Les hedge funds : une solution pour le rendement et la diversification post-AQ ?

Alors que vient de s’achever une année d’investissement positive pour les hedge funds (HF), j’ai récemment assisté à la réunion annuelle la plus célèbre du secteur. J’en suis reparti avec un certain nombre d’observations et d’idées sur cette industrie qui est aujourd’hui convaincue que le sentiment de marché et le cycle économique sont en train de tourner en sa faveur.

La 20e Morgan Stanley Breakers Conference, un événement annuel qui s’est tenu à Palm Beach aux Etats-Unis, a réuni les principaux gérants et investisseurs mondiaux de hedge funds. Ces derniers y ont abordé des thèmes clés relatifs au secteur qui, il faut en convenir, a connu une décennie difficile. Cependant, après la performance de 2017 [1] - la meilleure en quatre ans, avec 12 mois consécutifs de résultats positifs -, de nombreux débats se sont fait jour quant à savoir si les HF étaient à l’aube d’un tournant.

Bien que les arguments pour ou contre l’idée de ce changement radical aient été aussi convaincants les uns que les autres, il est en fait trop tôt pour pouvoir se prononcer. Des tendances favorables au secteur se manifestent néanmoins clairement. Parallèlement à une nette amélioration de la performance, l’année passée a vu croître l’ensemble des actifs sous gestion, la restructuration des frais progresser significativement et le nombre de nouvelles stratégies arrivant sur le marché augmenter. Après cinq trimestres consécutifs de sorties nettes, près de 50 milliards de dollars ont été investis dans le secteur en 2017. Alors que la plupart des participants au forum se préparent à entrer dans une nouvelle phase du cycle de vie des hedge funds, il reste beaucoup de leçons à tirer des hauts et des bas vertigineux de ces 20 dernières années.

1.Rendements annuels de l’indice HFRX Global HF Index par rapport au cash (USD) + 5% depuis 1990

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Source : Hedge Fund Research

L’âge des extrêmes

En 1997, il n’y avait que 380 hedge funds sur le marché, totalisant un montant de USD 375 milliards sous gestion, avec une offre dominée par les stratégies equity hedged et global macro. Aujourd’hui, il existe environ 8 000 hedge funds, qui gèrent USD 3,5 billions au moyen d’innombrables stratégies : long/short equity, crédit, distressed, event driven, etc. Au cours de ces deux décennies, les performances ont oscillé d’un extrême à l’autre, l’indice HFRX Global HF ayant enregistré une moyenne de 14,2% entre 1990 et 2007 contre 6,3% entre 2009 et 2017.

2. Evolution du secteur des hedge funds depuis 1990

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Source : Hedge Fund Research

L’environnement de taux d’intérêt proche de zéro qui a suivi la crise financière mondiale a provoqué des rendements des actifs risqués classiques défiant les lois de la gravité et a favorisé des stratégies de compression de la volatilité dans tous les domaines. La période 2014-2016 a été l’une des plus difficiles pour le secteur des HF, une période qui a coïncidé avec des taux d’intérêt comprimés et la montée de l’investissement passif.

Passif-agressif

Les ETF, réputés pour leur faible coût, ont attiré un montant record de USD 490 milliards en 2016. Au cours de la même période, les investisseurs en HF ont retiré USD 70 milliards, soit la sortie annuelle du secteur la plus importante en sept ans.

Situés des côtés opposés du débat actif / passif, les HF et les ETF sont souvent, et à mon avis à tort, considérés comme antagonistes. Les férus d’investissement passif diront qu’un réseau d’information mondial très efficient minimise les erreurs de valorisation des actifs : Internet et les régulateurs s’assurent que les informations sensibles soient mises simultanément à la disposition de tous les investisseurs. Dans un tel environnement, prétendent-ils, les investisseurs actifs ont peu de valeur ajoutée. Les partisans de l’investissement actif soutiennent quant à eux que les flux des ETF ont créé des marchés dissociés des fondamentaux sous-jacents et qui évoluent au même pas. Les actions des entreprises à grande capitalisation sont ainsi devenues surévaluées, le risque systémique a augmenté et les marchés sont plus vulnérables aux ventes massives.

Alors que les investisseurs sont clairement attirés par le coût réduit et la transparence perçue des instruments passifs, les ETF ne représentent pas le seul problème auquel le secteur des HF fait face. Les défis structurels, dont le surpeuplement du secteur qui a incité de plus en plus de fonds à poursuivre les mêmes opportunités, ont bouleversé la trajectoire des hedge funds.

Pour y répondre, la majorité des gérants de HF ont commencé à investir dans le talent, la technologie et l’innovation afin de faire face à la prochaine génération de perturbations.

Ce travail a été en partie récompensé en 2017, le sentiment ayant montré des signes de retournement. Selon Preqin [2], la proportion d’investisseurs satisfaits par les rendements des HF par rapport à ceux qui en ont été déçus s’est nettement accrue au cours de la période, tout comme le nombre d’investisseurs ayant l’intention d’augmenter leurs allocations au cours de l’année à venir par rapport à ceux voulant les diminuer.

Il n’est guère surprenant que cette tendance semble se produire à un moment où le marché est confronté à une période de normalisation de la politique monétaire et où les fondamentaux sont sur le point de se réaffirmer. L’investissement passif conduit au final à une allocation erronée du capital, accordant une exposition aux actions en fonction de leur capitalisation boursière plutôt que de leurs mérites réels. À l’avenir, il est clair que les investisseurs auront de plus en plus intérêt à investir dans des sociétés sélectionnées en fonction de la qualité de leur gestion, de leurs bilans, de leurs produits, de leurs services et de leurs valorisations.

Si nous admettons que les flux des investissements actifs vers les passifs ont transformé les marchés, la « normalisation » cyclique de ces distorsions pourrait à l’avenir offrir de grandes opportunités, notamment pour les investisseurs actifs et les gérants de HF. Dans le même temps, et étant donné les incertitudes de notre monde, toute correction significative du marché pourrait provoquer les pertes les plus lourdes chez les investisseurs purement passifs.

Hedge funds et taux d’intérêt

L’incapacité des investisseurs à atteindre leurs objectifs de rendement sur les marchés obligataires a souvent eu comme conséquence que des actions versant des dividendes attirent une prime autrement non garantie, les gérants actif-passif et les investisseurs obligataires se tournant vers les actions. Ces achats décorrélés de la valorisation ont contribué à faire grimper les multiples sur de nombreuses sociétés à faible croissance, sans doute au-delà de niveaux qui pourraient être justifiés dans d’autres circonstances.

Ce scénario se perpétue de lui-même, car l’incapacité des sélectionneurs actifs à générer de l’alpha incite les investisseurs à passer à des produits indiciels à faible coût et à des produits indiciels « améliorés ». Ceci a pour effet d’augmenter les corrélations transversales et de réduire la dispersion, diminuant d’autant les opportunités alpha.

L’augmentation des taux d’intérêt devrait provoquer un début de détente de ce phénomène. La hausse du coût du capital oblige en effet à une plus grande sélectivité dans l’allocation du capital et incite au final les entreprises dont les bilans sont les plus faibles à rationaliser et à restructurer. Les pires excès en dépenses en capital apparaissent alors au grand jour et les marchés de capitaux se ferment progressivement aux émetteurs les moins solvables. La hausse du coût du capital augmente ainsi la dispersion des résultats des entreprises et, par conséquent, celle des cours boursiers.

Quelle place dans les portefeuilles ?

Conjointement aux faiblesses structurelles, le rendement atone des hedge funds au cours de ces dernières années peut être attribué à une combinaison de faibles taux d’intérêt, de faible volatilité, de fortes corrélations inter- et intra-marchés et d’impact des investisseurs insensibles à la valorisation. Tous ces vents cycliques contraires montrent aujourd’hui des signes clairs d’affaiblissement et les performances des HF se sont déjà améliorées dans tous les domaines, en phase avec ce contexte changeant. Au fur et à mesure que l’environnement de politique monétaire continue de se normaliser et que la volatilité reprend, nous voyons de plus en plus de raisons d’investir dans les HF.

Les HF permettent de diversifier les portefeuilles et offrent des sources alternatives de rendement dans un contexte de taux d’intérêt bas et en cours de normalisation à la hausse. En diversifiant les sources de rendement et en limitant le risque de perte, nous sommes convaincus que les HF peuvent renforcer la robustesse du portefeuille et améliorer les rendements ajustés au risque pour les investisseurs désireux d’accéder à cette classe d’actifs. Pour ces raisons, nous pensons que les placements présentant un profil de rendement convexe et pouvant potentiellement profiter d’un marché baissier s’insèrent judicieusement dans la construction de portefeuille.

Stéphane Monier , Février 2018

P.-S.

Investir dans des hedge funds n’est pas nécessairement adapté à tous les types d’investisseurs. Avant de ce faire, il est recommandé de solliciter les conseils d’un professionnel.

Notes

[1] La performance des hedge funds pour l’exercice 2017 a été de + 8,5%, telle que mesurée par l’indice HFRI Fund Weighted Composite Index. Il s’agit de la meilleure performance annuelle depuis 2013, portant la valeur record de l’indice à 14’054, selon les données publiées par Hedge Fund Research le 1er janvier 2018.

[2] Rapport Preqin Global Hedge Fund 2018.

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