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Chine – un atterrissage en douceur ou brutal ?

Perspectives économiques chinoises, atterrissage brutal ou en douceur ? Selon David Shairp Stratégiste, Global Multi Asset Group chez JP Morgan AM, même si ces deux thèses ne reflètent pas entièrement son point de vue, le risque extrême en Chine a été jusqu’à récemment sous-estimé par le consensus…

Les arguments du ralentissement en douceur.

Le risque d’un ralentissement brutal en Chine inquiète excessivement les marchés en raison de :
- (1) la surestimation de l’ampleur de la correction du marché immobilier et de son impact sur le secteur bancaire ;
- (2) les perspectives économiques trop prudentes et surtout
- (3) la tendance à sous-estimer la volonté des dirigeants du pays à intervenir et l’impact potentiel de leurs actions.

Une correction et non un effondrement du marché immobilier.

Les marchés n’ont pas intégré le fait que la correction du marché immobilier est en réalité souhaitable. Une poursuite de la hausse des prix risquait de provoquer des troubles sociaux, alors qu’une baisse des prix concomitante à une croissance des revenus contribue à améliorer la capacité d’achat immobilier des ménages. Le bilan des ménages est sain et peut tout à fait supporter un ajustement de 20 % à 25 % des prix de l’immobilier (la valeur des prêts hypothécaires se situant au maximum à 50 % de la valeur des biens). L’effet richesse liée à la baisse des prix immobiliers sur la consommation est moins important que dans les pays occidentaux, notamment aux Etats-Unis ; les ménages ne gageant pas leur maison pour financer leur consommation. Afin de stabiliser le nombre de cessions, le gouvernement peut soutenir le marché de manière sélective en ciblant les primo-accédants, contribuant ainsi à un ajustement plus graduel.

L’effet potentiel du ralentissement immobilier sur les banques est surestimé.

Les banques chinoises sont rentables et ont fortifier leurs bilans. De surcroît, les prêts hypothécaires des ménages et les crédits immobiliers commerciaux sont relativement faibles par rapport à la valeur des biens immobiliers. En cas de contraction du crédit, les promoteurs immobiliers pourraient vendre leur stock pour augmenter leurs liquidités ou lever de l’argent sur les marchés obligataires publics.

Le potentiel de hausse des exportations et des ventes de détail. Les indicateurs avancés du G3, qui ont tendance à devancer la croissance des exportations chinoises de cinq mois, ont touché leur point bas et la composante du dernier PMI relative aux nouvelles commandes à l’export suggère une accélération à venir de la croissance des exportations. De surcroît, les exportations vers les autres marchés émergents et asiatiques demeurent robustes. Les ventes de détail devraient également rebondir. En effet, l’arrivée à échéance (fin 2011) du plan de relance qui a incité les ménages à consommer a eu un contre-effet en début d’année qui devrait progressivement s’estomper. De plus, la reprise des petites et moyennes entreprises devrait améliorer la consommation au deuxième semestre.

Un gouvernement central fort d’une puissance de frappe.

La Chine se situe dans une phase de transition, cherchant à équilibrer les inconvénients à court terme de sa politique avec des bénéfices à long terme. Les dirigeants tentent de maintenir l’économie à flot, mais s’appuient sur des ajustements mineurs pour éviter un programme d’assouplissement du crédit de grande ampleur qui risquerait de biaiser les marchés. Cependant, le gouvernement peut à tout moment utiliser son bilan robuste pour protéger l’économie si nécessaire, la baisse de l’inflation et le rééquilibrage de la balance commerciale lui donnant plus de marge de manoeuvre pour intervenir. De nouvelles baisses des taux d’intérêt directeurs et des hausses ciblées des quotas de prêts pourraient accroître les crédits à l’économie, tant et si bien que la croissance de M2 devrait effectivement évoluer autour de 14 % sur un an en 2012.

Les arguments de l’atterrissage brutal.

L’histoire est du côté des tenants de la thèse du ralentissement brutal. Nous ne trouvons pas d’exemple historique d’une expansion monétaire suivie d’une contraction, sans que cela ne se traduise par un effondrement de l’économie. Or, le plan de relance chinois en 2008/2009, en réponse à la crise financière, a été extrême. La croissance de M2, exprimée en pourcentage du PIB de l’année précédente, a connu son taux le plus élevé de tous les temps, ayant augmenté de 47 % du PIB au plus haut au troisième trimestre 2009 (encore plus élevé qu’en 1993, niveau qui avait alors provoqué une envolée de l’inflation et une dévaluation en 1994). Depuis, ce taux de croissance a diminué sous l’effet d’une contraction significative du crédit, avant qu’une politique accommodante au quatrième trimestre 2011 ne produise une nouvelle accélération. La croissance actuelle de l’ordre de 32 % du PIB se compare à la moyenne de long terme de 26 %, mais le rythme de la décélération pourrait provoquer un atterrissage brutal de l’économie.

De surcroît, l’expansion monétaire a permis de masquer certaines failles structurelles. Durant les vingt dernières années, les autorités chinoises ont dû faire face à la migration la plus rapide de leur histoire, de la campagne vers les villes. Cela a eu un effet significatif et difficilement quantifiable sur le taux de croissance potentiel de l’économie, rendant difficile - voire impossible- son pilotage. Cela met en évidence la dépendance persistante de la Chine à l’égard des industries et des exportations, malgré la volonté des autorités, affichée dans le dernier plan quinquennal, de rééquilibrer l’activité en faveur de la consommation domestique. La bulle du crédit a également stimulé l’inflation sous-jacente et a contribué à augmenter les salaires de manière significative au cours des deux dernières années. Cela s’est traduit par une nette détérioration de la compétitivité : le taux de change réel chinois ne se situe qu’à 1 % de son plus haut historique survenu en décembre 1993 (juste avant une dévaluation de 33 %). Le ralentissement de la demande mondiale, combiné à un taux de change surévalué à ce stade du cycle, risque de provoquer une chute des exportations et donc un atterrissage brutal de l’économie. De surcroît, la fuite des capitaux est manifeste, avec la baisse des réserves de change au quatrième trimestre. Cela pourrait donner lieu à une nouvelle contraction monétaire, à même de faire éclater cette bulle.

Le fait que l’atterrissage brutal ne sera certainement pas visible dans les statistiques officielles complique l’analyse. En effet, la croissance du PIB réel n’est officiellement jamais tombée en-deçà du seuil de 6,5 % sur un an depuis que ces statistiques trimestrielles existent (18 ans). Le véritable indice serait un déficit commercial qui ne manquerait pas d’apparaître si la croissance des exportations se contractait, donnant lieu à des débats sur une perte possible de compétitivité. Le deuxième trimestre sera une période déterminante, dans la mesure où l’économie ne sera plus biaisée par l’impact du nouvel an chinois. D’autres signaux négatifs seraient par exemple : un retard dans la publication des statistiques officielles, une correction des prix des métaux ou des luttes de pouvoir de plus en plus vives à l’aube d’un changement de gouvernement.

David Shairp , Avril 2012

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