Comment un hedge fund britannique a trusté les réserves d’étain

Ebullio Management a réussi à contrôler jusqu’à quatre vingt dix pourcent (90%) des réserves mondiales d’étain, ce qui suscite l’ire des professionnels...

"That’s life/That’s what all the people say/You are riding high in April/Shot down in May...". Dans une interview accordée à Hedge Week l’été dernier, Lars Steffensen, le directeur du fonds alternatif Ebullio Management, ne pensait pas que cette référence à la chanson de Frank Sinatra serait analysée, reprise et labellisée à son propre compte par les médias spécialisés, deux mois plus tard.

Ebullio Management est en effet sous les projecteurs de la City depuis quelques semaines, après que le London Metal Exchange, première bourse de métaux non-ferreux, a annoncé qu’un fonds contrôlait désormais 90% des réserves mondiales d’étain.

Quelques acheteurs chagrins espèrent que les paroles du crooner américain deviennent réalité pour le hedge fund géré par ce discret Danois ; qu’après ce moment de gloire, la chute n’en soit que plus rapide.

L’histoire a d’ailleurs prouvé que toutes les tentatives d’accaparement d’une matière première s’étaient au final soldées par un échec retentissant, et sur des denrées plus prépondérantes que l’étain.

Ce métal est en effet relativement délaissé par les spéculateurs par rapport au cuivre ou à l’aluminium, sa valeur stratégique étant très inférieure. Il n’est essentiellement utilisé que pour la fabrication du bronze et des circuits électroniques, et sa production est largement excédentaire.

Mais l’opération d’achat massif des réserves d’étain contribue à faire exploser les prix, qui ont progressé de 40% depuis le début de l’année. Pour s’approvisionner, les industriels devront désormais prévoir une importante prime de 730 dollars par tonne sur les futures à trois mois auprès d’Ebullio Management, qui est donc accusé par les spécialistes de déséquilibrer ce marché déjà très volatile.

Des analystes s’étonnent de cette stratégie consistant à s’octroyer une position dominante à un moment où le prix de l’étain se situe autour de 15 000 dollars la tonne depuis le début de l’automne, 14 795 dollars mercredi, alors qu’il était sous la barre des 10 000 dollars il y a un an.

Les ressorts de cette stratégie se trouvent dans les propos tenus cet été par Lars Steffensen, qui indiquait s’attendre à un scénario de reprise en W. Autrement dit, Ebullio prévoit une nouvelle chute des marchés dans les mois à venir : "Les économies se sont redressées en raison d’un optimisme irrationnel et exubérant et à l’aide des mesures d’assouplissement quantitatif, mais cela ne sera pas suffisant, et un nouvel écroulement est à prévoir d’ici la fin de l’hiver 2010."

Le London Metal Exchange a indiqué que rien n’empêchait un fonds de s’octroyer de telles proportions d’un métal, tout en précisant que sa règlementation prévoit qu’un détenteur de plus de 90% d’une même denrée doit en transférer à une tierce partie pour assurer l’équilibre du marché. Diarmuid O’Hegarty, le directeur de la réglementation du LME, a expliqué que le marché n’était pas déséquilibré pour le moment et que cette situation inédite reflétait surtout l’incertitude sur l’avenir proche, avec "deux argumentations contraires sur l’idée qu’il y aura pénurie ou surplus dans les prochains mois." Malgré les excédents de production actuels, il n’y a en définitive que peu de mines importantes (au Pérou, en Bolivie, en Indonésie et en République démocratique du Congo).

Enregistré aux Iles Caymans mais basé à Southend-on-Sea, à l’est de Londres, au bord des sinistres ports britanniques, Ebullio a été créé en janvier 2008, et connaît depuis une ascension impressionnante sur les marchés du cuivre, de l’aluminium, du zinc, du nickel. Il a aussi lancé une filiale à Denver, aux Etats-Unis, où il trade sur le Nymex (argent, or, platine, palladium). Il vise un rendement annuel de 20 à 30%.

JH , Novembre 2009

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