Fed et frustrations

Selon Sander Bus, Responsable Crédits High Yield et Victor Verberk, Responsable Crédits Investment Grade chez Robeco, le temps des rendements faciles et satisfaisants est révolu. La répression financière par les banques centrales ne peut empêcher une volatilité accrue, le cycle de crédit touchant à sa fin et les investisseurs étant très actifs...

La croissance américaine devrait se maintenir à un rythme modéré de 2 %. Le cycle économique de l’Europe reste comme d’habitude à la traîne par rapport à celui des États-Unis.

La croissance européenne s’améliore, certes à partir d’une base faible, mais cela contribue toutefois à une légère embellie des prévisions d’inflation. Sur les marchés émergents, la convergence des taux de croissance avec ceux des marchés développés se renforce. Dans une certaine mesure, ces économies ont toutes un point commun : la pénurie en matière de demande agrégée et une indigestion de dettes. À travers le globe, les décideurs politiques optent pour la même solution : faire marcher la planche à billets. Cette situation pourrait bientôt commencer à s’inverser aux États-Unis, mais nous ne sommes pas convaincus que cette transition se fera en douceur.

Deux choses sont en train de changer. Premièrement, le cycle de crédit américain devient défavorable. Le ré-endettement des entreprises s’accélère et les marges ont atteint un sommet. Deuxièmement, la répression financière des décideurs politiques entraîne une volatilité accrue du marché pour de nombreuses classes d’actifs. Les investisseurs surveillent de manière obsessionnelle le positionnement des taux directeurs, ce qui se traduit par des frustrations. À cela s’ajoute le manque de liquidité dû à la saison estivale. Cela nous permet de conclure que la période à venir sera moins favorable (pour de nombreuses classes d’actifs) dans ce cycle économique.

« Une nouvelle phase du cycle économique »

Lors de nos dernières réunions sur les perspectives trimestrielles, nous avions abordé le sujet de l’instinct grégaire des investisseurs se comportant comme ‘des moutons’ et nous avions mis en garde contre une certaine complaisance. Il est bien entendu impossible de prévoir les revirements des cycles de marché ou même des cycles économiques. Il faut en effet que plusieurs mois se soient écoulés pour réaliser que le marché est entré dans une nouvelle phase en termes de bénéfices, de PIB ou de spreads de crédit. Nous avions abordé le simple fait qu’après sept bonnes années, il est souvent normal d’assister à une mauvaise année. Si cela ne semble peut-être pas très scientifique, les cycles des bénéfices existent pourtant bien. Après plusieurs années de normalisation sur le marché du logement, de l’industrie automobile et même dans une certaine mesure des dépenses d’investissement, il est logique de se préparer à une récession aux États-Unis dans les deux prochaines années. Quelles seraient les conséquences sur le comportement des investisseurs après de longues années d’excellentes performances ?

Nous avons régulièrement abordé le sujet de cet instinct grégaire, car nous tentons de comprendre les flux de capitaux et ce qui pousse les investisseurs à agir comme ils le font. Nous sommes toujours inquiets face au positionnement consensuel des acteurs du marché.

Nous pensons en effet qu’un positionnement à contre-courant est mieux adapté à long terme. Et cela gagnera en importance. La liquidité monétaire a augmenté et la quête de rendement s’est traduite par une hausse des prix des obligations d’entreprises et des valorisations boursières, entraînant de manière générale une inflation des prix des actifs.

Cela a généré un comportement grégaire de la part des investisseurs ce qui rend d’autant plus important la bonne compréhension des flux de capitaux.

L’esprit animal

Les chapitres suivants, traitant des fondamentaux et des valorisations, abordent deux changements notables. En premier lieu, les entreprises américaines font actuellement preuve d’un réel « esprit animal ». En d’autres termes, elles se ré-endettent. Puisque l’argent disponible est presque gratuit et abondant, les rachats d’actions, les transactions en matière de dividendes et les fusions-acquisitions financées par l’emprunt atteignent des pics cycliques. Par ailleurs, étant donné que le cycle des bénéfices commence à montrer des signes de retournement (cf. chapitre ‘fondamentaux’), l’endettement des entreprises semble tendu. À cela s’ajoute le fait que la Fed entre lentement dans une phase de resserrement. Quel qu’en soit le rythme, l’ensemble du marché financier mondial est dopé (sous l’effet de la relance monétaire). Quelles peuvent en être les conséquences sur le comportement des investisseurs ?

En second lieu, la répression financière excessive a provoqué un nouveau phénomène caractérisé par des taux négatifs. Cela a renforcé la quête de rendements mais aussi le comportement grégaire. C’est ce qui explique le regain de volatilité sur les marchés des changes, les marchés obligataires et les marchés d’actions. Nous sommes tous trop focalisés sur les positions de la Fed et lorsque nous craignons des changements (ou une prévision de hausse des taux) nous sommes frustrés et déclenchons des ventes à sens unique sur un marché toujours plus ‘illiquide’. Entre-temps, les décideurs politiques ont si souvent revu leurs prévisions de croissance et d’inflation que l’on serait en droit de se demander pourquoi le marché leur fait tellement confiance.

Le comportement des entreprises américaines typique des fins de cycle et la répression financière qui entre dans une phase ne permettant pas d’éviter la volatilité nous font changer notre façon de voir les marchés. Cela mis à part, le cycle économique touche à sa fin et les récessions restent un phénomène normal. À partir de maintenant, les positionnements seront probablement beaucoup plus neutres en termes de bêta.

Nous restons positionnés sur le premier quartile de notre budget. Toutefois, le bêta sera régulièrement remis à un niveau neutre. Nous faisons néanmoins une exception pour les marchés émergents. Si nous visons un bêta neutre, nos critères plus rigoureux en matière d’investissement se traduiront probablement, au final, par une position sous-pondérée.

Pourquoi ne pas être immédiatement sous-pondéré ? Parce que les marchés ont anticipé un léger élargissement des spreads et qu’il n’y a tout simplement pas assez de signes tangibles de défauts ou de récessions sur un horizon trimestriel.

Fondamentaux

La situation européenne continue de s’améliorer

En Europe, il n’est pas difficile d’être satisfait en termes de croissance. Les derniers chiffres en provenance de l’Italie ont été lamentables dans un contexte international, mais ils ont toutefois contribué à dissiper quelque peu les craintes de déflation. Tout est relatif. Néanmoins, il est clair que les premiers signes d’amélioration de l’activité économique sont toujours visibles. Les données du marché du travail sont en amélioration et l’euro s’affaibli, cela a contribué à stimuler les exportations de 8 % en glissement annuel. La périphérie montre en particulier des signes d’amélioration. Il n’y a pas qu’une devise bon marché qui est favorable aux taux de croissance de la périphérie, mais aussi l’assouplissement des mesures d’austérité. En Europe, l’écart entre les diverses économies est souvent important. Alors que l’on assiste cette fois à une légère amélioration de la périphérie avec l’Irlande largement en tête, la Finlande et la France sont quant à elles décevantes. La croissance de l’emploi dans ces deux pays est en territoire négatif. Nous n’assisterons pas de sitôt à des hausses de salaires en Europe.

La BCE vient de commencer son programme d’assouplissement quantitatif. Cela a amélioré les coûts de financement et, associé à toutes les autres mesures, il semble que la croissance du crédit soit de nouveau positive. D’un point de vue historique, la masse monétaire est un bon indicateur avancé des indices PMI. Si cela se confirme dans le futur, nous prévoyons une poursuite de la reprise de l’activité économique. Nous pensons toutefois que nous n’assisterons pas de sitôt à un resserrement progressif (’tapering’) en Europe.

Nous avons souvent mentionné le cycle CRIC (Crisis, Response, Improvement et Complacency). Celui-ci est toujours d’actualité, comme le montre la saga grecque. Chaque fois que l’on traverse une crise (C), les décideurs politiques apportent une réponse (R). Le calme revient sur les marchés et ceux-ci enregistrent une amélioration (I) jusqu’à ce que la complaisance (C) s’installe à nouveau. Nous savons tous que la population grecque n’est pas en mesure de rembourser les dettes auxquelles elle doit faire face. Il est probablement juste de dire que le reste de l’Europe devrait y réfléchir. Un remède allemand trop fort pourrait entraîner des troubles sociaux et faire perdre le soutien politique pour le projet d’Union économique et monétaire européenne (UEM). Si une solution est trouvée pour résoudre le problème de la Grèce (les enjeux sont dans ce sens très importants des deux côtés), de longues réunions seront nécessaires et les compromis seront nombreux.

Il ne faut pas oublier que l’Espagne et l’Italie vont mieux en partie parce que ces pays ont reporté de nouvelles mesures d’austérité. Ces pays enregistrent de meilleurs taux de croissance au détriment d’une dette dont le poids se fait de plus en plus sentir. Pour l’instant, ce n’est pas un thème dominant sur le marché… Nous espérons que cela ne changera pas et que l’issue du cycle CRIC sera déterminante.

Le cycle économique atteint une phase mature aux États-Unis

Nous tenons toujours compte du fait que de nombreux pays peuvent être affectés par les conséquences du super cycle d’endettement. Il en va de même pour les États-Unis. Nous sommes dans la septième année d’expansion et l’économie américaine n’a jamais surpris à la hausse. Une fois de plus, le premier trimestre de l’année a montré que l’économie avait du mal à démarrer. Les raisons varient avec le temps. Cette fois, un choc pétrolier a provoqué une réduction brutale des investissements et les ménages ont augmenté leur niveau d’épargne grâce aux revenus supplémentaires générés par la baisse du prix du pétrole. La vigueur du dollar sera le prochain obstacle. Si la Fed provoque une nouvelle appréciation de la devise, cela sera un nouveau frein pour l’économie.

Toutefois, les signes d’un retour à la normale de l’économie américaine sont de plus en plus nombreux. La reprise se poursuit sur le marché du travail. La situation en matière de sous-emploi s’améliore à un très bon rythme. Par ailleurs, l’évolution démographique y est bien plus favorable que dans d’autres pays développés. Ceci est devenu un facteur déterminant qui renforce les écarts de croissance actuels entre les pays.

Le secteur bancaire s’est redressé et il a la volonté de prêter. Les indicateurs d’accès aux prêts indiquent tous que la croissance du crédit est positive et qu’elle le restera encore pendant un certain temps. Si l’on prend en compte le poids du service de la dette (en pourcentage des revenus disponibles), la situation est encore meilleure pour les ménages.

Au cours des dernières années, il n’y a pas eu de croissance des salaires en raison du surplus de main-d’oeuvre. Cette situation pourrait également changer. Les rémunérations sont en hausse et il arrive souvent que des entreprises signalent une pression salariale. Il est donc plus facile de dire que les pressions déflationnistes ont diminué aux États-Unis. À cela s’ajoute le fait que l’effet de base de la chute des prix du pétrole s’atténuera vers la fin de l’année et l’inflation globale pourrait même surprendre à la hausse.

Cela nous mène à une autre tendance moins positive. Pendant plusieurs années de suite, les entreprises ont été en mesure de licencier des travailleurs (réduction des coûts) et d’accroître leurs profits. En fait, exprimés en pourcentage du PIB, les profits sont à des niveaux record. Depuis plusieurs années, les marges ont augmenté et atteignent des niveaux auxquels nous n’avions plus assisté depuis les années 50. Toutefois, les profits exprimés en pourcentage du PIB ne semblent pas constituer un facteur très stable. Ils sont soit en hausse, soit en baisse, mais ils ne sont jamais stables très longtemps.

Ce raisonnement ne paraît peut-être pas très scientifique, mais c’est pourtant la vérité. Ceci s’explique par le fait que lentement mais sûrement, la population active demande une part plus importante des revenus. Ceci se fera au détriment de la rentabilité des entreprises.

Dans ce cadre, les ventes automobiles, le marché du logement et les cycles d’investissement ont tous énormément contribué à la reprise enregistrée sur les sept dernières années. Il est très peu probable que ces facteurs contribuent à nouveau. D’autres facteurs, (tels qu’une augmentation des dépenses publiques ou de la consommation par le biais d’une hausse de l’emploi), seront nécessaires pour que la croissance se poursuive. Actuellement, les entreprises utilisent de plus en plus les flux de trésorerie pour les rachats d’actions, les fusions-acquisitions et les dividendes et de moins en moins pour les dépenses d’investissement (surtout d’un point de vue historique). Aux États-Unis, l’endettement des entreprises a augmenté et est proche des plus hauts enregistrés en 2007. Si, à un moment donné, une récession cyclique survenait, la croissance de l’EBITDA (en glissement annuel) pourrait chuter d’au moins 10 %. Si cela se produisait, l’endettement des entreprises paraîtrait soudainement élevé.

Le Japon nous a appris quelque chose d’intéressant : les ratios de couverture des intérêts sont encore en hausse en raison du refinancement d’un endettement coûteux (coupon élevé). Donc, tandis que l’endettement augmente (dette par rapport au EBITDA), le service de cette dette devient plus facile. Cela rend les entreprises américaines plus sensibles à des hausses de taux. Toutefois, cela pourrait être le cas pendant de longues périodes sans que ce soit un problème. Il convient de remarquer que dans le cas des entreprises européennes, la tendance est très différente.

Les soldes de trésorerie sont très élevés et les niveaux de dettes n’ont pas encore commencé à augmenter. En Europe, le nouvel endettement des entreprises est à la traîne par rapport aux ÉtatsUnis, comme cela est le cas pour l’économie. Ce comportement plus prudent est dû de toute évidence à des perspectives économiques totalement différentes. Dans cette publication, nous avons choisi de consacrer une part plus importante aux États-Unis.

Nous pensons en effet que le comportement auquel nous assistons actuellement sera également observé en Europe dans quelques trimestres.

Il est trop tôt pour entrer sur les marchés émergents

En ce qui concerne les marchés émergents, nous nous limitons cette fois au plus important, c’est-à- dire la Chine. C’est bien simple, tous les indicateurs pointent vers le bas. Les investissements immobiliers sont en baisse, les prix des maisons ont chuté et le trafic de fret ferroviaire est négatif.

La Chine a une réelle volonté de mettre en place des reformes et tente de réorienter son économie vers un modèle basé sur la consommation plutôt que sur les investissements. Néanmoins, cela ne va pas sans provoquer certaines tensions. Le pays fait l’objet d’énormes pressions déflationnistes. Les niveaux d’endettement (certes financé par des capitaux internes) sont vraiment élevés. Les décideurs politiques ont, à certains égards, une meilleure maîtrise de l’économie. Lorsque la croissance économique ralentit trop vite, de mini-plans de relance sont annoncés.

Au bout du compte, la contribution de la Chine à la croissance a diminué, ce qui a également un impact sur les prix des matières premières. Les déséquilibres structurels sont encore très nombreux et le risque d’erreurs en matière de politique est également présent. Par exemple, la consommation de ciment par habitant et par an est supérieure aux pics enregistrés en 2006 en Espagne ou en Irlande. Et nous savons qu’il s’agissait-là de réelles bulles. D’un point de vue historique, de tels niveaux de consommation de ciment chutent de 80 % après le pic. C’est une bonne chose à savoir...

Conclusion : le cycle de crédit américain touche à sa fin

Le premier grand changement de ce cycle est que les entreprises américaines montrent actuellement un réel « esprit animal », non pas par le biais d’investissements dans la croissance future (dépenses d’investissement) mais par le biais de distributions aux actionnaires. L’endettement est en hausse et le cycle des profits semble avoir atteint un sommet.

Nous sommes de ce fait entrés dans une nouvelle phase de gestion du crédit. Il n’y a aucun problème à acheter de la dette d’une entreprise qui vient juste de se rendetter par le biais d’une opération de fusion et d’acquisition.

La situation est toutefois totalement différente lorsque l’on est victime d’une LBO juste après l’achat. L’écart de financement est alors négatif, ce qui signifie que l’offre en matière d’obligations est élevée sur le marché américain.

Tout ralentissement éventuel de la croissance deviendrait de ce fait plus douloureux. Les ventes automobiles présentent un pic cyclique, le marché du logement a beaucoup contribué à la reprise et les dépenses d’investissement se sont bien rétablies. Il est donc peu probable que ces événements se reproduisent. Le cycle économique touche à sa fin et l’endettement des entreprises est plus élevé. Nous devenons de ce fait plus prudents.

Valorisations

Des crédits Investment Grade moins onéreux

Pendant un moment, les marchés du crédit n’ont pas réagi du tout aux hausses des taux des obligations d’États et plus important encore ni à la volatilité accrue des taux. Ils ont toutefois fini par réagir début juin. Les marchés ont alors fait l’objet d’une réévaluation modérée. Les indices IG européens se sont élargis de 18 points de base, soit un niveau proche de 20 % depuis les dernières perspectives trimestrielles. L’élargissement enregistré par quelques-uns des secteurs à bêta élevé a été plus marqué, à l’image des obligations d’entreprise hybrides (55 pb, soit 25 %) et celles du secteur des assurances (70 pb, soit 29 %). Par ailleurs, les tensions liées à la Grèce ont fini par mettre un terme à la tendance de la périphérie qui se caractérisait par un resserrement continu. La périphérie s’est élargie de 31 % au cours des trois derniers mois. Les marchés émergents et le High Yield américain, qui ont assez bien résisté, sont les exceptions.

Nous avons été surpris par la surperformance du crédit émergent. Le ratio du crédit des marchés émergents s’est resserré par rapport à celui des marchés développés, ce qui signifie que sur une base corrigée du risque, le crédit des marchés émergents a surperformé.

Nous continuons de faire de notre mieux pour trouver assez de valeur relative au sein du crédit des marchés émergents par rapport au crédit des marchés développés. C’est d’autant plus le cas si l’on prend en compte les risques liés aux pays et les problèmes de gouvernance.

Le High Yield présente de la valeur

Le marché High Yield est connu pour sa résistance aux hausses de taux, ce qui s’est de nouveau vérifié. Cette classe d’actifs devient de ce fait un peu moins attractive, d’autres segments ayant subi des corrections plus importantes en termes de spreads. Nous sommes néanmoins d’avis que les niveaux de haut rendement compensent encore les risques. Nous ne prévoyons toujours pas de cycle de défaut imminent et le High Yield peut occasionnellement bénéficier de l’achat d’entreprises High Yield par des entreprises Investment Grade.

États-Unis contre Europe

Nous cessons de privilégier le marché du crédit américain. L’« esprit animal » s’intensifie. Il est tout aussi important que les risques d’ordre plus politique présents en Europe. Nous avons de ce fait une opinion neutre sur ces deux régions. Au bout du compte, la qualité de crédit est meilleure, de même qu’au sein des covenants High Yield. De ce fait, la faible prime de spread sur le marché américain pourrait s’avérer être un piège de la valeur à moyen terme. De plus, corrigé des disparités en matière d’échéances (le marché américain a une duration plus longue) et du swap de base, les écarts de spreads ne sont pas si élevés.

Marchés actions

Nous avons également examiné les valorisations du marché actions afin de déterminer si la situation était différente. Le fait est qu’aux États-Unis, les valorisations sont proches des niveaux enregistrés dans la période de la bulle des actions TMT. Par ailleurs, les rendements des actions du marché américain présentent la différence la plus élevée en 40 ans par rapport à l’Europe. Si l’on croit un tant soit peu à un retour à la moyenne des économies développées, les États-Unis semblent vulnérables. En examinant les ratios C/B prévisionnels, l’Europe paraît onéreuse. Si la croissance de la masse monétaire se poursuit sur le continent, les actions européennes semblent présenter un meilleur potentiel de hausse.

Dans tous les cas, la rentabilité des entreprises américaines enregistre des pics depuis un certain temps. Cela ne dure jamais très longtemps. Nous avons des indications que les rachats d’actions sont déjà en train de tirer la croissance des bénéfices par action.

Conclusion : un peu moins onéreux

Pour conclure, nous avons assisté à une correction modérée. Certains segments sont devenus beaucoup moins onéreux. Les obligations d’entreprise hybrides et les obligations du secteur de l’assurance, notamment, sont de nouveau bon marché. Le High Yield a bien résisté et le crédit émergent est encore trop onéreux. A noter sur la périphérie : ce segment de marché est parfaitement valorisé avec au niveau de l’indice une faible hausse de 20 pb par rapport aux grands pays européens.

Techniques

Les achats des banques centrales sont le principal moteur de performance des actifs

Nous allons maintenant aborder le deuxième grand changement annoncé dans cette publication. Jusqu’à présent, les niveaux de volatilité étaient faibles dans presque toutes les classes d’actifs. Toutefois, depuis l’assouplissement quantitatif de la BCE et l’éventualité d’un resserrement de la Fed, les choses ont changé. La volatilité des changes est en forte hausse, les marchés actions enregistrent une correction et les spreads de crédit ont commencé à s’élargir.

Comment est-ce possible alors que la BCE vient juste de lancer son programme d’achats d’un montant mensuel de 60 milliards d’euros ? La réponse est simple : la répression financière ne signifie pas une répression de la volatilité. Les acteurs du marché oublient parfois que depuis plusieurs années nous avons été poussés (comme des moutons) dans une seule direction, celle qui consiste à prendre plus de risques. Ainsi, au moment d’un retournement de cycle, d’un éventuel resserrement de la Fed ou d’un risque de débâcle en Grèce, nous réagissons tous avec une certaine frustration.

Nous espérons que rien ne change pour justifier nos positions consensuelles constituées au cours des récentes années d’expansion et notre instinct grégaire. Nous avons une position consensuelle longue sur les carry trades, le risque sur actions et les tendances des changes. La très légère capacité des courtiers-négociants à déplacer les risques n’améliore pas la situation.

Malgré l’assouplissement quantitatif, nous assisterons à une volatilité accrue, renforcée par un positionnent consensuel et par un cycle de crédit qui touche à sa fin. Cette situation pourrait entraîner une réévaluation des actifs.

Le principe de base n’a pas fondamentalement changé. À long terme, nous prévoyons une quantité sans précédent d’actifs à rendements négatifs. En dépit des récentes hausses du taux des Bunds allemands, la quête de rendement se poursuit. Toutefois, il reste à voir comment les investisseurs privés réagiront à des performances totales négatives. Nous craignons que la faiblesse des marchés se prolonge encore pendant plusieurs mois si l’on assiste à des sorties de capitaux.

Le contexte de taux négatifs est soutenu par une augmentation (et non pas une diminution) des abaissements des taux des banques centrales. Le rythme de ces abaissements de taux est égal ou supérieur à la période de 2008. Il est vrai que la tendance s’inverse sur de nombreux marchés émergents qui ont pris des mesures pour protéger leurs devises. Toutefois, il reste encore dans le monde un bon nombre de pays pour lesquels un assouplissement est toujours d’actualité.

Offre

L’offre en matière d’obligations d’entreprises est en hausse depuis le début de l’année. Ce qui est toutefois remarquable, c’est le comportement des entreprises américaines. Non seulement celles-ci augmentent leur endettement de manière plus active, mais elles émettent également massivement sur le marché en euros. Cela aura pour effet d’augmenter la synchronisation des cycles de marché dans le futur. Il ne manque plus que 10 milliards d’euros de plus d’émission d’obligations, dites reverse Yankee, et les États-Unis seront le deuxième pays le mieux représenté au sein du marché du crédit européen. La réduction des bilans des entreprises constitue un phénomène intéressant sur le marché européen.

Que se passe-t-il alors ? Les rendements négatifs sur de nombreux crédits ou obligations d’États poussent les directeurs financiers à utiliser les soldes de trésorerie qui sont très élevés. Au lieu de rachats d’actions, nous assistons à des rachats record d’obligations, ce qui est positif pour les marchés des obligations d’entreprises.

Conclusion : une volatilité accrue est à prévoir

Au cours des dernières années, les données techniques ont été déterminantes pour expliquer la faible volatilité et l’inflation des prix des actifs. Cela n’a pas changé dans le sens où la quête de rendement reste la même. Toutefois, une répression financière excessive et des décideurs politiques très convaincants nous ont tous poussé à faire la même chose, c’est-à-dire prendre plus de risques. Lorsque le cycle économique atteint une phase mature, que la Fed va peut-être procéder à un resserrement et qu’un retournement est possible sur le cycle de crédit et le cycle de taux, il faut s’attendre à plus de volatilité et non pas à moins de volatilité.

Positionnement

Premier quartile sur le budget de bêta

Nous avions déjà un bêta neutre plus tôt au cours du trimestre. Toutefois, suite à la récente correction, nous avons renforcé de manière sélective les segments qui présentent désormais de la valeur. Cette situation pourrait demeurer. Nous repasserons régulièrement d’une très faible surpondération à un positionnement neutre. Nous ne sommes pas convaincus qu’un cycle de défaut, des tensions sur les marchés émergents ou des interventions surprises de la Fed soient à prévoir. Il est donc trop tôt pour prendre des positions courtes sur les marchés développés.

Nous sommes plus prudents par rapport à nos perspectives précédentes, aussi bien en raison du cycle de crédit qui touche à sa fin aux États-Unis que de la hausse de volatilité prévue.

Il sera d’autant plus important de se focaliser sur les « dot plots » (les taux de la Fed) pour justifier les positions et de craindre les frustrations. La partie facile de cette expansion et de cette inflation des prix des actifs est terminée.

Régions contre secteurs

Nous n’avons pas de préférence pour les marchés du crédit des États-Unis ou de l’Europe. Nous mettrons plus que jamais à profit nos vastes ressources en matière de recherche pour équilibrer les portefeuilles par le biais de positions bien valorisées dans différents instruments, secteurs et régions.

L’amélioration de la solvabilité se poursuit dans le secteur financier. En cas de légère hausse des taux, ceci pourrait même être favorable aux actionnaires étant donné qu’il y a une bonne corrélation entre les marges nettes sur les intérêts et les niveaux de rendement.

Les marchés émergents restent trop onéreux. Nous prévoyons qu’ils enregistrent une légère revalorisation par rapport aux marchés développés, notamment suite au récent rallye. Par rapport à nos dernières perspectives, nous sommes moins préoccupés par le cycle de hausse des taux de la Fed.

Sander Bus , Victor Verberk , Juillet 2015

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