Banque du Japon (BoJ) Haruhiko Kuroda pas plus tard qu’il y a quelques jours, le consensus estimait en effet que la politique monétaire resterait inchangée au cours de la vingt-deuxième réunion consécutive de l’institut d’émission. La BoJ a pourtant revu à la baisse ses prévisions de croissance et d’inflation tout en annonçant une augmentation significative de ses achats d’emprunts d’État (JGB), d’ETF et de J-REIT, ainsi qu’un allongement de la maturité restante de son portefeuille de JGB et sa volonté de n’imposer aucun plafond financier ou temporel à sa nouvelle politique.

Les autorités monétaires justifient cette volte-face soudaine (votée par 5 membres contre 4) par la persistance d’une inflation faible dans un contexte de performance économique moins bonne que prévu, à la suite de la hausse de la TVA en avril et de la baisse récente des prix des matières premières.

Cet arsenal sera-t-il efficace ? En simples termes de flux de fonds, cette intervention va probablement aplatir encore davantage la courbe des taux, soutenir les prix des actions et éventuellement affaiblir le yen, même si le taux de change effectif réel atteint déjà des plus bas.

Les sceptiques dénonceront la nature fondamentalement très risquée de ce nouveau dispositif et se demanderont en quoi la prolongation d’un plan entamé en avril 2013 rendra ce dernier plus efficace.

Les adeptes de la théorie du complot remarqueront l’heureuse coïncidence entre l’annonce de la réduction de l’allocation obligataire du GPIF et l’extension des achats d’obligations de la banque centrale. Ils en concluront peut-être que celle-ci prépare le terrain au Premier ministre Shinzo Abe avant qu’il procède au second relèvement prévu de la TVA.

L’analyse de Keith Wade, chef économiste et stratégiste de Schroders :

Dans un élan joliment coordonné, la BoJ accélère ses achats d’actifs juste au moment où la Réserve fédérale américaine réduit son propre plan d’assouplissement quantitatif (QE). Les autorités japonaises se sont prononcées in extremis pour une extension de la base monétaire consacrée à ses achats de JGB, d’ETF et de REIT, à 80 000 milliards de yens par an contre 60 à 70 000 milliards précédemment. Les investisseurs qui redoutaient la fin du QE à Washington peuvent maintenant chercher du réconfort auprès de Tokyo.

Cerise sur le gâteau, le fonds de pension du gouvernement japonais (GPIF) a annoncé l’augmentation de son allocation aux actions. À ces propos, le marché d’actions japonais s’est inscrit en hausse et le yen s’est déprécié, mais n’oublions pas qu’ils font suite à une période de croissance décevante durant laquelle il devenait de plus en plus évident que la banque centrale n’atteindrait pas son objectif d’inflation. L’inflation sous-jacente représente à peine 1 % une fois exclu l’impact de la hausse de la TVA, soit bien moins que les 2 % visés par les autorités monétaires.

Il y a un moment que nous prévoyons ce type d’intervention, car nous avons toujours douté de la capacité de l’économie à résister à l’augmentation de la taxe sur la consommation.

En effet, la croissance des salaires a bien accéléré mais pas suffisamment pour compenser le durcissement budgétaire, si bien que les ménages nippons ont en fait vu leur revenu réel diminuer. Dans ce contexte, les dépenses de consommation n’étaient pas en mesure de ramener l’économie à un taux de croissance tel qu’il aurait généré des tensions inflationnistes. La croissance des échanges commerciaux s’est aussi révélée décevante, ce qui est incontestablement dû au ralentissement de la Chine.

Ces tendances défavorables seront probablement appelées à perdurer : une autre hausse de la TVA est prévue pour octobre prochain et l’économie du principal partenaire commercial du Japon risque de continuer à tourner au ralenti. On a cependant vu que les autorités n’hésitent pas à prendre des mesures s’il apparaît que les objectifs ne pourront être atteints. Pour répondre à ceux qui doutent des politiques Abenomics, le Japon en remet une couche

Andrew Rose , Keith Wade , Novembre 2014

Notes

[1] Vendredi le 31 octobre suite à l’annonce surprise de l’extension par la Banque du Japon de son programme d’achats d’actifs, et la confirmation, par le fonds de pension du gouvernement japonais (GPIF), de ses nouveaux objectifs d’allocation d’actifs.

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