Bonus : la supertaxe pourrait rapporter au Royaume-Uni dix fois plus que prévu

Les grandes banques vont finalement renoncer à opérer des changements juridiques complexes et ne vont pas hésiter à augmenter fortement leurs bonus pour garder leurs meilleurs banquiers...

Cela vient d’être confirmé de façon officielle : la supertaxe exceptionnelle sur les bonus des banquiers supérieurs à 25 000 livres, mise en place en décembre dernier, pourrait finalement rapporter 3 milliards de livres. Soit beaucoup plus que les 550 millions initialement prévu.
Une enquête du Financial Times auprès des principales banques d’affaires présentes à Londres table même sur une collecte d’un minimum de 5 milliards et d’un maximum de 8 milliards !

Il semble en effet que les grandes banques vont finalement renoncer à opérer des changements juridiques complexes et ne vont pas hésiter à augmenter fortement leurs bonus pour garder leurs meilleurs banquiers. Les observateurs estiment que le gouvernement a clairement sous-estimé la volonté des banques de conserver leurs meilleurs éléments, quitte à y mettre le prix, et à ne pas privilégier le renforcement des capitaux propres. La question est particulièrement sensible pour une banque comme RBS, nationalisée l’an dernier, et qui affirme ouvertement sa volonté de conserver ou attirer les meilleurs éléments en y mettant le prix, quitte à déplaire à l’opinion publique.

Certains grands établissements, comme Goldman Sachs, ont réagi dans le sens du gouvernement, en plafonnant les bonus et salaires des 100 principaux banquiers à 1 million de livres chacun. Ce qui représente un sacrifice de plusieurs centaines de millions au final. Barclays a de son côté annoncé que 75% des bonus de ses principaux dirigeants seraient étalés sur trois ans.

Mais l’ensemble des acteurs semble bien déterminé à garder une politique de rémunération élevée.

Cette supertaxe sur les bonus alimente chaque jour les colonnes des journaux britanniques depuis des mois. D’aucuns voient dans la démarche du gouvernement travailliste (copiée dans les vingt-quatre heures suivantes par la France), une volonté d’amadouer les électeurs à six mois des élections générales.

Selon Angela Knight, CEO de la British Bankers’ Association, "il y a littéralement des centaines, voire des milliers d’emplois britanniques directement ou indirectement liés au secteur bancaires, et qui rapportent des milliards à l’Etat grâce aux impôts. Une partie de ces emplois est désormais en danger. Les politiques souhaitent de plus en plus ignorer ce danger, ou pire, ne pas y croire." Et d’enfoncer le clou avec une vérité historique : "Le Royaume-Uni a de tout temps construit de grandes industries comme dans l’acier, la construction de navires, l’ingénierie. Mais la suite de l’histoire, c’est qu’il les a aussi perdues, en les taxant trop, en les réglementant mal, en n’y investissant pas suffisamment, en prenant des mesures nuisant à leur compétitivité mondiale."

Michael Geoghegan, directeur générale de la banque HSBC, l’un des deux établissements "exemplaires" en termes de résistance à la crise, estime tout simplement que cette supertaxe est "étrange". "Elle va provoquer le départ de nombreux banquiers en Suisse et ailleurs. Je pense que lorsque vous changez votre système fiscale pour des raisons politiques, le problème est que toute l’industrie peut en faire autant." Il indique que ces réglementations rendront la City inattractive : "le Royaume-Uni mène la danse de la réglementation et il a touché à des questions très sensibles, à contre-courant du reste du monde. Clairement, le gouvernement britannique s’est trop précipité."
Peter Montagnon, directeur des investissements à l’Association of British Insurers : "Le Royaume-Uni est en dehors des clous au niveau international. Il aurait été moins compliqué que le gouvernement agisse avec les autres centres."

Le Financial Times se veut rassurant, en expliquant dans un éditorial que "les banques ne vont pas souffrir de la supertaxe", qu’"elles vont absorber tout ou partir du coût de la taxe en augmentant leurs bonus, même si elles doivent irriter le gouvernement et leurs actionnaires."

Par ailleurs, le projet de Barack Obama sur une taxe de 0,15% sur le bilan des grandes banques, et sur l’obligation de séparer les activités de banque commerciale et de banque d’investissement, ne remporte pour l’instant pas un franc succès sur la City. Le ministre des services financiers Lord Myners et le ministre des finances Alistair Darling s’y sont clairement opposés. Gordon Brown s’est pour l’instant montré plus nuancé.

JH , Janvier 2010

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