Le risque de construction des infrastructures n’a pas besoin de garanties du secteur public

Une étude récente de l’institut EDHEC-Risk sur l’investissement en dette d’infrastructure préconise que les garanties des risques de construction ne sont tout simplement pas nécessaires si des méthodes scientifiques de construction de portefeuille sont appliquées à ce type d’investissement…

Dans un rapport publié le 16 Janvier 2013, le bureau d’audit britannique (“UK National Audit Office - NAO”) craint que si le gouvernement de Grande Bretagne, dans sa volonté de rendre attractifs le secteur des infrastructures aux yeux des fonds de pension, a accordé des garanties importantes concernant les risques liés à la construction de nouveaux projets, ces engagements substantiels pourraient avoir de lourdes conséquences pour le contribuable britannique. Il s’agit d’un débat qui fait rage actuellement au Royaume-Uni, mettant en évidence un problème de portée mondiale : de nombreux gouvernements sont en train de vouloir favoriser la croissance des plans nationaux d’investissement dans le domaine des infrastructures par la croissance du financement institutionnel, alors que les investisseurs recherchent de plus en plus des actifs à long terme tels que les infrastructures.

Une étude récente de l’institut EDHEC-Risk dans le cadre de la Chaire NATIXIS de recherche sur l’investissement dans la dette d’infrastructure préconise que les garanties des risques de construction ne sont tout simplement pas nécessaires si des méthodes scientifiques de construction de portefeuille sont appliquées à ce type d’investissement. En effet, elles sont susceptibles d’être préjudiciables non seulement au bien-être collectif, mais aussi en termes de gestion d’actifs.

L’aléa moral résulte des garanties publiques : les grands projets qui reçoivent un taux complet (95% à 100%) de garantie de financement par endettement coûtent plusieurs milliards de livres au contribuable britannique (par exemple Metronet). En accordant des garanties assez “naïves”, selon les propos de la NAO, on reconnaît ainsi que l’échec lié au risque de construction est principalement crée par ceux qui y sont exposés.

Le risque de construction est soit le résultat d’imprévus « exogènes » (par exemple, les conditions météorologiques) ou d’incitations « endogènes » causées par les contrats d’allocation des risques des différentes parties impliquées. Ces contrats qui créent des incitations pour contrôler les dépassements de coûts peuvent réduire et parfois éliminer les risques de construction. Une entreprise de construction à qui est donnée une incitation à maîtriser les coûts, a beaucoup plus d’expérience en matière de coût de construction, tout en ayant une activité suffisamment importante pour diversifier les risques de construction liés au projet (étant impliquée dans de nombreux projets dans différents endroits), pour être un bon candidat à la prise de risque en matière de construction.

C’est exactement ce qui se passe pour le financement de projets classiques, allant de l’édification d’école pour 50 millions de livres sterling à la construction de pipelines coûtant 4 milliards de dollars. Le risque de construction est réduit par le transfert des risques dans le financement de projets au lieu d’être augmenté en accordant des garanties publiques. Ainsi, nous constatons, à travers l’étude de base de données, que le coût médian de dépassement des financements de projets est égal à zéro, contre 20% pour les marchés publics traditionnels (Blanc-Brude 2013).

Cependant, bien que le risque de construction soit dans une large mesure spécifique au projet et donc diversifiable, il est toujours rémunéré dans la mesure où il s’agit d’un passage obligé dans le cycle de vie des projets d’infrastructure : le risque de construction suscite généralement des « spreads » de crédit plus élevés jusqu’à ce que les projets soient construits et pleinement opérationnels.

Du point de vue de la construction de portefeuille, nous pouvons comparer l’étape de la construction des projets d’infrastructure à une opportunité d’investissement distincte mais connexe à celle de la dette d’infrastructure.

La question empirique est alors la suivante : crée t-on de la valeur ajoutée à inclure cette dette à l’ensemble des possibilités d’investissement en matière d’infrastructure ?

A partir de la recherche effectuée en matière de notation financière (Moody 2012), nous savons que le financement de projets crée des transitions prévisibles de risque de crédit en fonction de leur maturité : sur une période de dix ans, la durée moyenne de financement de projet est passée de la notation financière Ba (ou BB) à A une fois le projet fini. En outre, si le risque de financement de projets de construction est largement spécifique au projet en question, en revanche, il devrait être assez décorrelé des “défauts” déclenchés par le risque de construction. Cette transition prévisible du risque de crédit suggère la possibilité de diversifier les portefeuilles de dette d’infrastructure à travers le cycle de vie du projet : la combinaison d’actifs avec des profils de couple rendement/risque différents et les faibles corrélations crée des avantages en termes de diversification.

En d’autres termes, investir dans un portefeuille de dette d’infrastructure qui ne comprend pas un certain montant de risques de construction revient à choisir de recevoir des rendements plus faibles tout en prenant plus de risques. En termes plus techniques, ceci est équivalent à investir en dessous de la frontière efficiente du portefeuille. Ajouter simplement une certaine dose de risque de construction dans un portefeuille de dette d’infrastructure permettrait donc d’accroître les rendements et de réduire les risques grâce à la diversification du portefeuille.

Il s’ensuit que les investisseurs dans la dette d’infrastructure devraient chercher activement à investir dans le risqué lié à la construction. En outre, si ce risque peut être utilisé pour construire des portefeuilles efficients en matière de dettes d’infrastructures, il est vraiment nécessaire de l’éloigner de la sphère publique.

Next Finance , Janvier 2013

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