Plan Fillon pour le logement : l’élan sans le souffle

L’ancien Premier ministre François Fillon, probable candidat à l’élection présidentielle de 2017, aujourd’hui député de Paris, vient de présenter ses propositions pour une politique du logement efficace. Son travail appelle deux séries de réactions, la première sur l’initiative elle-même, la seconde sur ce dont elle est porteuse.

Sur le fond, le programme imaginé identifie de bonnes pistes, mais s’y engage trop timidement et sur des bases insuffisamment fortes.

Le fondement manquant, c’est la connaissance précise des besoins, qualitative et quantitative, et de leur localisation.

On voit bien que les aides à la décision publique en matière de logement sont d’une rusticité insupportable :

la toise des 500 000 logements à construire chaque année est de plus en plus contestée, et l’estimation n’est assortie d’aucune segmentation, ni en termes de type de logement, intermédiaire, social, libre, ni en termes territoriaux.

Précisément, François Fillon a le grand mérite de vouloir redonner l’initiative aux collectivités locales. Oui au choix de dépasser l’échelon de la commune pour aller vers l’intercommunalité, voire le bassin de vie. Oui à la planification de la libération du foncier et l’organisation des politiques d’urbanisme et de transport.

Quelle est la solution pour être efficace ? Elle consiste à créer un concept pour le logement déjà utilisé pour l’aménagement, celui des opérations d’intérêt national. Ces opérations associeraient l’Etat et les collectivités partout où la construction nécessite un effort puissant pour combler les déficits et détendre les marchés : Paris et la première couronne bien sûr, mais aussi les Alpes-Maritimes ou encore le Genevois français, le Pays basque et quelques autres zones malades d’un grave déséquilibre entre l’offre et la demande.

L’enjeu de ces OIN consistera à produire des logements au cours des trois années suivant la contractualisation, pour répondre à l’urgence sans possibilité de diluer l’action au-delà de la période triennale. Elles permettront aussi de transcender les pesanteurs administratives et de faire primer la réflexion pour l’action.

Le programme de François Fillon souffre une autre critique : il n’échappe à la démagogie, sur fond de légitime exigence quant au logement social.

Il est normal de favoriser l’équilibre et de lutter contre la ghettoïsation, qui peut également être le fait des maires insuffisamment sociaux que des maires trop sociaux. Aller jusqu’à sanctionner les maires qui dépassent la proportion de 30% de logements sociaux ou encore de réduire à six ans le bénéfice d’un logement HLM est excessif et injuste. Le parc HLM joue un rôle d’amortisseur économique et social déterminant dans notre pays, spécialement ces dernières années, et l’Etat ne peut ni le nier ni revenir brutalement sur des dizaines d’années de politique.

Enfin, l’ancien Premier ministre pointe, à juste titre, la complexité et le poids des normes de construction comme coupables de l’enchérissement des coûts de production et des prix de sortie. En revanche, il se trompe lorsqu’il considère que la solution réside dans le renforcement du rôle du Conseil supérieur de la construction, nouvellement créé. Le salut ne viendra que du choix fondamental de libérer les énergies constructrices, en simplifiant drastiquement les process et les contraintes. Les normes thermiques et sismiques, comme la norme « handicapés », doivent être rendues réalistes. La procédure du permis de construire elle-même doit être allégée et sécurisée. L’annonce de la création d’une délégation interministérielle à la construction, chargée d’une action transversale, est à cet égard de bon augure.

En somme, le programme de François Fillon rend compte d’un effort de réflexion estimable, à approfondir et à améliorer. Surtout, il témoigne d’un intérêt politique et stratégique inédit et prometteur. D’ailleurs, tout porte à croire que la gravité de la situation de notre pays en matière

de construction inquiète plus que jamais les décideurs publics : de Terra Nova, think tank proche de la majorité, aux ténors de l’opposition, tous se pressent au chevet du malade. La bonne prescription serait de considérer le logement, et surtout l’accession à la propriété, comme le carburant de notre croissance économique et comme le moteur de notre politique sociale.

Norbert Fanchon , Mars 2015

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