Marchés obligataires des pays émergents : la sélectivité s’impose

Les obligations russes du secteur de l’énergie et les obligations quasi-souveraines indiennes ont pu tirer leur épingle du jeu dans un marché obligataire morose dans les pays émergents.

Nous avons récemment décidé d’adopter une attitude prudente à l’égard des marchés émergents au moment même où beaucoup de pays en voie de développement subissaient des vents contraires économiques et financiers. Depuis 12 mois, il ne fait pas bon être investi sur les marchés des changes et marchés obligataires de pays comme le Brésil, la Turquie et l’Afrique du Sud. En effet, le mélange du renforcement du dollar américain, de la baisse du prix des matières premières et de la hausse du poids de la dette en dollar s’est avéré être un cocktail toxique.

Ces marchés se sont quelque peu repris en 2015 malgré d’importantes sorties de capitaux, mais ils ne sont pas encore sortis d’affaire selon nous.

La Réserve Fédérale américaine va vraisemblablement devoir remettre à plus tard toute décision concernant les taux étant donné la faiblesse des dernières statistiques américaines, mais nous maintenons notre position haussière sur le dollar américain et nous considérons que les fondamentaux économiques ne devraient pas changer significativement malgré le récent rallye sur les matières premières. En conséquence, nous avons conservé une pondération assez faible sur les pays émergents au sein du portefeuille.

Ceci étant dit, nous gardons un œil sur cet univers et restons à l’affût d’opportunités individuelles que d’autres pourraient ne pas voir. Le fonds a, par le passé, tiré profit de situations où des ventes sans discernement nous ont procuré de belles opportunités, à l’image des exemples suivants.

En Russie, nous avons investi de manière sélective sur des titres à courte maturité dans le secteur de l’énergie et des ressources naturelles comme Gazprom et Lukoil. Le crédit russe a été massivement vendu l’année dernière sur fond de guerre en Ukraine et de baisse du prix du pétrole entraînant la dépréciation du rouble.

L’aversion des investisseurs envers la Russie nous a permis de dénicher des entreprises ayant à nos yeux un bilan digne d’une notation AA ou A mais dont les obligations se négociaient à un taux correspondant à une notation B ou BB.

L’attention portée aux détails est cruciale lorsqu’il faut mettre en pratique des idées d’investissement comme celles-ci. Trouver le bon endroit dans la structure du capital de l’entreprise pour investir ou être sélectif quant au secteur choisi pour investir sur un pays peut faire la différence entre bon et un mauvais investissement. En Russie, nous avons pu identifier de grandes entreprises comme Evraz (acier) et Alrosa (mines de diamant) qui ont pu bénéficier de la dévaluation du rouble, la majeure partie de leurs coûts étant en rouble mais leurs recettes en dollar. Nous investissons majoritairement dans des obligations proche de leur maturité, ce qui implique que nous n’avons pas à nous préoccuper de leur vente, nous n’avons qu’à les détenir jusqu’au bout dans notre portefeuille et ainsi bénéficier du généreux remboursement. Dans les derniers mois, le crédit des pays émergents a surperformé et notre stratégie sur la Russie a particulièrement bien porté ses fruits grâce à plusieurs facteurs : une remontée des prix des matières premières, une plus grande stabilité économique du fait d’un apaisement des tensions avec la Russie et le rallye sur le rouble qui a gagné près de 30% par rapport au dollar depuis le début du mois de février . L’économie du pays s’améliorant, la situation de la Russie nous semble à nouveau propice. Nous avons donc renforcé notre position ces dernières semaines, augmentant la duration de certaines de nos lignes.

L’Inde est un des autres pays émergents que nous privilégions en ce moment.

Le gouvernement de Narendra Modi a entamé la tâche titanesque de libéraliser une économie indienne sous-performante, stimuler les perspectives de croissance du deuxième pays le plus peuplé au monde tout en essayant de réduire le déficit budgétaire à 3% d’ici 2017. A ce jour, les prévisions de croissance du PIB de l’Inde sont de 7.5% pour cette année ainsi que pour 2016.

La politique monétaire de Raghuram Rajan, le gouverneur de la Reserve Bank of India (RBI), est considérée par de nombreux observateurs comme étant plus prudente et plus conhérente que par le passé. En effet, en 2013, Raghuram Rajan avait créé la controverse en augmentant les taux pour stimuler la monnaie et lutter contre l’inflation à un moment où la roupie avait lourdement chuté. Depuis son entrée en fonction, l’inflation est retombée à 5.2% en mars 2015 , alors qu’elle avait atteint un pic en novembre 2013 à 11.2%, aidée en cela par la baisse du prix du pétrole qui a soutenu la roupie contre les principales devises mondiales pendant le premier trimestre 2015.

Dans les pays émergents, l’alliance d’une croissance rapide, d’une faible inflation et d’une consolidation budgétaire a historiquement été un trio gagnant pour des investisseurs tels que nous. Avec une inflation sous contrôle, la RBI entre dans ce que nous pensons être un cycle de baisse des taux de plusieurs années, étant donné que les taux ont déjà été baissés pour la seconde fois cette année en mars. D’ores et déjà, notre approche consiste à rechercher des obligations libellées en devise locale avec une duration plus longue. Nous avons acheté des titres d’entreprises de financement quasi-souveraines libellés en roupie, ainsi que ceux d’entreprises du secteur privé comme Axis Bank, un des quatre plus importantes banques universelles du pays.

La prime de risque supplémentaire pour investir dans du non souverain nous a permis d’obtenir un rendement de 8/9% à l’achat. Nous nous basons sur une analyse crédit très rigoureuse pour sélectionner ce que nous pensons être les bons investissements, notamment parce que la qualité de la gouvernance en Inde reste relativement basse.

La roupie a perdu du terrain en mai dernier à la fois contre le dollar et contre l’euro après une belle remontée depuis le début de l’année. Cependant, nous persistons à penser que qu’il y aura vraisemblablement d’autres baisses des taux et que les fondamentaux économiques sont suffisamment forts pour que la roupie soit en mesure de résister aux effets d’un pétrole plus cher. Plus généralement, sur l’ensemble des matières premières, nous pensons que le risque va aller en augmentant du fait des pressions déflationnistes dans l’économie mondiale, ce qui pourrait aider le déficit courant indien à rester gérable.

Ariel Bezalel , Juin 2015

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