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Que l’Europe est belle, vue de la Chine…

Alors que la situation macroéconomique européenne n’incite franchement pas à l’euphorie, un récent voyage en Chine nous a permis de prendre la mesure du potentiel énorme de certaines sociétés européennes...

Alors que la situation macroéconomique européenne n’incite franchement pas à l’euphorie, un récent voyage en Chine nous a permis de prendre la mesure du potentiel énorme de certaines sociétés européennes. Volkswagen, par exemple, produit aujourd’hui 1.5 million de voitures et n’arrive pas à satisfaire la demande locale. Elle occupe la première place des constructeurs étrangers en Chine. L’Europe dispose de champions qui rivalisent avec les meilleurs américains et asiatiques grâce au développement d’expertises sans équivalent dans le monde.
En dépit d’une reprise cyclique qui s’amorce et de l’éventuelle intervention de la Banque Centrale Européenne pour lutter contre le risque déflationniste et l’euro fort, la situation macro économique en Europe reste morose.

Le poids des tendances démographiques, la nécessité d’ajustements budgétaires significatifs et de réformes structurelles douloureuses devraient durablement pénaliser la croissance en Europe. Les taux de croissance du PIB européen sont attendus sensiblement en dessous de ceux des Etats-Unis mais surtout les pays émergents. Les sociétés européennes domestiques ont donc des perspectives limitées dans un environnement de faible croissance. Des pressions déflationnistes pourraient même apparaître dans certains secteurs concurrentiels.

Heureusement, on trouve en Europe des sociétés leaders sur leur marché, « affranchies » de leur seul marché domestique et implantées mondialement. Certaines réalisent déjà plus de 40% de leur chiffre d’affaires dans les pays émergents : Pernod-Ricard ou Nestlé tandis que d’autres ont une forte assise aux US comme Luxottica ou Sodexo.
L’Europe dispose de champions qui non seulement rivalisent avec leurs meilleurs concurrents américains et asiatiques mais qui parfois ont développé une expertise sans d’équivalent ailleurs dans le monde.

Qui sont ces leaders mondiaux ?

Ce sont des sociétés fortes, capables d’accroître leurs avantages compétitifs dans un monde globalisé. La solidité de leur positionnement concurrentiel leur permet d’afficher des perspectives de croissance bénéficiaire supérieures à la moyenne et plus pérennes.

Leur leadership se caractérise par des parts de marché dominantes, l’aptitude à innover ou encore le déploiement des best practices. Il repose sur des avantages compétitifs durables : technologies propriétaires, savoir-faire unique, marques, réseau de distribution, effets de taille….

Il se traduit par du pricing power, des marges opérationnelles élevées, une forte génération de free cash flow, une bonne rentabilité des capitaux investis, un bilan solide.

Parmi les leaders mondiaux européens qui sont au coude à coude avec les meilleures sociétés américaines et asiatiques, on trouve des acteurs comme Michelin et Continental dans les pneumatiques qui font face à la concurrence de Bridgestone et Goodyear, Linde et Air Liquide dans les gaz industriels qui maintiennent une longueur d’avance sur les américains Air Products, Praxair ou le japonais Taiyo Nippon Sanso, ou encore Grifols qui se partage le marché mondial du plasma sanguin avec l’Américain Baxter et l’Australien CSL.

Certains leaders mondiaux européens ont développé un positionnement concurrentiel sans comparaison et quasiment impossible à répliquer, qui rend ces sociétés uniques au monde. Parmi les domaines d’excellence de l’Europe, citons le luxe où l’on retrouve Hermès, LVMH, Prada, Swatch, Richemont et de nombreuses sociétés italiennes de plus petite taille.

Citons également la certification où les 3 leaders mondiaux incontestés sont Européens (Intertek, SGS, Bureau Véritas). Les sociétés d’installation offshore dans le pétrole (Technip, Subsea 7, Saipem) sont aussi uniques grâce à l’expérience acquise depuis 40 ans en Mer du Nord.

Si ces sociétés européennes n’ont pas de concurrents internationaux, la compétition qu’elles se livrent entre elles les maintient dans une attitude volontaire et expansionniste sans pour autant se lancer dans des guerres fratricides, comme le soulignent les enquêtes ponctuelles des autorités de la concurrence dans certains secteurs.

Un récent voyage en Chine nous a permis de prendre encore plus conscience du très fort potentiel de ces sociétés européennes déjà globales et qui sont prêtes à capter la croissance de la demande intérieure sur des marchés immenses comme la Chine, l’Inde ou l’Amérique latine.

En effet, ces entreprises disposent de la force de frappe -en termes de génération de cash flow- indispensable pour attaquer ces marchés. Volkswagen a par exemple investi €18 milliards entre 1985 et 2013. Elle produit aujourd’hui 1.5 million de voitures et n’arrive pas à satisfaire la demande locale. Elle occupe la première place des constructeurs étrangers en Chine.

Ces sociétés disposent de technologies et de savoir faire dont ont besoin rapidement ces grands pays pour accélérer la transition d’un modèle de développement basé uniquement sur les exportations à faible valeur ajoutée vers une économie tirée par la demande intérieure.

Certes, les Européens doivent souvent partager au sein de joint ventures avec des partenaires locaux mais c’est le prix à payer pour accéder à ces marchés.

Le risque souvent mis en avant, que ces sociétés se voient déposséder de leur propriété intellectuelle, paraît largement sur estimé. Même dans les secteurs où la Chine compte de grands acteurs locaux comme dans l’automobile, les équipements de construction, l’acier, ces dernières sont loin d’avoir comblé leur retard technologique.

Prenons l’exemple de la société Sany qui construit des pelles mécaniques semblables à celles de Komatsu ou Caterpillar. Le Chinois est leader sur son segment avec une part de marché de plus de 15% mais reste dépendant de fournisseurs américains et européens comme Cummins et Deutz pour les pièces maîtresses de ces équipements et notamment les moteurs.

De plus, les sociétés occidentales sont évidemment très conscientes de ce risque et s’en prémunissent en mettant en place des process industriels complexes, des stratégies d’approvisionnement à l’échelle mondiale et surtout conservent en Occident la R&D portant sur les technologies de demain, l’innovation étant la seule chance de survie à long terme.
D’ailleurs, force est de constater que, hormis des groupes comme Lenovo, Haier ou Huawei, les leaders chinois n’ont pas encore percé sur les marchés européens ou américains. Malgré leur ambition, ils n’ont pas pour le moment pas de marques assez reconnues pour séduire les consommateurs occidentaux.

Autre avantage de ces multinationales déjà présentes dans les pays émergents et en particulier en Chine : elles vont être les grands bénéficiaires de la consolidation qui aura lieu sur certains secteurs comme l’automobile, les pneumatiques... Les Autorités veulent créer de véritables champions nationaux, arrêter le gaspillage des investissements et faire disparaître les acteurs qui n’ont pas taille critique. La Chine par exemple, compte aujourd’hui une centaine de constructeurs automobiles, le gouvernement souhaite – à terme - n’en conserver qu’une vingtaine.

Nous pensons qu’un portefeuille constitué de ces leaders mondiaux européens, achetés à des niveaux de valorisations raisonnables que nous contrôlons régulièrement, devrait délivrer beaucoup de valeur sur un horizon de moyen-terme.

Eric Fourrier , Michel Raud , Juin 2014

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