La situation sur le marché des métaux est aujourd’hui très
incertaine, en raison d’un contexte économique difficile à
lire, auquel s’ajoutent nombre d’éléments dont l’issue reste
difficile à prédire.
La tendance à long terme, elle, reste inchangée. Les besoins
en métaux pour réaliser la transition sont là et vont
durablement modifier l’équilibre offre/demande, poussant les
prix à la hausse.
Mais à plus court terme, le marché hésite pour plusieurs
raisons :
- Le changement de politique monétaire et la volonté
affichée de la Réserve fédérale américaine (Fed) de contenir
l’inflation en poursuivant sa remontée des taux fait craindre
une récession mondiale. L’Europe serait le Continent le
plus touché, mais Jamie Dimon (CEO de JP Morgan) faisait
remarquer récemment qu’il estimait à plus de 50 % la
probabilité d’une récession aux États-Unis. Une baisse de la
croissance porterait forcément un coup à la consommation
de métaux à court terme. C’est principalement cet élément
qui est aujourd’hui au moins partiellement « pricé » par les
marchés et qui explique la baisse de ces derniers mois.
- À cela s’ajoute la situation en Chine. Le maintien d’une
politique « zéro Covid » a touché la croissance de l’Empire
du Milieu et explique lui aussi la baisse de ces derniers mois
sur les métaux. Dans les dernières semaines, des nouvelles
rassurantes sur ce front avaient d’ailleurs permis aux
cours des métaux de se reprendre. Mais la recrudescence
du virus dans certains bassins économiques importants
du pays, et les restrictions de consommation électrique
dans certaines provinces en raison de la sécheresse
ont ravivé les craintes. Les mauvais chiffres des ventes
automobiles en Chine publiés le 22 août ont ainsi entraîné
une correction immédiate et violente sur le prix du
platine et du palladium, très utilisés dans cette industrie.
Mais la Chine met en place des mesures pour contrer ce
ralentissement. Après l’annonce du troisième plus gros plan
de relance de son histoire au début de l’été (infrastructure,
véhicules électriques, énergies vertes), les taux viennent
d’être abaissés à deux reprises et un plan de soutien à
l’immobilier en construction a été mis en place (celui-ci
devrait malgré tout rester fragile à court terme, les efforts
du gouvernement visant plus à gérer le « deleveraging » [1]
de l’activité). Ceci est important pour le marché des métaux.
À titre d’exemple, alors que la Chine est importateur nette
de zinc depuis plus de 10 ans, elle a été exportatrice nette
cette année. Toute reprise de l’activité en Chine se solderait
forcément par une reprise rapide des tensions sur l’ensemble
des métaux. Rappelons que la Chine consomme près de
50 % de tous les métaux produits dans le monde lorsque
son économie tourne normalement.
- Le décalage de cycle économique (en raison principalement
de la crise énergétique qui touche l’Europe) entre l’Europe
et les États-Unis entraîne aujourd’hui un resserrement
monétaire plus prononcé outre-Atlantique. Cela se ressent
sur la parité euro/dollar, avec le billet vert qui est aujourd’hui
à parité avec l’euro. Ceci n’est pas sans conséquence sur les
matières premières, les échanges internationaux sur ces
produits étant libellés en dollars.
- La crise énergétique en Europe a des effets multiples. Elle
menace aujourd’hui la croissance de la zone, ce qui pourrait
potentiellement réduire l’activité économique et de ce fait
la consommation de métaux. Mais la forte hausse des prix
de l’énergie et du gaz en particulier est aussi en train de
contraindre la production de métaux raffinés. Ainsi, Glencore*
en fin d’année dernière et Nyrstar* tout récemment, ont
décidé de fermer des capacités de raffinage de zinc en
raison de coûts trop élevés. Alcoa* et Norsk Hydro* ont fait
de même dans le secteur de l’aluminium et ces fermetures
pourraient se multiplier, tant les marges des producteurs
sont négatives ! À court terme, le marché voit surtout
l’impact négatif sur la croissance, et peu les conséquences
des fermetures de fonderies. Pourtant, ces décisions sont
très structurantes : les usines ainsi fermées le resteront pour
au moins plusieurs mois quoi qu’il arrive. Certains évoquent
même le risque de fermeture définitive. Ainsi, lorsque
l’activité repartira ou que le développement de la transition
énergétique s’accélérera, le manque de ressources constaté
lors de la reprise en 2021 et qui a fait s’envoler le prix de
certains métaux, pourrait s’en retrouver exacerbé ! En cas
d’hiver rude ou de nouvelles tensions avec le gouvernement
russe, le prix du gaz pourrait contraindre d’autres capacités
à fermer en Europe, mais aussi au-delà. Rappelons que les
disponibilités en gaz liquéfié sont limitées et que, de ce fait,
la part obtenue par les européens est une part qui échappe
à d’autres nations ! Les prix du gaz devraient donc rester
élevés, au moins jusqu’à la fin du conflit ukrainien.
- La crise ukrainienne s’éternise. Si son impact a pour
l’heure été limité sur l’approvisionnement en métaux, un
durcissement pourrait nous contraindre à limiter également
nos importations de ces produits en provenance de
Russie. Rappelons que la Russie est un producteur majeur
d’aluminium, de nickel, de platine et de palladium.
- Malgré l’ensemble des craintes actuelles, les stocks de
métaux restent faibles et les structures de prix à terme
pointent toujours des tensions sur l’approvisionnement
à quelques mois. Par ailleurs, les positions ouvertes
sont aujourd’hui sur certains métaux, sur des niveaux
historiquement très défensifs. Le potentiel de baisse semble
donc désormais limité.
En résumé, la lisibilité des marchés de métaux à court terme est très limitée, mais une nouvelle baisse ne peut être
exclue en particulier avec le ton très « hawkish » [2] de la Fed lors du symposium de Jackson Hole du 25 au 27 août.
Mais les problématiques de long terme restent entières et pourraient même s’aggraver du fait des fermetures de capacités
de production métallique. Cette nouvelle demande « verte » n’est pas une demande hypothétique à venir, elle a déjà
commencé. À titre d’exemple, en Chine, depuis le début de l’année, la croissance de la demande dans les énergies vertes
(véhicules électriques, ENR et réseaux) fait plus que compenser la perte de consommation liée au ralentissement du
secteur immobilier (+553 kt de cuivre vs. -431 kt en estimé sur 2022). Pour l’heure, le marché se focalise sur la baisse de
« l’ancienne économie » et ne voit pas l’émergence de cette nouvelle demande.
Aussi, à court terme, les décisions monétaires pourraient continuer à peser sur les prix, mais à moyen terme, nous considérons
que le potentiel haussier reste intact, et est même renforcé par les fermetures résultantes de la crise énergétique actuelle.