›  Opinion 

Maitriser sa politique tarifaire pour préserver sa rentabilité

Afin de conserver leurs capacités bénéficiaires et continuer à créer de la valeur sur le long terme, les entreprises doivent être en mesure de maîtriser pleinement leur politique tarifaire. Dans un contexte de hausse des matières premières, réussir à répercuter ces coûts et, donc, à imposer des hausses de prix constitue un levier primordial pour préserver sa rentabilité.

Les profondes mutations qui traversent nos économies contraignent les entreprises, plus que jamais, à mettre en œuvre une stratégie de croissance autonome afin d’être capable de faire grandir leur marché adressable. Une condition sine qua non pour être en mesure de continuer à créer de la valeur sur le long terme et, ainsi, maintenir ses positions sur le marché. Au-delà du climat d’hyperconcurrence à l’œuvre depuis des années, les chefs d’entreprises doivent également faire face à des tendances de fond qui rebattent profondément les cartes : digitalisation croissante des circuits de distribution et explosion de l’e-commerce, nivellement des prix par le bas, développement de la culture de la « bonne affaire », versatilité voire infidélité des consommateurs. Autant d’éléments qui obèrent la capacité des entreprises à maitriser leur politique tarifaire et qui renforcent les pressions déflationnistes à l’œuvre dans l’économie

Dans un monde complexe et volatile, caractérisé par de nombreuses incertitudes économiques et sociales, réussir à maintenir un avantage concurrentiel durable constitue donc une réelle gageure. Et les options pour y parvenir ne sont pas légion. La seule option viable pour survivre à long terme consiste à rechercher et à maintenir une position concurrentielle forte et singulière sur son marché tout en conservant la main sur la valeur ajoutée ainsi créée. Les entreprises doivent donc aujourd’hui protéger leur croissance en se dotant de barrières à l’entrée à la fois solides et pérennes pour se permettre, in fine, d’imposer leurs prix sur leur marché. Dit autrement, elles doivent mettre en œuvre des stratégies de « pricing power ».

L’enjeu est particulièrement crucial dans l’environnement actuel, marqué une forte hausse des prix des matières premières. Depuis l’automne 2020, les cours de ces matières premières – le pétrole bien sûr mais aussi les métaux précieux et les matières premières agricoles – ont connu une très forte poussée. Une tendance qui s’est poursuivie début 2021. Cette situation engendre donc inévitablement des hausses de coûts significatifs pour les entreprises qui auront la tentation naturelle de vouloir répercuter ces hausses sur leurs prix et, donc, auprès des consommateurs finaux. Tous les secteurs ne sont toutefois pas égaux face à cette situation. Certaines industries, à l’image du secteur textile, ont peu de marges de manœuvre pour répercuter sur leurs prix cette hausse des matières premières, sous peine de subir des pertes de ventes. A l’inverse, les entreprises disposant d’un fort « pricing power » - à l’image de Pirelli dans le secteur automobile ou de Kion qui arrivera à compenser cette hausse des prix de matières premières par une augmentation des volumes et des gains d’échelle, par exemple, bénéficient d’une plus grande latitude pour intégrer ces charges dans leurs prix tant les consommateurs affichent un attachement fort à leurs produits et services.

Dès lors, la maîtrise de la politique tarifaires constitue un enjeu hautement stratégique pour l’entreprise, voire un sujet de profonde transformation impliquant l’ensemble des parties prenantes : du marketing à la logistique en passant par la distribution et, surtout, la direction générale. Pour autant, rares sont les entreprises capables d’imposer leurs prix sur leur marché respectif. Et pour cause : la mise en œuvre d’une telle stratégie se révèle particulièrement complexe du fait de l’existence d’un rapport de force entre l’entreprise d’une part et, de l’autre, les consommateurs. De fait, fixer voire augmenter ses prix ne se décrète pas : il est impératif de bien comprendre les forces en présence sur un marché donné. Faute d’avoir pris la pleine mesure de ce rapport de force, l’effet produit par la hausse des prix peut finalement être inverse à l’objectif poursuivi et, donc, faire fuir les consommateurs. Il est donc impératif pour une entreprise d’être totalement en phase avec son marché, de bien comprendre les attentes de ses clients et, enfin, de bien appréhender la capacité des consommateurs à accepter de telles hausses de prix. Faute de respecter ses prérequis, l’entreprise pourrait alors subir la désaffection de ses clients et voir ses ambitions remises sérieusement en cause.

La bonne maîtrise d’une stratégie de « pricing power » exige donc des entreprises une grande agilité et une capacité à se doter de moteurs de croissance autonome. L’enjeu est donc de créer une profonde dynamique susceptible d’être diffusée sur l’ensemble de son marché. Réussir à maîtriser ainsi sa politique tarifaire impose à l’entreprise de faire des choix forts et des arbitrages parfois radicaux dans le cadre d’une vision stratégique ambitieuse. Aujourd’hui plus que jamais, parvenir à imposer des hausses de prix constitue un levier primordial pour préserver sa capacité à générer de la rentabilité et son positionnement concurrentiel sur le long terme.

Toute l’équipe d’Amplegest tient à rendre hommage à Manu Carricano qui nous a brutalement quitté il y a quelques semaines. Son travail académique a fait avancer notre compréhension des dynamiques de prix et du « pricing power ». Nos pensées accompagnent sa famille et ses proches.

Gérard Moulin , Avril 2021

tags
Partager
Envoyer par courriel Email
Viadeo Viadeo

Focus

Opinion Les contrats à terme « Total Return » devraient poursuivre leur croissance compte tenu de l’engouement des investisseurs

En 2016, Eurex a lancé les contrats à terme « Total Return Futures (TRF) » en réponse à la demande croissante de produits dérivés listés en alternative aux Total return swaps. Depuis, ces TRF sont devenus des instruments utilisés par une grande variété d’acteurs à des fins (...)

© Next Finance 2006 - 2024 - Tous droits réservés