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Rira bien qui financera le dernier

Alors que les banques européennes communiquent davantage sur leur engagement en faveur de la transition énergétique verte, il est difficile de comparer leurs ambitions et périlleux d’aligner leurs objectifs sur l’atteinte de l’Accord de Paris (Net Zero 2050). Alors, entre bonne volonté et abus d’opacité, qu’en est- il de la contribution des banques pour le climat ?

Alors que les banques européennes communiquent davantage sur leur engagement en faveur de la transition énergétique verte, il est difficile de comparer leurs ambitions et périlleux d’aligner leurs objectifs sur l’atteinte de l’Accord de Paris (Net Zero 2050). Alors, entre bonne volonté et abus d’opacité, qu’en est- il de la contribution des banques pour le climat ?
L’analyse d’Etienne Pierrard, d’Arnaud Lacaze, Analystes ESG et de Candice Boclé, Directrice de l’Investissement Responsable, Mandarine Gestion.

Un engagement commun, NZBA

Depuis 2021, les acteurs bancaires se sont engagés à aligner leurs émissions sur l’Accord de Paris en devenant signataire de la Net Zero Banking Alliance (NZAB). Cette coalition rassemble aujourd’hui 144 banques pour près de 41% des actifs bancaires mondiaux. La première particularité de cet engagement est qu’il ne concerne pas les émissions de gaz à effet de serre directes des banques mais leurs émissions financées, c’est-à-dire les émissions générées par les projets qu’elles financent directement. La seconde particularité est qu’il n’est régi par aucun organisme tiers validant la cohérence des stratégies en matière de trajectoire climatique. Autrement dit, cela signifie qu’aucun groupe d’experts ne valide l’entrée ou non d’une banque dans NZBA ou n’est en mesure d’écarter un signataire en cas d’engagements insuffisants.

Compte tenu de ces éléments, le simple affichage lié à la NZBA ne peut pas suffire à estimer la robustesse de la politique climat de l’entreprise. Il est ainsi nécessaire d’estimer qualitativement l’ambition des engagements pris, en analysant notamment :

  • Le nombre de secteurs carbo-intensifs couverts par ces engagements.
  • L’étendue des émissions couvertes pour chaque secteur (scopes 1, 2, 3).
  • L’unité et la date de départ choisies pour l’objectif (les objectifs fixés en absolu étant plus ambitieux que
  • ceux fixés en relatifs).

Un cadre en pleine mutation

Afin de gagner en crédibilité, NZBA a intégré en 2023 l’obligation pour les banques signataires de publier également leurs émissions facilitées et de fixer des objectifs alignés sur 1,5°C. Les émissions facilitées correspondent aux émissions de gaz à effet de serre liées à l’activité d’intermédiaire financier entre les émetteurs à la recherche de capitaux et les investisseurs.

Dans le cas de cette nouvelle obligation de NZBA, les membres ont jusqu’au 1er novembre 2025 pour publier ces émissions facilitées et objectifs associés. Limite notable de cette mise à jour en termes de transparence et de comparabilité, les banques pourront désormais afficher leurs émissions facilitées et financées dans un seul et même chiffre consolidé.

Un secteur encore largement exposé aux énergies fossiles

Au cœur de l’actualité des banques, la mise en avant des politiques d’exclusion du financement aux énergies fossiles sont de plus en plus « monnaie courante ». En tant qu’investisseur, il est important de rester vigilant quant à l’application concrète de ces engagements et au périmètre concerné. En effet, ces dernières ne couvrent pas systématiquement la totalité des activités bancaires (financement direct, project finance, finance de marché, etc.). De surcroît, elles ne couvrent pas toutes la même part de la chaîne de valeur des secteurs gaziers et pétroliers : certaines n’excluent que les activités de recherche ou de forage, d’autres vont plus loin et excluent par exemple les activités de distribution ou de transport. Enfin, toutes les politiques n’excluent pas uniformément les énergies fossiles non-conventionnelles (hydrocarbures difficiles à exploiter par les méthodes d’extraction conventionnelles et donc plus coûteuses et plus polluantes) comme le pétrole en Arctique ou en eau profonde, le gaz et pétrole de schiste ou les sables bitumineux. Le constat actuel est que les progrès attendus sont significatifs pour permettre d’aligner les financements aux scénarios Net Zero.

Inciter à allouer ses financements vers la transition

D’après le scénario net zéro de l’AIE, d’ici à 2030, pour chaque dollar alloué au financement des énergies fossiles, cinq dollars devraient être alloués au financement des énergies propres. Aujourd’hui proche du ratio de 3 pour 1 pour les banques européennes, le financement des activités durables est incité par l’intégration récente du GAR (Green Asset Ratio) dans le pilier 3. Rendu obligatoire depuis janvier 2024, cet indicateur mesure la part des actifs financés alignés à la taxonomie européenne. Le financement de la transition doit s’accentuer mais représente une opportunité intéressante pour le secteur bancaire.

Alors que les banques européennes prennent de l’avance au niveau de leurs engagements en matière de climat, de réduction des émissions financées par secteur (NZBA), que des politiques émergent sur l’arrêt du financement de nouveaux projets fossiles et qu’en filigrane le financement des énergies propres s’accélère, la véritable limite dans l’interprétation des stratégies des banques est l’opacité. L’arrivée de nouvelles réglementations ainsi que l’actualisation des standards de place comme NZBA devrait permettre, nous l’espérons, d’apporter plus de transparence et d’encourager les prêteurs à intégrer encore davantage de considérations climatiques.

Arnaud Lacaze , Candice Boclé , Etienne Pierrard , 4 avril

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