L’Asie reste orientée à la hausse

Le statut de l’Asie en tant que nouveau moteur de croissance de l’économie mondiale fait partie des tendances macroéconomiques les plus controversées du moment. Mais comment les investisseurs peuvent-ils saisir le potentiel économique considérable des économies asiatiques ?

Il est vrai que les développements du marché financier en Asie divergent selon les régions et les catégories d’actifs.

Depuis les dernières décennies, le monde est de plus en plus tiré par les économies des marchés émergents. Elles devancent le monde industrialisé, non seulement en termes de part du PIB mondial mais aussi de croissance.

Depuis le début des années 2000, la croissance moyenne du monde émergent a bondi à des taux trois fois plus élevés que ceux des économies développées. Cette expansion a été largement tirée par les économies asiatiques. Une Asie prospère s’est assurée une part de la croissance du PIB mondial aux dépens du monde développé.

Si l’on en croit les estimations du Fonds monétaire international (FMI), la part des pays développés dans le PIB mondial baissera de 17% entre 1992 et 2015, un repli sans précédent. En même temps, l’Asie en plein essor devrait voir sa part de la production mondiale augmenter de 18%.

La résistance aux chocs mondiaux augmente

Des chocs exogènes tels que crise financière, crise de la dette dans la zone euro ou croissance atone aux Etats-Unis ont probablement ralenti la croissance asiatique. Pour autant, elles n’ont pas fait dérailler le schéma structurel de la croissance dans la région. Fortes de réserves de liquidités importantes et de politiques flexibles, les économies asiatiques ont réussi à s’orienter dans ces eaux agitées sans couler, renouant ensuite avec leur trajectoire de croissance. Sans compter que les enseignements de la crise asiatique de la fin des années 1990 ont veillé à ce que les entreprises et les gouvernements gèrent leurs bilans avec rigueur [1]. Une réforme complète de son infrastructure macroéconomique et du secteur financier a considérablement réduit la vulnérabilité de la région aux chocs exogènes. Les taux d’endettement des économies asiatiques devraient continuer de baisser tandis que la solvabilité des économies occidentales ne cesse d’être remise en question.

La démographie, un facteur positif

Les tendances démographiques positives jouent un rôle essentiel dans la croissance des marchés émergents. Les économies occidentales se heurtent à une population vieillissante et des taux de dépendance en hausse tandis que, sur les marchés émergents, le nombre de personnes en âge de travailler augmente rapidement grâce à la croissance de la population. A son tour, l’expansion de la population active a pour corollaire une hausse du nombre de consommateurs. Résultat : la consommation des ménages est dopée, un fait essentiel pour permettre aux économies de maîtriser le passage d’une économie dépendante de la demande extérieure à une structure qui repose sur la demande intérieure [2]

Une structure juridique sophistiquée encourage la crédibilité

Ce n’est pas seulement grâce aux facteurs strictement économiques (faibles taux de la dette souveraine et démographie relativement propice) que les économies asiatiques ont pu resserrer l’écart avec des géants de l’économie mondiale, Allemagne et Etats-Unis notamment. En effet, des progrès remarquables du côté des institutions politiques et juridiques y ont également contribué.

Ces dernières années, les structures budgétaires, financières et les banques centrales sont devenues nettement plus crédibles et transparentes.

La raison ? Les autorités ont reconnu l’importance de certains éléments comme les droits de propriété pour promouvoir la confiance dans les économies asiatiques.

Le consommateur sous les projecteurs

A l’avenir, le développement du continent asiatique sera probablement déterminé par sa capacité à gérer le passage d’une croissance tributaire des exportations à une croissance interne. Or, cette dernière peut se concrétiser à condition que la consommation et les investissements augmentent sur fond de baisse de l’excédent d’épargne. Pour ce faire, les autorités politiques doivent agir dans ce sens : promotion des investissements dans les actifs corporels, réduction des barrières à la hausse de la consommation et introduction de mesures incitatives.

Embellie de l’environnement de placement, affectation des dépenses publiques à l’évolution de l’infrastructure et développement de réseaux de sécurité sociale – systèmes de santé, de formation et de retraite – sont autant d’éléments qui entraîneront une hausse de la consommation et une baisse du taux d’épargne.

L’essor du consommateur asiatique sera la prochaine grande tendance de l’économie mondiale, si l’on en croit les observateurs des économies asiatiques sur le long terme. D’après les experts, l’impact de ce développement sur le monde s’apparente à la montée du consommateur américain dans les années 1950 au lendemain de la guerre. Il s’ensuivra des retombées considérables sur les entreprises, investisseurs et gouvernements de tout le continent asiatique et du reste du monde.

L’attention se tourne vers la demande intérieure

Jusqu’à présent, la montée des économies asiatiques qui débuta au Japon un demi-siècle auparavant était liée à la production. Avec la Chine en tête, la hausse de la prospérité reposait largement sur un modèle de croissance de l’exportation. Résultat : l’Asie est devenue la plus grande usine mondiale d’électronique, de jouets et d’automobiles. Ces produits asiatiques avaient pour principal acheteur les Etats-Unis, une situation qui a alimenté des balances commerciales et des comptes courants constamment excédentaires sur les marchés d’Asie. Pour leur part, les Etats-Unis ont dû faire face à un creusement de leur déficit courant. Près de la moitié du déficit américain portait sur les pays asiatiques. Autrement dit, la consommation des Etats- Unis était le principal moteur de la production asiatique.

Durant la dernière décennie, l’essor de la richesse, surtout en Chine, a donné naissance à un nouveau consommateur pour les marchandises régionales. De ce fait, l’économie chinoise est devenue nettement moins dépendante des exportations ; l’objectif salaires bas et monnaies bon marché a été relégué au second rang.

Logiquement, la stimulation de la consommation intérieure est devenue le cheval de bataille des autorités politiques chinoises dans le cadre du 12e Plan quinquennal (sur la période 2011–2015). Concrètement, si les pays asiatiques parviennent à faire migrer le modèle de croissance de l’exportation vers la consommation domestique, les monnaies asiatiques disposeront d’une énorme marge de manœuvre, un atout qui aura pour corollaire une hausse du pouvoir d’achat des consommateurs asiatiques.

L’essor du consommateur asiatique

Le consommateur asiatique dispose d’un potentiel de développement exceptionnel. L’Asie émergente ne produit que 30% du PIB mondial tandis qu’elle abrite plus de la moitié de la population mondiale. La consommation chinoise ne représente que 35% du PIB du pays, un chiffre qui s’inscrit à 65% aux Etats-Unis. A fin 2008, la population asiatique, soit 3,5 milliards d’habitants, a dépensé moins de 7000 milliards USD tandis que la population des Etats-Unis, soit seulement 0,3 milliard d’habitants, a dépensé 10 000 milliards USD [3]. Les signes d’une évolution culturelle sont observés parmi les consommateurs asiatiques, auparavant préoccupés par leur épargne.

Aujourd’hui déjà, la Chine est le plus grand marché mondial pour de nombreux produits ménagers, à savoir postes de télévision, réfrigérateurs et climatiseurs. Ajoutons que la Chine est devenue le marché automobile numéro 1 du monde, devant les Etats-Unis.

En Inde, le marché de consommation, encore à la traîne il y a quelques années, est en train de connaître des développements similaires. Le marché des téléphones mobiles y connaît la croissance la plus rapide du monde.

La classe moyenne asiatique en voie de devenir l’élément clé de l’économie de demain en Asie

Une grande partie de la croissance de la consommation asiatique devrait venir de la classe moyenne émergente sur ce continent [4].

A l’heure actuelle, l’Asie représente 28% de la classe moyenne mondiale en termes démographiques, un chiffre qui devrait doubler d’ici 2020. A cette date, la classe moyenne chinoise à elle seule pourrait dépasser le nombre total d’habitants vivant dans l’Union européenne.

En 2030, cette tranche de population pourrait compter deux milliards d’individus [5]. La prospérité croissante s’inscrit dans la logique d’une urbanisation rapide. Les consommateurs de la classe moyenne vivent en zone urbaine, raison pour laquelle les villes asiatiques se développent à un rythme record depuis le début des années 2000. De ce fait, la population de la zone Asie-Pacifique devrait bondir de plus de 21% au cours de la prochaine décennie [6]. Les estimations de l’OCDE [7] montrent que la classe moyenne asiatique représente aujourd’hui 23% des dépenses de consommation totales. Un chiffre qui pourrait atteindre 54% en 2020, voire facilement se hisser à 66% en 2030.

Dennis Essrich , Janvier 2013

Notes

[1] Aberdeen, Asian Bonds : A misunderstood opportunity, 2012 (Obligations asiatiques : une opportunité mal comprise).

[2] Blackrock Investment Institute, Are Emerging Markets the next Developed Markets, août 2011 (Marchés émergents : les marchés développés de demain ?).

[3] Asian Conversations, Size counts : China and India flex their consumer muscle, 2011 (La Chine et l’Inde déploient leur muscle consommateur).

[4] McKinsey Quarterly, Think regionally Act globally – Four steps to reaching the Asian consumer, 2009 (Rapport McKinsey Quarterly, Penser au niveau régional, agir à l’échelle mondiale – Quatre étapes pour accéder au consommateur asiatique).

[5] Il n’est pas facile de définir la classe moyenne. Dans une étude publiée par l’OCDE en 2010, Homi Kharas définit la classe moyenne comme des ménages qui, à l’aune du pouvoir d’achat, gagnent entre 10 USD et 100 USD par jour. L’Académie chinoise des sciences sociales, institut de recherche public, établit ce chiffre à environ 730 USD de revenu annuel (à 2009). D’autres enquêtes de marché internationales fixent ce seuil à 10’000 USD ou plus.

[6] Singapore Economic Development Board, Future Ready To-day – Understanding the psychology of the new-Asia consumers (Comprendre la psychologie des nouveaux consommateurs asiatiques).

[7] OCDE, The Emerging Middle Class in Developing Countries, 2010 (La classe moyenne émergente)

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