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Yves Chevalier : « Le FRR a pour ambition de décarboner la majeure partie de ses portefeuilles actions indicielles »

Selon Yves Chevalier membre du Directoire du Fonds de Réserve pour les Retraites (FRR), le fonds a pour ambition de décarboner la majeure partie de ses portefeuilles actions indicielles. Ses encours concernés par la décarbonation sont estimés à environ 1,1 milliard d’euro et pourraient atteindre 4 milliards dans le courant de l’année 2016.

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Présentation de l’univers du FRR :

Le Fonds de Réserve pour les Retraites, est un investisseur de long terme. Il a pour mission d’investir dans un portefeuille d’actifs extrêmement diversifiés tout en assurant le respect d’un certain nombre de valeurs collectives favorable à un développement économique, social, et environnemental équilibré.

Dès 2003, le Conseil de surveillance du FRR a posé les principes de la stratégie ISR en soulignant la nécessité pour le FRR, de promouvoir par l’intermédiaire de ses sociétés de gestion, de meilleures pratiques tant en matière d’analyse des actifs financiers que dans la transparence du gouvernement des entreprises.

Depuis lors, le FRR a participé activement à la promotion de l’investissement socialement responsable, en lançant notamment, en juin 2005, les premiers appels d’offre dédiés à l’ISR.

Membre fondateur des Principes d’Investissement Responsable de l’ONU (PRI), le FRR les signe, et siège à leur conseil d’administration. Il met en place un Comité de l’Investissement Responsable (CIR) et lance un appel d’offres portant sur la sélection de prestataires capables de mesurer à la fois la qualité environnementale, sociale, et de gouvernance de son portefeuille et, d’autre part, d’apprécier sa contribution au développement durable, tout en identifiant les risques extra-financiers auxquels le Fonds pourrait se trouver exposé. De manière concomitante, lors du réexamen de l’allocation stratégique, le Conseil de surveillance a souhaité que la question de l’impact du réchauffement climatique fasse l’objet d‘une étude particulière. Début 2007, le FRR réaffirme son soutien au « Carbon Disclosure Project » (CDP), l’une des plus importantes initiatives dans le domaine de l’environnement et du changement climatique, soutenue par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et rassemblant 285 investisseurs institutionnels. De même, en 2007, une première évaluation de l’empreinte environnementale (dont l’empreinte carbone) du portefeuille du FRR a été réalisée.

2008 verra l’adoption d’une nouvelle stratégie ISR (pour la période 2008-2012), allant plus loin dans l’intégration des enjeux ESG, notamment en matière d’impact environnemental. Cette nouvelle stratégie confirme aussi la ligne directrice du Fonds, et tend à augmenter la participation du FRR aux travaux de recherche français et internationaux sur l’ISR. En 2008, le FRR réalise la première étude relative à son propre bilan carbone (équivalents en CO2), et choisit de compenser les émissions produites par son activité en participant au financement de la mise en place d’un projet hydroélectrique au Mexique, neutralisant ainsi son propre bilan carbone. Cette initiative participe d’une volonté du FRR de mobiliser ses collaborateurs sur les enjeux du changement climatique.

En 2010, le FRR soutient l’initiative du « Emerging Markets Disclosure Project » (EMDP), qui encourage les entreprises des pays émergents à publier d’avantage de données sur leurs performances extra-financières, en utilisant notamment, le cadre fourni par le « Global Reporting Initiative » (GRI).

La nouvelle stratégie ISR (pour la période 2013-2017) renouvelle l’engagement du FRR autour de quatre axes : prise en compte des facteurs ESG dans la gestion des actifs, pilotage de la responsabilité sociale, exercice des droits de vote du FRR, contribution à la recherche sur l’ISR et au soutien d’initiatives internationales, qui s’est notamment matérialisée par l’adhésion au « Global Investor Statement on climate change », en 2014.

Enfin, conscient que le réchauffement climatique constitue un facteur de risque à long terme susceptible d’avoir un impact négatif sur la valorisation de ses actifs, le FRR a souhaité en 2014, franchir une étape supplémentaire et a contribué avec le Fonds suédois AP4, Amundi et MSCI, à l’élaboration d’un indice permettant de réduire de manière certaine l’empreinte carbone d’une partie de son portefeuille. En septembre 2014, FRR rejoint l’initiative de la « Portfolio Decarbonization Coalition » ou « PDC », une initiative collaborative, qui vise à réduire les émissions des gaz à effet de serre en mobilisant une masse critique d’investisseurs institutionnels engagés à mesurer et à décarboner leurs portefeuilles. Cette initiative a amené le FRR à publier la méthodologie et les résultats de son empreinte carbone de son portefeuille actions en juin 2015. Le FRR a pour ambition de décarboner la quasi-totalité de ses portefeuilles actions indicielles. Actuellement les encours concernés par la décarbonation sont estimés à environ 1,1 milliard d’euro et pourraient atteindre 4 milliards dans le courant de l’année 2016.

Next Finance : Quelles ont été les motivations du FRR pour participer à la mise en place des Principes pour un Investissement Responsable « PRI » ?

Yves Chevalier : Conformément à la loi et à sa stratégie ISR, le FRR souhaitait préserver la cohérence de sa politique d’investissement avec le respect de valeurs favorables à un développement économique, social, et environnemental équilibré.

C’est pourquoi, dès l’origine, le FRR a décidé de participer activement à l’initiative de l’ONU pour la mise en place de Principes d’Investissement Responsable (PRI). Cette initiative a réuni un groupe d’investisseurs internationaux qui se sont engagés à servir au mieux les ayants droits et à aligner leurs politiques d’investissement avec les intérêts de la société et le développement durable. Elle s’avère donc entièrement cohérente avec la stratégie d’investissement de long terme du FRR.

En 2003, lorsque la Stratégie ISR a été définie, elle reposait, sur deux éléments essentiels :

  • Une politique active d’exercice de ses droits de vote sur la base de lignes directrices publiques ;
  • La prise en compte dans la gestion financière de valeurs collectives favorables à un développement économique, social et environnemental équilibré.

Dans ces conditions, l’adhésion aux PRI permettait au FRR d’assurer la mise en œuvre de sa stratégie et de renforcer sa collaboration avec d’autres investisseurs institutionnels.

Enfin, le lancement des PRI coïncide avec la publication des résultats de l’appel d’offres que le FRR a lancé en 2005 pour choisir des gérants spécialisés ayant un processus d’investissement responsable. Le FRR a défini un certain nombre de principes servant de lignes directrices aux gestionnaires des mandats de gestion ISR dans la sélection des titres et la pratique du dialogue actionnarial. Ces principes déclinaient les attentes du FRR vis-à-vis des entreprises composant son portefeuille tant dans leurs choix stratégiques et modes de gestion que dans leurs comportements à l’égard de leurs parties prenantes.

Le FRR reste persuadé que la conjugaison de son adhésion aux PRI et de ses propres critères d’investissement socialement responsables constitue un cadre solide et pragmatique qui lui permettra de contribuer progressivement à l’amélioration de la gouvernance des entreprises et à la prise en compte par ses dernières des externalités sociales et environnementales.

Le FRR reste persuadé que la conjugaison de son adhésion aux PRI et de ses propres critères d’investissement socialement responsables constitue un cadre solide et pragmatique qui lui permettra de contribuer progressivement à l’amélioration de la gouvernance des entreprises et à la prise en compte par ses dernières des externalités sociales et environnementales.
Yves Chevalier membre du Directoire du FRR

Pourquoi le FRR a-t-il décidé de signer la Déclaration sur le changement climatique du sommet de l’ONU organisé le 23 septembre 2014 (« Global Investors Statement on Climate Change »).

En réaffirmant sa stratégie d’investisseur socialement responsable en 2013, le FRR a pris un certain nombre d’engagements visant à augmenter la prise en compte de facteurs ESG dans la gestion des actifs, et notamment, celui de participer au financement d’entreprises dont l’objet social préserve l’environnement ou génère un bénéfice sociétal.

Dans cette optique, tout comme pour l’adhésion antérieure aux PRI, la signature du Montréal Pledge dans le cadre du « Global Investors Statement on Climate Change » prend tout son sens et s’avère conforme à la volonté du FRR de préserver la cohérence de sa politique d’investissement avec le respect de valeurs favorables au développement durable. Les 35 investisseurs ayant signé le « Montréal Pledge » s’engagent à publier, chaque année, l’empreinte carbone de leurs investissements en actions.

Quels sont les engagements pris par le FRR dans le cadre ces différentes initiatives ?

En signant le « Global Investors Statement on Climate Change »), le FRR s’est engagé notamment à :

  • Collaborer avec les autorités pour prendre des mesures qui encouragent le financement de la transition énergétique vers une économie à faible intensité carbone ;
  • Identifier et évaluer des opportunités d’investissement à faible intensité carbone ;
  • Développer les capacités des investisseurs à évaluer les risques et opportunités liés au changement climatique et intégrer cela dans les méthodologies d’investissement ;
  • Favoriser le dialogue avec les sociétés incluses dans les portefeuilles sur le sujet du changement climatique ;
  • Publier les initiatives prises et les progrès réalisés.

Cette initiative, a été renforcée par la participation active du FRR à la « Portfolio Decarbonization Coalition », à l’issue de la laquelle il s’est engagé à mesurer, communiquer publiquement l’empreinte carbone de son portefeuille d’investissement et à décarboner progressivement son portefeuille.

Le FRR a tenu son engagement en publiant les résultats de l’évaluation de son empreinte carbone sur son site internet en juin 2015.

Le FRR a pour ambition de décarboner la majeure partie de ses portefeuilles actions indicielles. Actuellement, les encours concernés par la décarbonation sont estimés à environ 1,1 milliard d’euro et pourraient atteindre 4 milliards dans le courant de l’année 2016.

Le FRR a pour ambition de décarboner la majeure partie de ses portefeuilles actions indicielles. Actuellement, les encours concernés par la décarbonation sont estimés à environ 1,1 milliard d’euro et pourraient atteindre 4 milliards dans le courant de l’année 2016.
Yves Chevalier membre du Directoire du FRR

Que signifie « mesurer l’empreinte carbone » d’un portefeuille ? Quelles sont les méthodes pour réduire l’empreinte carbone d’un portefeuille ?

A l’heure actuelle, il n’y a pas de méthode universellement partagée pour réduire l’empreinte carbone d’un portefeuille. Le FRR a choisi de concentrer son analyse sur le portefeuille d’actions des marchés développés et émergents à fin 2013 et 2014. L’étude couvre les émissions de CO2 générées par les activités des entreprises, leurs fournisseurs directs ainsi que leurs réserves d’hydrocarbures (« stranded assets »). En termes de méthode, le FRR a fait le choix de mesurer son empreinte carbone en absolu et en intensité :

  • l’empreinte absolue est calculée pour 1 000 euros investis ;
  • l’intensité carbone des portefeuilles est calculée en divisant les émissions annuelles de CO2 des entreprises par leur chiffre d’affaire annuel. Pour mieux comprendre l’origine de sa performance carbone, le FRR a aussi distingué l’effet sectoriel de l’effet sélection d’actifs au sein de chaque secteur.

Le FRR a ensuite comparé les résultats de ses portefeuilles « actions » à ceux des indices de référence de son allocation stratégique. Ces indices rendent compte de la grande diversification géographique des placements du FRR : 40% en zone euro, 40% dans les autres pays développés et 20% dans les pays Emergents. En ce qui concerne l’empreinte absolue du portefeuille, pour 1 000 euros investis, les émissions sont de 357 kgCO2e contre 421 kgCO2e pour les titres de l’indice. Le portefeuille du FRR est donc 15 % moins émetteur de carbone que celui de son indice de référence.

Pour sa part, l’intensité carbone du portefeuille d’actions du FRR, à fin 2014, s’élève à 419 tonnes d’équivalent CO2 par million d’euros de chiffre d’affaires, inférieure de 12 % à celle du portefeuille de son indice de référence.

L’empreinte carbone, exprimée en intensité, a diminué de 4 % entre 2013 et 2014, avec pour effet d’améliorer significativement la performance relative aux indices, que ce soit dans le champ des pays développés ou dans celui des pays émergents.
Yves Chevalier membre du Directoire du FRR

L’empreinte carbone, exprimée en intensité, a diminué de 4 % entre 2013 et 2014, avec pour effet d’améliorer significativement la performance relative aux indices, que ce soit dans le champ des pays développés ou dans celui des pays émergents. Cette performance relative est notamment la résultante des investissements effectués en 2014 sur des indices à faible intensité carbone (indices « low carbon ») dans les pays développés.

Ces bons résultats s’expliquent essentiellement par l’effet de sélection des actifs dans chacun des secteurs, effet qui s’est amélioré entre 2013 et 2014. Cette évolution est particulièrement prononcée pour le portefeuille en actions des marchés émergents, dans des secteurs tels que les « Utilities » (Services aux collectivités) et « Basic Resources » (Entreprises extractives et énergétiques).

La présence d’entreprises dont les revenus proviennent d’activités extractives dans le portefeuille du FRR rend significatif le risque de dépréciation de ces actifs en cas d’évolution de la législation et/ou des prix d’exploitation. 209 entreprises sont exposées aux réserves fossiles et représentent 6,67 % de la valeur totale du portefeuille. Cette proportion place le portefeuille global du FRR à un degré d’exposition moindre que celui de son indice (7,75 %) ou de l’indice « MSCI World All Countries » (8,37 %). De plus, cette exposition s’est réduite de 2013 à 2014.

Le FRR poursuivra son analyse des impacts du réchauffement climatique sur la définition de sa politique de placement. Dans cette perspective, il sera notamment très attentif aux progrès techniques existants ou à venir, en particulier s’agissant de la captation et de la séquestration du carbone.

Ces progrès techniques pourraient en effet avoir un impact positif sur la rentabilité des entreprises du secteur de l’énergie et de celles qui sont aujourd’hui fortement émettrices de gaz à effet de serre dans un contexte où le prix du carbone et le poids des normes ou des taxes destinées à freiner le processus de réchauffement climatique sont appelés à augmenter.

Il poursuivra également son action afin de réduire dans la durée l’intensité carbone de son portefeuille et son exposition aux réserves fossiles afin d’assurer ainsi un pilotage et une réduction des risques de son portefeuille. Un nouvel appel d’offres, centré sur cette thématique sera lancé prochainement pour la gestion indicielle des actions.

Avec le fonds de pension suédois AP4, les gestionnaires d’actifs Amundi et Mirova, le FRR s’est placé à l’avant-garde de l’initiative de la « Portfolio Decarbonisation Coalition »

La « Portfolio Decarbonization Coalition » est une initiative collaborative, lancée en septembre 2014, qui vise à réduire les émissions des gaz à effet de serre en mobilisant une masse critique d’investisseurs institutionnels engagés à mesurer et à décarboner leurs portefeuilles. Le FRR s’est placé à l’avant-garde de cette coalition. En signant le « Montréal Pledge » et en rejoignant la coalition, le FRR a pris l’engagement de mesurer, de communiquer publiquement l’empreinte carbone de son portefeuille d’investissement et de décarboner progressivement son portefeuille.

Au-delà de la réduction de l’empreinte carbone, et plus globalement s’agissant du développement durable, y a-t-il des thématiques sur lesquelles vous entendez vous positionner pour accompagner le changement ? Etes-vous déjà investi dans des fonds liés au développement durable ? Si oui, pour quel montant global ?

Depuis 2011, le FRR, à travers ses mandats « actions ISR Nouvelle croissance durable Europe », cherche à favoriser les entreprises bénéficiant des meilleures pratiques ou celles qui mettent en place des dynamiques de progrès avérées. Pour cela, il a choisi de ne pas se référer à un indice de marché, ce qui permet à ses gérants de s’affranchir des contraintes de court terme et de se concentrer sur la sélection des valeurs. Par ailleurs, pour donner plus d’impact à son action, le FRR a choisi de la concentrer sur un domaine encore peu suivi, celui des petites et moyennes capitalisations afin de les sensibiliser et de les accompagner dans leur développement. Dans ce cadre, le FRR demande à ses gérants de suivre une dizaine d’indicateurs quantitatifs sur les trois piliers Environnement, Social et Gouvernance, et de lui en rendre compte. Au total, 250 millions d’euros sont gérés selon cette approche.

En 2012, le FRR a également décidé d’investir plus de 165 millions d’euros dans des mandats dédiés aux entreprises innovantes en matière environnementale dans six thématiques : eau, écotechnologies, traitement et gestion des déchets, énergies renouvelables, changement climatique et développement durable.

En 2012, le FRR a également décidé d’investir plus de 165 millions d’euros dans des mandats dédiés aux entreprises innovantes en matière environnementale dans six thématiques : eau, écotechnologies, traitement et gestion des déchets, énergies renouvelables, changement climatique et développement durable.
Yves Chevalier membre du Directoire du FRR

Next Finance , Juin 2015

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