Réforme des aides à la construction HLM : sacrifier croissance et justice sociale pour faire des économies

Le gouvernement vient d’ouvrir le dossier des aides à la pierre. Sous couvert de moderniser le secteur du logement social, l’État veut créer un fonds national des aides à la pierre...

L’idée consiste à mutualiser les moyens et, par un pilotage conjoint des organismes HLM et de la puissance publique, de les allouer opportunément aux territoires qui en ont le plus besoin, en vue de bâtir les logements les plus adaptés à la demande locale.

La présentation de cette décision est telle que l’opinion aurait mauvaise grâce à la trouver déplacée : on va rationaliser et mettre de l’équité dans le système. On oublie de dire que déjà l’enveloppe des aides à la construction HLM avait fondu de près du tiers. D’où vient cette déperdition entre les autorisations d’engagement votées par le Parlement et les crédits de paiement ? De plusieurs causes, mais d’abord de la fermeture des robinets par l’Etat en cours d’année. En clair, l’intention d’assécher les moyens de la construction locative sociale ne fait pas de doute.

D’autant que le logement accessible à tous les Français bénéficie d’autres gestes bienveillants : une TVA à taux réduit, qui entraîne un manque à gagner pour l’État de 5 milliards, des prêts bonifiés distribués par la Caisse des Dépôts, adossés sur les liquidités du Livret A et une APL accession condamnée depuis la fin 2014.

D’où vient l’idée que l’État veuille faire moins pour la production de logements locatifs sociaux ? De la volonté aveugle de faire des économies et de renflouer ainsi les finances publiques. L’erreur est doublement préjudiciable au pays : elle dessine un avenir sombre pour les ménages qui n’ont pas accès au parc locatif privé, pour l’ascenseur social, pour l’emploi... et pour l’alimentation budgétaire des comptes publics.

Réduire les moyens de la construction HLM, c’est oublier l’enseignement de la crise financière de 2008 : les HLM sont un formidable amortisseur social et économique.

L’État abdique sa mission régalienne de loger les plus fragiles et les plus défavorisés. Il est question avec cette réforme de transférer en fait à d’autres, Action Logement, les organismes HLM eux-mêmes ou encore les collectivités locales, la charge de la production de logements sociaux. On imagine le résultat quand on sait la situation financière de nos communes et de nos départements ou encore les ponctions dont l’ancien 1% fait l’objet régulièrement.

Au lieu d’organiser ce reflux, il faudrait soutenir et accentuer l’effort. La construction sociale est en effet un puissant levier d’aménagement du territoire. On parle aujourd’hui plus volontiers d’égalité des territoires. En outre, au moment où l’État semble disposé à étouffer le logement HLM sans discernement des conséquences pour les familles françaises, la loi Macron concède aux expatriés de pays étrangers ainsi des exonérations fiscales sans précédent !

En somme, ce qui se prépare, dépeint par le gouvernement comme une aimable négociation ouverte avec le Mouvement HLM, est un passage en force déguisé et une renonciation à assumer l’un de ses rôles majeurs : aider les ménages à se loger. Il faut attendre des parlementaires qu’ils démasquent cette intention à haut risque. L’aide à la pierre ou l’APL accession sont des ferments de croissance et de justice sociale. Les sacrifier revient à menacer l’équation républicaine.

Norbert Fanchon , Septembre 2015

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