La complexité du système réglementaire menace le financement de l’économie, selon une étude d’Allen & Overy

La démarche réglementaire, qui encadre le système financier, manque de cohérence et handicape le financement de la croissance économique, révèle une étude publiée le 5 décembre par Allen & Overy.

Le rapport ‘The Future of Credit’, commandé en prévision du rapport du Conseil de stabilité financière (CSF) sur le renforcement de la surveillance et de la réglementation des fournisseurs de crédit alternatifs, dresse un état des lieux de l’impact de la réglementation sur l’offre de crédit au niveau mondial mettant en lumière la confusion et l’incertitude engendrées par le poids croissant des obligations réglementaires.

Alors que, entre autres, les contraintes découlant de Bâle III pèsent déjà sur les prêts bancaires classiques, le cadre réglementaire proposé par le CSF fait planer un doute sérieux sur la capacité des intermédiaires de crédit non-bancaire à combler le déficit de financement laissé par les banques. Cet aspect est d’autant plus préoccupant que les statistiques du CSF montrent que les banques sont les seules institutions à avoir augmenté leur part d’actifs financiers au cours des cinq dernières années (plus 26,6 trillions de dollars US depuis 2007), mais que les niveaux de crédit restent plafonnés.

Malgré les avantages que les fournisseurs alternatifs peuvent offrir pour l’économie réelle, l’annonce du CSF suggère qu’ils doivent se préparer à être soumis à une réglementation comparable à celle du secteur bancaire. Ce constat ignore le fait que les différents acteurs des marchés financiers ont des degrés de risque systémique différents, et peuvent même ne justifier aucune intervention.

Dans le contexte d’une multiplication des règles financières, qui devrait compter jusqu’à 60 000 pages de nouvelle réglementation bancaire au seul niveau de l’Union européenne, Allen & Overy estime qu’il faudra des années pour clarifier la portée de ces règles de plus en plus nombreuses, créant ainsi confusion et incertitude sur le marché et conduisant à une période prolongée de paralysie du crédit.

Alistair Asher, Directeur du groupe institutions financières chez Allen & Overy, commente l’étude : "Nous pensons que les décideurs politiques doivent réfléchir aux mesures qu’ils peuvent prendre afin de libérer l’offre de crédit, que celui-ci provienne de sources traditionnelles ou alternatives. S’ils ne parviennent pas à adopter une approche radicale sur cette question, nous estimons que les entreprises continueront à avoir des difficultés à accéder aux financements, ce qui aurait des conséquences évidentes sur la croissance économique en général."

Etay Katz, associé spécialisé en réglementation financière et bancaire chez Allen & Overy, ajoute : "Les règles, de plus en plus nombreuses, sont excessivement complexes, et la cohérence, au niveau du système, nécessaire pour favoriser un financement ordonné de l’économie fait défaut. Cette situation inhibe le financement de crédit dans le système financier mondial au lieu de le faciliter. À long terme, une réglementation excessive pourrait également détériorer les domaines de l’activité financière qui sont actuellement compris et maîtrisables, donnant lieu à de nouveaux types de financement moins contrôlables et plus imprévisibles."

Principales conclusions de l’étude ‘The Future of Credit’ :

- Des opportunités pour les fonds d’investissement : dans la plupart des pays européens, il existe une possibilité accrue que des fonds d’investissement faiblement réglementés et non-réglementés puissent fournir du crédit. Reste à savoir si les propositions du CSF signifient qu’il s’agit d’une tendance à court terme avant que le robinet réglementaire ne vienne couper les flux de crédit, si utiles, en provenance de ce secteur. Il est également peu probable qu’ils parviennent à combler le déficit de financement à eux seuls, ne représentant qu’un élément de la solution globale ;

- Du temps pour réaliser le potentiel des compagnies d’assurance : malgré l’incertitude qui entoure toujours les propositions de Solvabilité II en Europe, le marché de l’assurance possède toujours un important potentiel non exploité. La question de savoir si les régulateurs vont les encourager comme source de financement alternative et dans quelle mesure est à ce jour sans réponse. Mais la neutralité des perspectives réglementaires pourrait être considérée comme positive compte tenu de la situation concurrentielle relative des compagnies d’assurance par rapport aux autres acteurs du marché ;

- Les régulateurs ont la possibilité de libéraliser les fonds européens coordonnés (OPCVM) : les fonds européens coordonnés (OPCVM) constituent clairement une source de financement dans les marchés des obligations et des obligations sécurisées. Les régulateurs ont ainsi l’occasion de libéraliser ces structures afin de leur permettre de jouer un rôle plus important dans les marchés du crédit ;

- Les banques restent le pilier : il est clair que parmi tous les acteurs du marché, les banques se trouvent en butte aux plus fortes pressions des régulateurs, les répercussions de cette situation étant déjà apparentes. Mais malgré tous les changements, elles resteront les acteurs centraux lorsqu’il s’agit de structurer les grandes opérations financières complexes, dans lesquelles il faut pouvoir accéder à plusieurs sources de capitaux. La valeur des actifs financiers intermédiés par les banques restent deux fois plus élevée que pour tout autre groupe et les banques sont les seules institutions, en-dehors des banques centrales, dont la part d’actifs a augmenté depuis 2007.

Etay Katz ajoute : "Bien que notre étude fasse état d’une évolution potentielle de l’offre de crédit, la question principale est de savoir si l’ampleur de cette évolution réussira à compenser le déficit de financement créé par la réduction des niveaux d’activité bancaire dans le monde. Il est incontestable qu’il faille instaurer une meilleure régulation financière. Une démarche macroéconomique et plus globale, visant à trouver le juste équilibre entre la gestion du risque et la relance de l’offre de crédit, nous semble nécessaire. En l’absence d’une telle approche réfléchie et équilibrée, il existe un risque sérieux de rentrer dans une période de paralysie prolongée qui étoufferait la croissance économique."

Brice Henry, associé spécialisé en réglementation financière et bancaire chez Allen & Overy Paris, ajoute : "A l’échelle de la France, les banques font également face au renchérissement du coût du crédit et sont obligées d’initier de nouveaux schémas de financement. Les entreprises d’assurance ainsi que les gérants de fonds bénéficient d’ores et déjà d’une réglementation française propice au développement de sources alternatives de financement."

Next Finance , Décembre 2012

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