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Juridique et Fiscalité

Prélèvement à la source et crédit d’impôt

Après la confirmation et les ajustements annoncés par Edouard Philippe, tout ce qu’il faut savoir en 7 questions clés. L’analyse de Franck Ladriere, Conseil fiscal - Girardin Expertise.

Revenus concernés, calcul du taux à appliquer, exonération, revenus fonciers, crédit d’impôt, etc. : les questions sont nombreuses à propos du nouveau prélèvement à la source qui sera mis en place à partir du 1er janvier 2019. S’il faut encore s’attendre à quelques correctifs du gouvernement avant la fin de cette année, il est temps de faire un point complet sur ces changements fiscaux qui nous attendent tous.

1. Prélèvement à la source et crédit d’impôt : comment changer ses habitudes ?

Avec l’ancien système, les contribuables sont imposés chaque année sur les revenus perçus en année N-1. Alors que le prélèvement de l’impôt à la source consiste à prélever l’impôt dû au moment du versement des revenus, et non plus l’année suivante. Ce qui signifie qu’il n’y a plus de décalage de paiement. Cela a donc un impact sur la trésorerie.

Tous les revenus sont concernés. Pour les salaires, pensions et indemnités, le système se fonde sur l’intervention d’un tiers payeur (employeur, caisse de retraite ou Pôle emploi). Pour les professions indépendantes (non-salariés) ou les revenus fonciers, c’est l’administration fiscale qui prélève l’impôt à la source tous les mois ou tous les trimestres directement sur le compte bancaire.

Il faudra toujours remplir sa déclaration

Concernant les particuliers employeurs, le prélèvement à la source sera réalisé via les sites Cesu et Paiemploi. Néanmoins, compte tenu que le système est plus complexe à mettre en œuvre dans ce domaine, il a été reporté d’un an en juin dernier. Les salariés ne paieront pas d’impôt en 2019 mais payeront en 2020 leur impôt sur les revenus de 2019 et de 2020.

Naturellement, le prélèvement à la source se calcule toujours sur la rémunération nette et figurera directement sur le bulletin de salaire. C’est l’employeur qui reversera directement à la DGIFP cet impôt. Enfin, une habitude qui ne changera pas : il faudra toujours remplir sa déclaration annuelle des revenus car le montant de l’impôt sera toujours calculé sur tous les revenus tout en intégrant la situation de chaque foyer fiscal.

2. Peut-on garder la maîtrise de son taux de prélèvement ?

La DGFiP (Direction Générale des Finances Publiques) transmet aux employeurs le taux de prélèvement pour chaque salarié. Il est calculé sur la base des revenus du foyer (et non du seul salarié) de l’année précédente.

Néanmoins, chaque personne peut choisir aussi un taux neutre ou individualisé s’il vit en couple. Cela permet de tenir compte des situations de chacun et/ou de ne pas dévoiler à l’employeur la situation fiscale du foyer.

Toutefois, en pratique, ce taux peut être pénalisant en particulier pour les familles nombreuses et les personnes ayant de fortes variations de revenus d’un mois sur l’autre. Car, même si les montants payés en trop seront remboursés, ce sera un an plus tard. Donc, une belle avance de trésorerie au fisc.

Les risques du taux individualisé

Il reste sinon à opter pour le taux individualisé. Mais attention à sa définition, sachant qu’il faudra verser le complément avec le risque de subir une majoration d’au moins 10%. D’ailleurs, à ce jour, il est intéressant de noter que seul 1,3 % des contribuables ont opté pour le taux neutre et 7,6 % des ménages ont choisi le taux individualisé.

Enfin, le taux de prélèvement sera automatiquement mis à jour une fois par an sur la base de la déclaration de revenus effectué en mai. Les contribuables pourront également modifier leur taux de prélèvement à la source en cours d’année, lorsque leur situation personnelle évolue (mariage, naissance, baisse de revenus, etc.).

Naturellement, aucune condition n’est exigée en cas de variation à la hausse. Mais, on ne pourra diminuer son taux de prélèvement à la source que si le montant global de son revenu diminue de 10% (ou 200 euros au moins). Sinon, il y a risque de pénalité de 10%.

3. Quels sont les avantages et les inconvénients du prélèvement à la source ?

Le prélèvement à la source est plus simple pour certains

Tout d’abord pour le Trésor Public qui aura moins de chèques, virements et prélèvements à gérer pour encaisser l’impôt sur le revenu. Mais aussi pour les contribuables qui sont mensualisés. Il faudra juste changer les habitudes en matière de perception des choses (rémunération moins importante, questions sur le taux, etc.) Pour les autres, ce sera probablement plus compliqué.

Le prélèvement à la source n’a aucun impact sur le montant global de l’impôt

On passe « simplement » d’un système où l’on percevait des revenus avant impôt à un système avec des revenus après impôt. Néanmoins, il a un fort impact sur la trésorerie, chaque contribuable n’encaissant plus qu’une partie de ses revenus (alors qu’avant il payait l’impôt en année N+1). Sans parler des impacts en matière de réductions et crédits d’impôts (voir ci-dessous).

Le prélèvement à la source pénalise des contribuables

Le prélèvement à la source engendrera des inconvénients pour plusieurs catégories de contribuables comme les nouveaux, et notamment les jeunes, qui paieront l’impôt dès le premier mois de travail ; ceux en difficultés temporaires qui auront plus de mal à négocier des délais de paiement ou ceux soucieux de payer moins d’impôt et qui optent pour des dispositifs de défiscalisation (voir ci-dessous).

4. 2018, année blanche : une bonne affaire ?

La mise en place du prélèvement à la source a obligé le gouvernement à instaurer une année blanche pour éviter que le contribuable supporte la même année deux fois l’impôt. Sinon il payera en 2019 l’impôt sur ses revenus de l’année et celui sur les revenus perçus en 2018. Aussi, ces derniers sont exceptionnellement exonérés d’impôt.

Mais attention : l’administration a prévu de limiter cette exonération aux revenus courants non exceptionnels. Et elle peut vérifier la situation du contribuable au titre de 2018 pendant quatre ans. Néanmoins, il existe trois cas où il est possible d’optimiser cette année blanche (sous réserve d’un texte rectificatif à venir !).

Optimiser les revenus exceptionnels

Certes, ils seront surveillés par l’administration (prime commerciale, heures supplémentaires, bonus, etc.). Mais le mode de taxation retenu (on calcule l’impôt sur l’ensemble des revenus, normaux et exceptionnels, pour le pondérer par la part de gains exceptionnels au sein de ce total) a pour conséquence d’imposer ce surplus en fonction d’un taux moyen, qui sera inférieur au taux marginal qui frappera ces mêmes ressources si elles devaient être reçues en 2019. Il faut donc bien faire ses calculs.

De plus, les travailleurs indépendants seront redevables en 2019 de l’impôt si leur bénéfice 2018 excède le meilleur de ceux enregistrés durant les trois précédents exercices. Sauf si celui-ci continue d’augmenter ou reste à un niveau élevé. Dans ce cas, l’impôt payé en 2019 pourra être totalement ou partiellement remboursé… mais en 2020.

Prélèvement à la source et bien locatif : revendre en 2018

Si vous pensez revoir votre patrimoine et revendre, par exemple, un logement, il vaut mieux le faire avant la fin 2018. En effet, considérés comme des revenus récurrents, les loyers 2018 auront été perçus en franchise d’impôts.

Naturellement, si vous conservez votre bien après cette année, vous y gagnerez aussi. Mais si vous le vendez en 2018, vous en ressentirez tout de suite l’effet.

Partir à la retraite : on peut attendre 2019

Décaler à 2019 le départ à la retraite permettra de ne payer aucun impôt sur le dernier revenu d’activité, considéré comme normal par l’administration (hors prime de départ).

Le prélèvement à la source en 2019 s’effectuera alors sur la pension, donc moins élevée que le salaire. Il en est de même s’il y a rachat de trimestres de cotisations. Le rendement de cette opération dépend de la déductibilité de ces frais. Là aussi, il vaut donc mieux attendre 2019.

5. Quel est l’impact du prélèvement à la source sur les revenus fonciers 2018 ?

Concernant les revenus fonciers dits « courants », ils ne seront pas imposés en 2019 (sur l’année 2018). Seuls certains, considérés comme exceptionnels, resteront taxés (indemnités de pas de porte, loyers dont l’échéance correspond à une autre année, etc.). Attention néanmoins à l’optimisation. Il y a des règles spécifiques concernant cette année blanche.

Tout d’abord les charges courantes (emprunt, frais de gestion, etc.) sont déductibles uniquement au titre de leur année d’exigibilité. Ensuite, les travaux réalisés et payés en 2019 seront pris en compte, mais le montant déductible sera calculé en retenant la moyenne des travaux réalisés en 2018 et 2019. ?Aussi, faire des travaux en 2019, n’aura qu’un effet fiscal limité puisqu’ils ne seront pris en compte qu’à hauteur de la moitié de leur montant (sauf travaux d’urgence). Dans la plupart des cas, il vaut mieux attendre 2020, sauf s’il y a de gros travaux à réaliser en 2018.

6. Prélèvement à la source et crédit d’impôt : comment agir autrement ?

Le prélèvement à la source est une nouvelle manière d’aborder l’impôt qui peut être lourde de conséquences pour le contribuable. En effet, on payera un impôt brut avant la prise en compte de la totalité des avantages fiscaux. Même si, au fur et à mesure des aménagements, quelques exceptions comme les services à domicile et la garde d’enfants de moins de 6 ans ont été adoptées.

De plus, il faut noter que l’ajustement du 4 septembre dernier a élargi l’avantage aux 8 millions de bénéficiaires de crédits d’impôt, quels qu’ils soient (garde d’enfant, aide ménagère, mais aussi investissement locatif ou dons aux associations). Ceux-ci bénéficieront du versement d’une avance de 60 % (et non pas 30 % seulement) du montant des réductions auxquels ils auront droit (sur la base de la situation fiscale de l’année antérieure) et ceci dès le mois de janvier. Le reste sera versé comme prévu en août 2019.

Cela atténue un peu l’effet négatif mais le remboursement total n’interviendra toujours qu’en fin d’année et le contribuable continuera de payer son prélèvement en parallèle et commencera également par payer en 2019 (don, investissement Pinel, PME, etc.) pour avoir le droit de défiscaliser ses revenus 2019. Cela aura malgré tout un impact négatif sur sa trésorerie et il aura toujours une année de retard et le fisc une année d’avance.

Une complexité qui risque d’en dissuader certains de défiscaliser.

Conserver la maîtrise de son impôt

Il faut donc agir pour conserver la maîtrise de son impôt et amortir ces effets néfastes de trésorerie. Il faut donc mettre en place une réduction d’impôt en limitant au maximum l’effort financier à mobiliser. Tout d’abord, pour ceux qui disposent déjà de réductions d’impôts correspondant à des services dont ils bénéficient, de dons à des associations, ou encore d’investissements patrimoniaux existant (avec des reports de réductions d’impôt annuels) ou programmés, il leur faudra déterminer quel est le montant de la réduction d’impôt disponible à neutraliser.

Sinon, une des solutions les plus efficaces en matière de crédit d’impôt sera la subvention d’investissement au profit du développement de l’économie ultramarine. En effet, le dispositif Girardin fait bénéficier d’une réduction d’impôt supérieure au montant de la subvention réalisée et peut engendrer une baisse de l’impact financier de son impôt de 20%. Tout contribuable qui choisira cette voie pourra continuer cette stratégie simple pour les années suivantes et bénéficier durablement d’un avantage financier substantiel… tout en ayant la certitude d’un impôt utile. Comme c’est le cas, par exemple, avec la Girardin Agricole.

7. Quels seraient les ajustements nécessaires ?

Devant la complexité et l’injustice fiscale révélées par cette réforme, nos parlementaires devront être force de proposition dans le cadre du projet de loi de finances 2019.

Simplifier le mode de prélèvement

Imposer aux employeurs de collecter l’impôt sur le revenu était tout sauf une bonne idée. La surcharge de travail et la responsabilité que cela implique fragilisera encore plus nos entreprises, en créant des obligations coûteuses et contraignantes.

Quel est donc l’intérêt de transférer la collecte de l’impôt aux entreprises alors que la collecte directe auprès des contribuables fonctionnait très bien avec un taux de recouvrement spontané qui dépassait les 98% ?

Près de 80% de celles et ceux qui acquittent l’impôt le font soit mensuellement, soit à l’échéance, soit par tiers, et le plus souvent à partir de moyens dématérialisés de paiement. Pourquoi alors compliquer ce système de collecte direct Trésor Public/contribuables en la transférant aux entreprises alors qu’il est déjà efficient ?

Laisser le calcul du taux de prélèvement au contribuable

Cette réforme permet à l’administration fiscale de prendre le contrôle de l’impôt en calculant elle-même le futur taux de prélèvement. Ce taux calculé sur des revenus antérieurs implique des ajustements pour prendre en compte les évolutions du revenu.

Ce qui induit, pour chaque contribuable, d’effectuer des démarches auprès de l’administration pour obtenir une mise à jour de son taux de prélèvement, sous réserve que le nouveau taux sera ensuite transmis à son employeur. Quelle complexité ! Le système précédent fonctionnait très bien avec la déclaration des revenus au printemps suivant l’année de prélèvement de l’impôt pour justement régulariser sa situation fiscale le cas échéant.

Pourquoi donc ne pas laisser le contribuable maître du versement de ses acomptes d’impôt l’année de perception de ses revenus, sachant qu’il y aura une régularisation l’année suivante ? Il pourra intégrer ses éventuels avantages fiscaux pour avoir la certitude de ne pas payer plus d’impôt qu’il ne doit et attendre un remboursement en septembre de l’année suivante. Nous avons tous un compte fiscal en ligne et sommes parfaitement capable de déterminer le montant des acomptes à verser au Trésor Public au regard de notre situation fiscale que nous connaissons.

Aussi, la correction de cette réforme est indispensable pour remettre le contribuable au cœur du système, en lui simplifiant effectivement ses obligations, sans lui créer sans cesse de nouvelles contraintes. La valse hésitation du Gouvernement de cette fin d’été a laissé entrevoir des espoirs d’amélioration. Mais, à part le geste sur le crédit d’impôt pour le moment, il faut encore attendre et… espérer !

FRANCK LADRIERE , Septembre 2018

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