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Dexia : un sinistre coûteux, des risques persistants

Le groupe bancaire privé franco-belge Dexia, confronté à une crise de liquidités, a fait l’objet d’interventions publiques à partir d’octobre 2008. La Cour des comptes, compétente à compter de cette date pour contrôler sa filiale française, a décidé d’examiner les conditions de création et de développement de cette banque, l’impact sur les finances publiques de son échec et les responsabilités en cause.

Ses observations se limitent à la partie française de Dexia, la Cour n’étant pas en capacité d’appréhender le volet belge.

1) Une stratégie porteuse de risques, que ni la gouvernance de Dexia ni les autorités de supervision n’ont su prévenir

La constitution du groupe transnational Dexia à partir de 1996 a souffert dès l’origine de faiblesses structurelles.

Le modèle financier de Dexia, atypique et fragile, reposait sur un financement de prêts à très long terme par des ressources de moyen terme et, pour une part importante, de court terme. La recherche d’une rentabilité toujours plus élevée et la distribution de dividendes substantiels aux actionnaires ont poussé à une croissance très rapide des actifs du groupe, y compris dans la période précédant immédiatement la crise.

Ce modèle supposait le bon fonctionnement du marché monétaire et un accès facile à ce marché grâce à une bonne notation financière. A partir de 2008, ces conditions n’ont plus été réunies, provoquant une grave crise de liquidités (septembre 2008).

Le conseil d’administration de Dexia, très dépendant d’équilibres binationaux, n’a pas anticipé la montée des risques à partir de l’été 2007, et ne s’est pas opposé à une stratégie qui aurait dû être fondamentalement révisée bien avant la mi-2008. Actionnaire certes minoritaire, la Caisse des dépôts et consignations est restée très en retrait jusqu’en 2008.

De même, la Cour constate que es autorités de supervision n’ont pas su prévenir les risques avant 2008 et qu’elles se sont abstenues, après cette date, d’établir et de sanctionner les manquements relevés dans le cadre de leur contrôle prudentiel.

2) L’échec du plan de restructuration

Les deux volets du plan de sauvetage, élaboré dans l’urgence en 2008 par les États belge et français, ont pris la forme d’une augmentation de capital réservée aux entités publiques (2,7 Md€ pour la partie française dont 1 Md€ apporté par l’État et 1,7 Md€ par le groupe Caisse des Dépôts) et de l’octroi de garanties étatiques permettant à Dexia d’accéder à nouveau à des financements de marché.

La Caisse des dépôts et consignations a fait porter par le Fonds d’épargne (qui centralise l’épargne réglementée) une partie de l’effort qui lui était demandé, faisant ainsi supporter un risque aux épargnants.

La contrepartie demandée par la Commission européenne pour accepter les aides d’État a été un plan de restructuration consistant notamment en la réduction de la taille du bilan. Si le plan a été globalement respecté, le déclenchement en 2011 de la crise des dettes souveraines, auxquelles Dexia était très exposée, a rendu nécessaire le démantèlement du groupe.

Ce démantèlement a nécessité une nouvelle augmentation de capital de 2,58 Md€, souscrite par l’État français à la fin de 2012. Après acquisition par celui-ci de la principale filiale française, l’extinction progressive du groupe Dexia « résiduel » a été engagée.

3) Un coût élevé pour les finances publiques, auquel s’ajoutent des risques durables

Le coût direct, à ce jour, de ce sinistre bancaire s’élève, pour la seule partie française, à 6,6 Md€. Il est réparti entre un coût net de 2,7 Md€ pour l’État et de 3,9 Md€ (Fonds d’épargne inclus) pour la Caisse des dépôts et consignations, coûts liés à la perte de valeur de leurs participations respectives.

Les risques futurs tiennent à l’extinction de Dexia, dont le modèle de financement inchangé demeure très sensible à une augmentation des taux d’intérêts, et qui aura vraisemblablement un horizon bien plus lointain que 2020.

Ils tiennent également au financement local et aux risques liés aux « emprunts toxiques » délivrés par Dexia, susceptibles de provoquer des défauts de paiement ou des contentieux. S’ils se réalisent, ces risques pèseront sur l’État français, qui est aujourd’hui directement impliqué dans la structure mise en extinction (Dexia « résiduel ») ainsi que dans les entités publiques nouvelles (SFIL / CAFILL) appelées à succéder à Dexia dans le financement des collectivités locales françaises.

4) Une recherche tardive et incomplète des responsabilités

Le sauvetage de Dexia a été suivi d’un changement de ses équipes dirigeantes, puis d’un renouvellement substantiel du conseil d’administration en 2009.

A la demande des États, les deux principaux dirigeants de la banque – M. Pierre Richard, président du conseil d’administration, et M. Axel Miller, administrateur délégué - ont quitté leur poste.

Mais la mise en cause de la responsabilité des anciens dirigeants n’a été recherchée ni par les nouveaux dirigeants nommés en 2008, ni par les actionnaires déjà présents ou entrés au capital en 2008, ni par les États.

Les anciens dirigeants ont certes été évincés, mais ils ont pu conserver le bénéfice d’avantages financiers substantiels, parmi lesquels, pour les dirigeants français, des dispositifs contestables de retraites chapeaux.

5) Principales recommandations

Les projets de réforme en cours en matière de supervision et de résolution bancaire témoignent d’une prise de conscience salutaire. Le projet de confier à la Banque centrale européenne la supervision supranationale des établissements financiers semble en particulier tirer les enseignements des lacunes constatées dans la supervision de Dexia.

Mais ces réformes doivent être approfondies, notamment sur la responsabilité des dirigeants. Les sanctions devraient être plus clairement définies, plus fortes et être appliquées systématiquement, dans le cas d’une aide publique à la restructuration.

La Cour formule au total huit recommandations, parmi lesquelles :

  • instituer les dispositifs juridiques permettant de revenir sur l’octroi de rémunérations variables et d’avantages et indemnités complémentaires à des dirigeants d’institutions financières, en cas d’intervention publique ;
  • renforcer les dispositifs de sanctions pénale et pécuniaire, tant pour les dirigeants que pour les membres des conseils d’administration d’institutions financières, pour les cas de prise de risque inconsidérée ayant entraîné des pertes ;
  • utiliser, avant l’échéance de la prescription en 2014, toutes les voies de droit, encore ouvertes, pour remettre en cause le dispositif des retraites supplémentaires versées aux anciens cadres dirigeants de Dexia ;
  • remettre en cause la possibilité ouverte aux fonctionnaires de réintégrer la fonction publique tout en percevant des indemnités liées à la cessation de leurs fonctions antérieures de dirigeant dans une entreprise publique ou bénéficiant de soutiens financiers publics ;
  • prendre les mesures de validation législative nécessaires à la sécurisation des modalités de conclusion des contrats de prêts passés entre les établissements de crédit et le secteur public local

Cour des comptes , Juillet 2013

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